A fond les "Carrioles" !
La F1 des "rase-bitume"


Un thème collectif proposé par
Jean-Louis Jacquemin et Yvon Borie


Photo de Speedy Yaouleds, prise par Jean-Paul Follaci.
"Photo prise au vol, de la portière de la voiture, en 1982, sur la route d'Azazga,
d'où contre-jour médiocre mais tu comprendras qu'il ne fallait pas rater ça pour chiader la qualité".




Déjà 5 contributions !
On attend la vôtre !

(le sommaire juste après l'intro de Jean-Louis ci-dessous !)


Comme un parfum de jeunesse...


    A Alger on les appelait "carrioles", à Oran, "carricos", à Constantine "caroulèdes" (probablement une contraction de carriole et de yaouled car les deux allaient souvent de pair)...

    Elles furent nos Ferrari et nos Mac-Laren et dans un vacarme métallique qui rebondissait de mur en mur en faisant trembler les ménagères nous y disputions avec acharnement des titres enviés de champion "de la rue", voire même "du quartier"... (au delà cela devenait trop controversé).

    Aussi inconfortablement calés sur leur quart de mètre carré de planches très approximatives (aux clous parfois perfides) que "Schumi" ou Alain Prost dans leur cockpit, nous rasions le bitume à fleur de trottoir dans le hurlement des roulements à bille fatigués sur l'asphalte avec des trajectoires baladeuses mais téméraires qui s'entrecroisaient sans merci pour des joutes ou le suspense valait toutes les F1 du monde..

    Justice céleste et immanente, les plus démunis y devenaient les premiers car les engins les plus rudimentaires étaient souvent les plus maniables et les plus agiles. A ce sport de rue et de la débrouille où ils employaient tout leur temps nos sympathiques yaouleds étaient incontestablement sur leur terrain. Ils nous raflaient la Palme. C'était bien leur tour.

    Ce ne fut jamais, comme en Amérique, une institution (le soap-box derby). Ces courses furent toujours spontanées et marginales et, sécurité oblige, vaguement interdites. Mais dans ce pays débonnaire où les joies de l'enfance restaient simples et sacrées, elles furent toujours plus ou moins tolérées à condition de rester itinérantes, brèves et sans incidents.

    Le top restait, bien sûr pour les "accros", de descendre les tournants Rovigo, la Rampe-Vallée ou le boulevard Bru mais c'était risqué. N'importe quelle rue en pente douce faisait l'affaire. Les plus rudes étaient celles qui étaient encore pavées ; les meilleures, celles qui dans des quartiers calmes descendaient en lacets du Fort L'Empereur ou des collines d'Alger vers la Robertsau, le marché Geay ou les 7 Merveilles.

    Magie de ce pays où tout est dans l'instant, dans la couleur et dans le bruit et où le bonheur tient à des bouts de ficelle et s'accroche aux choses les plus simples pourvu qu'elles aient de la passion et du soleil.

    Nous avons quitté Alger et les carrioles se sont semble-t-il envolées avec nous comme si cette distraction pourtant oecuménique et partagée correspondait à une époque où l'air était plus léger qu'aujourd'hui. Je le regrette. J'aurais aimé que les As du "rase-bitume" continuent à dévaler ses rues en pente au grand dam des ménagères dans le roulement furibard de sifflets d'agents apoplectiques.

Jean-Louis Jacquemin, juillet 2002


Fond d'écran : dessins de Charles Brouty pour "Jeunes Saisons" d'E. Roblès, Editions Baconnier, Alger 1960




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Les carrioles ! Vous n'allez pas me dire que vous n'en avez pas de souvenirs tout de même !

Alors vite, vos réactions, vos précisions et vos anecdotes... d'avance merci.