La "formule Y"
Une carriole classe "Tous risques" simple mais efficace
Par Jean-Louis Jacquemin
Dessin de Charles Brouty
(Brouty n'avait pas seulement un bon coup de crayon, il avait aussi bon oeil)
L'ami Yvon, qui est un passionné de mécanique et un méticuleux de la technique, nous décrit des carrioles de rêve, de luxe, construites au cordeau. Des engins homologués, quoi... De belles carrioles "full options" il y en avait, certes, dans les rues d'Alger et même ailleurs, il n'y a qu'à regarder la photo prise sur le vif, à Azazga par J.P. Follacci pour s'en persuader. Mais la plupart des engins de rue des Yaouleds, ceux qu'ils trimballaient sous le bras et enfourchaient à la moindre pente étaient au contraire d'une rusticité absolue et d'une improvisation totale ce qui ne les empêchaient pas, entre leurs mains, d'en faire des "challengers" redoutables. Alors, pour faire complet, voilà la recette d'une carriole de rue modèle standard, non agréée par la F.I.S.C. (Fédération Internationale du Sport Carriolesque. Vous avez au moins une agence par département en France Mais si ! mais si ! renseignez-vous !). |
Prenez un couvercle de caisse qui traîne devant une épicerie mozabite ou sur les docks "en bas le Port", de dimensions environ 40x50 cm. Avec des clous récupérés (et un gros caillou) renforcez les deux liteaux qui tiennent les planches ensemble et débordent à l'extérieur. Sciez (vous empruntez la scie au Moutchou complaisant contre un menu service...) les deux extrémités du liteau avant au ras de la caisse et reclouez lez verticalement au centre du même liteau de manière à faire un logement pour un petit roulement en position centrale dont vous bricolerez l'axe de votre mieux par exemple avec un bout de bâton scié et bien clouté entre ses deux "joues". Diminuez avec un canif les extrémités qui débordent du liteau arrière jusqu'à pouvoir y forcer l'emmanchement de 2 gros roulements robustes (il faut un peu de garde au sol arrière pour les mains.. ) et sécurisez les en place par tous moyens improvisés à votre disposition (clous, coins, fil de fer, chatterton, ensemble ou séparément...). Retournez le tout et vous avez une carriole "suffisante" que par sympathie rétrospective j'appellerai de formule "Y" et ne souriez pas trop vite : vous allez être doublé. Pour conduire, simple : vous vous agrippez aux bords de la planche sans laisser traîner les doigts (sans quoi vous êtes bon pour les mitaines...) et vous basculez tout le corps à droite ou à gauche pour pencher la carriole et incliner l'axe de la roue avant dans le sens de la courbe à négocier.
Le plus fort c'est que ça marche. Avec ces engins pas très précis dont tout freinage est exclu j'ai vu des yaouleds faire des prouesses de pilotage et se tirer de mauvais pas où bien des grandes carrioles se fussent "cassé la gueule". Voilà. Le sport carriolesque comme le sport automobile a ses constructeurs indépendants, ses bricoleurs de génie et ses pilotes inspirés. Il est juste de rendre hommage à leurs talents. © Jean-Louis Jacquemin, Octobre 2002. |