NOS POTINS D'IL Y A LONGTEMPS !


Quand Marcel Léon balance…
(la visite de Charlot à Alger, avril 1931)


   Nos visiteurs connaissent Marcel Léon auquel Es'mma a consacré un écran (cliquez ici). L'éditeur-imprimeur de la rue de Tanger, pendant de longues années, anima l'entreprise qu'il avait fondée. Artisan exigeant, il y produisait de nombreux imprimés administratifs, et aussi des livres de belle tenue. Il publiait également un petit journal hebdomadaire, "Spectacles d'Alger", qui eut une carrière assez longue (1). C'est lui-même, Marcel Léon, qui en assurait la rédaction en chef et en signait de nombreux articles, dont la rubrique "Potins et Rumeurs".

   La bonhomie affichée de sa photo officielle ci-dessus ne doit pas nous abuser sur ce qu'était le tempérament de Marcel Léon. Car elle ne dit pas tout de lui : il faut lire les écrits de Marcel Léon, c'est à travers eux que nous est révélé son caractère ombrageux et entier (voire, estimeront certains - plus sévères – mesquin, tracassier, et tatillon). Ainsi que sa propension – plutôt sympathique – à s'emporter contre les puissants et à prendre le parti des gens modestes. Il semblerait que le personnage tenait à la fois d'Alceste et de Don Quichotte ! À l'occasion de la visite de Charlot à Alger, l'atrabilaire Marcel Léon donne libre cours dans "Spectacles d'Alger" à ses insinuations, n'épargnant ni Joseph Aletti ni Charlie Chaplin, ni l'entourage de ce dernier. Une vraie langue de vipère ! Il se lance même dans l'incompréhensible dénonciation d'une vilenie qui aurait consisté à dessaisir un exploitant de cinéma algérois de la copie du film "Les lumières de la Ville" ! Je ne résiste pas à reproduire ci-dessous quelques un de ses écrits tirés du numéro du 22 avril 1931.

   La fête "réservée aux enfants des riches" (comme l'écrit Marcel Léon) eut bien lieu lors du séjour de Charlot à l'Aletti. Ce fut le dimanche 19 avril. Mais ce ne fut pas celle que, lui, Marcel Léon, avait suggérée à Charlie Chaplin et à Joseph Aletti lors de la conférence de presse tenue à l'arrivée du "pître" (comme il appelle Charlot). On peut supposer sans trop se tromper que les enfants qui furent invités furent les rejetons des belles Dames et des beaux Messieurs qui fréquentaient l'Aletti, ses dîners, son casino, ses parties de bridge et ses thés dansants de l'après-midi. Mais – apprend-on dans l'Écho d'Alger du 22 avril - Charlie Chaplin n'y parut pas (l’article est reproduit ci-dessous). Il s'abstint. Sous le prétexte d'être "légèrement grippé". C'était peut-être vrai. Peut-être pas.

   Ce dimanche, il rentrait juste de Bou Saâda, on sait comme les nuits y sont fraîches ! Surtout en avril, où il ne faut pas se découvrir d'un fil ! (du moins, il était prévu qu'il y aille ; s'il s'y est finalement rendu, rien n'est moins sûr…). On se dit qu'"être légèrement grippé" ne devrait pas empêcher quelqu'un de descendre de sa chambre juste pour faire un petit coucou au mouflets présents ? Charlot s'était-il souvenu de sa propre enfance misérable des taudis de Whitechapel ? Fut-il passablement contrarié à la perspective de se trouver coincé entre deux présentations de Reines de beauté (2) par ce "montreur" de Joseph Aletti ? Qui, comme l’écrit Marcel Léon, le commercialisait, lui Charlie Chaplin, à son profit ? Fut-il réticent à ce qu'on lui forçât ainsi la main à privilégier de sa présence des enfants déjà très privilégiés ? Et voulut-il ainsi manifester qu'il aurait plutôt approuvé la proposition de Marcel Léon qu'on fasse défiler devant lui tous les enfants d'Alger ? Les héritiers comme les déshérités ? Ça, on ne le saura jamais.

   Mais ne nous faisons pas de souci pour les petits chouchoutés de l'Aletti privés de Charlot : dès le jeudi 30, Monsieur Aletti va rattraper le coup avec une nouvelle fête, où Charlot sera remplacé par "la mule dressée". Oui, c'est bien aussi. Après tout, un comique en vaut un autre, juste du showbiz et rien que du bizeness, pas vrai ? Tiens, est-ce que Marcel Léon et ses perfidies me déteindraient dessur ? Sacré Marcel !

GÉRALD DUPEYROT



"Mon petit gag à la mémoire de Marcel Léon,
doublure d'Eric Campbell, meilleur ennemi de Charlot".
JiBé

NOTES :

(1) vous pouvez consulter la collection de cette instructive feuille de chou sur Gallica, le site de la Bibliothèque Nationale. C'est aouf !

(2) Joseph Aletti organisait depuis l'ouverture de l'Aletti des réceptions de Reines de beauté, Miss diverses et autres ravissantes. Ces "shows" culmineront avec la présentation en octobre 1937 des prétendantes au titre de Miss Europe (cliquez ). Pour voir les Miss qui, en cette fin d'avril 1931, seraient présentes à l'Aletti, cliquez ici pour un article de l'Afrique du Nord illustrée les concernant.


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Autour de la visite de Charlot :

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- Les coupures de presse des journaux d'Alger.

- Pour lire sans se crever les yeux les deux articles de F. Herlin.

- L'article d'Edmond Brua à l'occasion de la visite de Charlot.

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- Sommaire des écrans consacrés à l'hôtel Aletti.

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