Mon Jean-Claude, à ton evocation de nos terrasses, beaucoup de souvenirs me reviennent, car c'était vraiment une partie intégrante de notre vie là-bas, que nous ne pouvons pas oublier tellement celà nous a marqués, que d'aprés-midi passés sur leurs carreaux brulants, et nos jeux de cachettes, en serpentant entre les draps et rideaux qui se sechaient à notre soleil. En septembre I952, je suis venu à Paris, pour y subir une intervention chirurgicale, et nous etions, ma mère et moi, hebergés chez le frere à ma mère, tonton Amédée, qui habitait à Belleville, plus precisement le Bd de la Villette, et la première chose qui m'avait choqué, c'est d'avoir vu dans la cuisine le linge etendu au plafond, quelle drole de façon de faire secher le linge, que je me suis dit !!! mais je me suis rendu à l'evidence, il n'y avait pas d'autres moyens de le faire. et de plus, le linge une fois detendu, etait d'un drole de blanc, si l'on peut dire. Bah ! ils avaient l'habitude. Et le tonton qui etait arrivé à Paris au debut des années trente, avait pris "l'accent" parigot, et visiblement il cherchait à m'epater, vu qu'à l'epoque je n'avais que I8 ans. La premiere des choses ce fut le metro, tu parles des boyaux sous terre ou tu vois que des carreaux blancs, et en plus une drole d'odeur, rien à voir avec le tram d'en bas qui partait de Notre Place du Gouvernement, ou tu avais la mer devant toi, et que tu voyais jusqu'à La Perouse, et en hiver les montagnes enneigées de Kabylie, apres il tournait rue Weiss, et tu te regalais à voire toutes ces maisons blanches, l'Aletti, la Mairie, la Prefecture, et apres le bas de la Grande poste, le bd Baudin, l'agha, et en haut de la cote de Mustapha il prenait à droite pour aller à Maison Carrée, en passant par le Jardin d'Essai, et Hussein-dey, rien avoir avec leur metro. Apres ce fut le Sacré coeur, quelle vue sur Paris, tous ces toits gris, ce nuage de pots d'echappements, hum, pas tres sains pour les bronches.
A coté de Notre Dame d'Afrique, avec sa vue magnifique sur toute la baie de notre Belle Ville, aussi bien à droite qu'à gauche toujours notre Belle Mer d'un bleu sublime. Aprés ce fut la Madeleine, pas mal!!! mais à coté de notre Eglise Saint Charles, elle ne faisait pas le poids, enfin les parisiens disaient qu'elle etait belle, tant mieux pour eux. ET l'Arc de Triomphe, avec sa vue sur les champs Elysées, c'est beau, meme tres beau, mais tout de meme , chez nous, du Monument aux Morts, avec le Forum et ses grands escaliers qui descendaient jusqu'a la Grande Poste en passant par l'horloge florale, ça avait une autre dimension non ? Puis vint la rue de Rivoli avec ses arcades, ouais pas mal, mais le bd Front de Mer c'etait autre chose, non? avec cette Mer qui nous renvoyait ses reflets, à nous faire cligner des yeux, et cette vue, il nous aurait fallu deux paires d'yeux pour tout voire, et en face ils avaient le Jardin des Tuileries, c'est grand, ça en jette, mais à coté du Jardin d'Essai il n'y a pas photos, c'est encore nous les mieux placés. Aprés ce fut les Grands Boulevards, ah oui pour etre grand c'est grand, et il ya tant de choses à voire, mais nous quand on arrivé en haut du chemin Yusuf, et qu'on descendait la rue Michelet et apres en continuant on se tapait la rue d'Isly, la rue Dumont d'Urville, jusqu'à la place du Gouvernement, c'etait tout autre chose hein??? Aprés nous avons été sur les quais de la Seine, voir les peniches et il y avait meme une piscine, tu parles à coté de celles du RUA, El Kettani, ou des Groupes Laiques, elle faisait pale figure la pauvre. Apres ce fut le Jardin de Luxembourg oh la tuile, à coté du Parc de Galland, il n'y avait pas photo, rien à gratter, ils etaient loin derriere.
Et le pauvre Tonton Amédée qui voulait toujours m'epater, moi le petit provincial, il n'arrivait pas à me convaincre, un apres midi nous avons été manger des crepes à Montparnasse, bof! c'etait pas mauvais mais pa aussi bon que nos bons beignets Tunisiens, avec l'huile qui nous degoulinait entre les doigts à travers le papier gris, et qui nous brulaient les lèvres, mais la p...... que c'etait bon, tiens j'en mangerais bien un ou deux tout de suite, si j'étais rue de l'union, mais....un autre jour pour faire plaisir à ma mère il nous a emmenés chez un écailler voire des fruits de mer, alors là pardon, mais à coté du Vivier de Sidi Ferruch de chez Cappomaccio, ce n'etait meme pas une tuile mais une toiture complete, rien à voir mais absolument rien, et je n'exagere pas!!!!!!!! un autre soir nous avons été à l'Olympia voire Marcel Amont, le chanteur pas mal meme tres bien mais l'Olympia, à coté de la salle Pierre Borde ou du Majestic quelle difference, et à l'entracte ni tramousse ni cacahouette, meme pas des coeurs, vous vous rendez compte qu'elle ambiance, et personne qui lançait des tchalefs, et on avait beau regarder à droite et à gauche on ne connaissait personne, meme pas un caouito, ou un Penalva, ou un Lopez rien, que des etrangers. Comment qui vivent ces gens là, comme des sauvages, meme pas un pour te taper sur l'epaule pour demander des nouvelles de la famille, on s'est tapé tout Paris sans rencontrer un type qu'on connaissait, personne, alors que des halles à Belcourt, quand je remontais "ma" rue de l'Union, j'en embrassais au moins cinquante, sans compter ceux à qui je disais bonjour ou que je discutais avec eux pour avoir des nouvelles de la mémé ou du pépé, ou des enfants, et apres je sifflais ma mere d'en bas pour lui dire bonjour, ou souvent je montais l'embrasser, meme les voisines et la concierge madame Amar. Là à Paris ouallo, tout ça, ça ne marche pas, chacun sa vie, cinqnante ans dans la meme baraque et personne y se connait, va chercherà comprendre, tu peux mourir personne y s'en aperçoit, si, six mois apres avec les odeurs, et encore, des fois c'est sept mois!!!!!! à l'epoque je me disais c'est pas une vie.
Le pauvre tonton etait desepéré, un dimanche on a été à Deauville, oh, que c'est beau, là chapeau, mais pas un grand chapeau, juste un petit chapeau, parce que la plage et la mer, à coté de Fort de l'Eau ou la Madrague, et les autres c'est encore nous les mieux placés, cette mer un peu spéciale qu'ils ont, des fois elle est là des fois elle est pas là, faut que tu lises sur un panneau, à qu'elle heure elle va venir, pour que tu puisses te cailler les meules, car elle est jamais chaude, c'est pas comme chez nous, tu arrives à l'improviste et tu la trouves là à tes pieds toute chaude, prete, qu'on dirait qu'elle attendait que toi et elle te reçoit les bras ouverts, allez viens mon fils ou ma fille je t'attends, viens faire trempette dans ta Méditerannée, elle est à toi cette mer si bleu et si chaude. Il y en aurait des choses encore à dire, bien sûr Paris c'est la plus belle ville du monde qui disent, mais peut-etre qu'ils n'ont jamais vu Alger, alors il faut les excuser, ils ne savent pas que de l'autre coté, il est un pays merveilleux, ou j'ai passé tant d'années, peut etre et meme surement les plus belles de ma vie, et vous aussi, je pense, alors comment trouver un autre endroit plus beau que l'endroit ou nous sommes nés, pour moi se sera toujours le plus bel endroit du monde. Et en 52 je ne pensais pas que je reviendais dix plus tard et pour longtemps, longtemps, et que 45 ans aprés je pleure encore ma ville perdue, et il y a un mot qui me revient souvent c'est "Pourquoi Nous" !!!!!!!!!!!!à plus Jeanjean........d'ALGER - la- Blanche à jamais
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