A Birkadem
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Fatigué de courir la campagne,
Essouflé par la chaleur qui me gagne,
Je m'assois, empoupré, sur la muraille de pierre,
Que recouvre un magnifique lierre, trés vert.
J'ai les jambes griffées par les orties,
Et la Bardane* tétue, colle à mes habits.
Je détache,vivement, mes petites sandales,
Dont la boucle de fer, me faisait si mal:
Elles tombent sur une mue argentée,
Que l'habitant a changé, pour sa tenue d'été.
Un scarabe mordoré, par le bruit dérangé,
Hésite un peu, et reprend sa course saccadée.
Un criquet audacieux, saute, sur ma main enchantée,
Et répare son erreur, par un bond décuplé.
Le papillon blanc, sur le géranium, s'enivre à tout vent,
Lorsque le gros hanneton jaune passe, en vrombissant,
Et un lézard tout gris, s'arrête, dresse sa tête,
Me regarde fixement, me souhaite bonne fête,
Et dans un trou disparait lestement.
Tout là-haut, une buse inquiétante,
Cherche sa proie dans un buisson de menthe.
Je bats de mes pieds-nus, l'air odorant,
L'air vibre de tous ces insectes charmants.
Ferme les yeux, écoute les grelots des Norias,
Qui montent l'eau,sur une musique de Ségovia*.
Je vois un figuier, cueille un gros fruit,
Qui perle une goutte de lait,
L'ouvre à deux mains, et plonge mes jeunes dents
Dans la chaire violacée,
Que le Bon-Dieu a fait naître, avant que l'homme ne soit né.
L'amandier à la branche compliquée,
Me tend son fruit vert et sa coque veloutée,
Je croque l'amande fraîche, détache la gousse blanche,
Ele est double: c'est vraiment un jour de chance.
J'ai dix ans, je rêve entre la terre et le ciel,
Je suis l'hôte d'une maison, dans le Sahel.
Georges Lévy.(Alger, 1938-1962. Israel 2006).
*La Bardane, cette fleur pourpre, estivale, du bord des routes, qui s'agrippe par ses capitules, et qui ainsi a inspiré l'inventeur du Velcro.
*Andres Ségovia (1893-1987), Andalou, le père de la guitare Classique.
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