Les fiches bricolage d'Es'mma !
Carrioles : la technique et la pratique
Construction, matériaux, trucs et astuces...
L'art de la conduite en fonction des modèles

Par Yvon Borie

en 1958




FICHE 1

Les modèles

Les carrioles, construites en bois, étaient de deux types, comme les automobiles : à châssis et à plateforme.

1) à châssis :

Un robuste T constitué d'un demi chevron sur lequel s'emmanchaient les roues du train arrière et l'axe du palonnier avant, soutenant d'une manière assez solide et rigide une assise en planches (pointillé) fixée par des clous à l'arrière du châssis et servant de "siège-carrosserie".

2) à plateforme :

C'était un montage plus précaire, bricolé le plus souvent avec des restes de caisse : une plateforme en planches réunies par des liteaux sur laquelle étaient rapportés tant bien que mal l'essieu arrière et le timon. La vue de profil permet de mieux comprendre.


Les trains roulants

Généralement à quatre "roues" (quatre roulements), deux de bon diamètre sur l'essieu arrière fixe, deux de diamètre plus modeste disposées chacune à l'extrémité du palonnier avant qui servait d'essieu directeur.

Mais aussi à trois roues (les roulements étaient rares et difficiles à "maintenir") dans ce cas le train avant directeur était monoroue avec une roue dans l'axe, suspendue au-dessous du palonnier qui du coup devenait un vrai palonnier.

Fixations des roulements

Les fixations étaient souvent rudimentaires : les extrémités de l'essieu ou du palonnier (cas des deux roues avant) étaient usinées "main" jusqu'à obtenir une forme sur laquelle le roulement pouvait s'emmancher.On le fixait en fourrant des vis ou des clous dans la circonférence en bois pour coincer (de manière hélas, assez précaire) l'anneau du roulement en bout d'essieu.

Sous la force centrifuge, les roues avaient tendance à s'échapper en virage. C'était l'un des incidents habituels.

Comme pour le Dodge WC US, il existait aussi une variante beaucoup plus rare et ambitieuse, genre 6X6 avec deux essieux arrière, valable et confortable en biplace, mais moins maniable et plus coûteuse en nombre de roulements.


Le Monoroue

Enfin un engin diabolique (que je ne suis jamais parvenu à maîtriser !). C'était le Monoroue, le "surfeur" du trottoir, simplissime : une planche, un bloc essieu, et un roulement de belle taille au centre.

De tous points de vue, le monoroue était l'engin le moins coûteux, le plus performant et le plus facile à remonter en haut, à la condition, pas évidente, de savoir le maîtriser en "surfing" car là, il était vraiment très rapide. Une fiche lui est spécialement consacrée un peuplus loin.



FICHE 2

Pratique de la carriole, principes généraux.

Dans la rue (certes). Si possible sur les trottoirs (graves conflits avec les piétons), sinon sur la chaussée (ça va plus vite à cause de la boucharde, tu suis ?), mais les conflits avec les véhicules sont nettement plus dangereux.

Toutes les variantes de course sont possibles : vitesse, slalom, contre la montre, etc... sauf , bien entendu, la course de côte !


Energie propulsive

L'attraction terrestre assurait la motricité grâce à la déclivité. Alger, ville amphithéâtre avec ses pentes omniprésentes et graduées, était l'endroit idéal.

Conséquence : plus la carriole était lourde plus ça roulait vite, encore qu'il faille composer avec l'adhérence. Par contre, plus c'était lourd, et plus c'était pénible à remonter en haut.


Conduite et position de conduite

A deux : derrière, le passager. Devant, le conducteur pilote avec les pieds qui reposent chacun à une extrémité du palonnier. Pour aller à gauche, on pousse le pied droit, et c'est ça qui m'a gêné dans un avionÉ car c'est exactement l'inverse ! Pour virer à gauche : pied à gauche manche à gauche. Pour virer à droite : pied à droite manche à droite (pour ce faire, les câbles qui vont du palonnier avion à la "dérive" sont croisés !).

Des câbles il y en avait parfois, mais pas croisés. C'était le pilotage "à la ficelle".

Une boucle de ficelle reliée à chaque extrémité du palonnier permet en tirant dessus d'orienter le palonnier. Virage à gauche : tirer sur la "rêne" gauche...

En croisant les rênes on aurait obtenu un pilotage "avion", mais qui le savait ?

Lors du pilotage au pied, le conducteur se tenait avec ses mains agrippées de chaque côté de la plate forme. En cas de garde au sol réduite ou d'obstacle sur la route : malheur aux phalanges !

Lors du pilotage à la ficelle, il n'y avait qu'elle pour s'agripper et on comprend les inconvénients !

L'éventuel passager arrière, utile pour son poids (et pour remonter la carriole) s'agrippait comme il le pouvait à la plateforme et, en cas désespéré, au driver, à la grande colère de ce dernier !



FICHE 3

Le Freinage !

Bien joli de descendre, il fallait aussi s'arrêter. Toutes les rues n'avaient pas, comme la rue Tilloy, leur mur transversal, barrière incontournable comme le filet d'arrêt d'un Porte-avions (mais plus rude j'en sais quelque chose).

Sur les modèles classiques, un bout de bois rapporté sur les flancs, d'un côté ou des deux, pouvait en s'abaissant frotter sur le sol et, dans le meilleur des cas, ralentir un peu le bolide.

On tire avec une ou deux mains, le levier s'abaisse et frotte au sol. Ces freins latéraux permettaient aussi une assistance au virage (au frein) dont les effets mal dosables étaient parfois inattendus.

Le freinage n'était utilisé qu'en fin de course pour l'arrêt complet et donc généralement lorsque la déclivité était devenue plus douce.

Pour les monoroues, quel frein ? Les talons du conducteur essentiellement, ou la partie arrière de la planche si on n'avait pas peur d'avoir chaud aux fesses mais tout ces moyens étaient bien précaires, restaient l'esquive et l'éjection.


ABS / freinage d'urgence

On tire le ou les mêmes leviers, mais cette fois désespérément !

Et en cours de trajectoire ? Une seule ressource, l'esquive : piétons, véhicules, animaux, épiceries mozabites...
L'esquive : au palonnier, en se penchant, comme on pouvait, pas du tout !
Et dans les cas limites : l'éjection !


Procédure d'éjection

- Braquer brutalement le palonnier : instantanément tout passe-cul par dessus-tête.
- Réception au sol : comme on peut.
- Réception des riverains, des mozabites et des esprits fâcheux en général : mauvaise !

Dans bien des cas, l'éjection est suivie de l'abandon du véhicule :
    - aux riverains (prise de guerre)
    - aux forces de l'ordre (pièce à conviction)
    - à l'épicier mozabite
      (dans cet unique cas, on pouvait tenter une négociation ultérieure.
      Mieux valait la faire précéder d'un achat substantiel de bonbons "Athlétic" !)



FICHE 4

Et le monoroue ?

Là, c'est  terrible !

L'assiette (de la plateforme) : est "à cabrer" (les pilotes d'avion comprendront), les jambes écartées (pour jouer le rôle à la fois de stabilisateur et de "directionnel"), soit tendues, soit légèrement repliées. On se cramponne comme on peut à la plateforme (aïe les phalanges)... On comprend pourquoi le roulement gagne à être plus gros pour gagner en garde au sol.

Les changements de direction : s'obtiennent en jouant de la position du corps, thorax et jambes comme pour les surfers.

Les variations d'allure : doivent tout à la science du zig zag...

Freinage : on l'a vu ci-dessus... utopique.

Ejection : aisée et fréquemment... automatique !

Abandon du véhicule : moins "crève-coeur" car moins coûteux... Encore que le "gros roulement"... Néanmoins possible à éviter : un yaouled entraîné peut largement distancer, son engin sous le bras (eh oui c'est l'avantage), un fâcheux essoufflé (il a commencé par s'épuiser et gueuler), à fortiori un mozabite dont l'embonpoint de bon aloi était habituel...



FICHE 5

Sensations

Grisantes ! À part le galop à cheval et le radada en avion, il n'y a rien de mieux, et surtout ne me parlez pas de ces "sports de glisse" softs et ouatés de ces minables Gaouris.

Yvon Borie © 2002



Suite des fiches bricolage avec
La " Formule Y "
de Jean-Louis Jacquemin

Une carriole "Tous risques",
non homologuée, mais efficace !