La chasse au Chacal
et autres considérations sur cet animal.

par Gérald Dupeyrot,
dessin de Jean Brua,
avec les collaborations involontaires
de Pierre Batail, directeur du journal "L'Algérien",
et du Général Margueritte.




Voilà peu, sur "Les Anciens d'Alger", l'excellente page Facebook de notre ami John Franklin, a été publiée la reproduction de l'affiche que vous voyez ci-dessus. Il s'agit d'une fort belle affiche, signée du peintre Dinet, ce qui ne gâte rien. Par celle-ci, le Comité des Fêtes de la Ville d'Alger donne le programme des festivités pour la saison 1907-1908. Vous pouvez constater que la saison débute en décembre et se termine en mai. On va voir pourquoi cet ostracisme vis à vis des autres mois de l'année. Pour chaque mois sont indiquées les réjouissances prévues. Tous ces évènements vont faire la joie des Algérois, mais il est un autre public visé prioritairement par le Comité, c'est celui des "hiverneurs".

Les hiverneurs, c'étaient les touristes fuyant l'Europe le temps de la saison froide, et venant trouver à Alger et en Algérie le soleil, et le bon air (il paraîtrait que celui d'Alger n'était pas si terrible que ça, il avait de virulents détracteurs, mais bon, ceci est une autre histoire). Comment détourner de la Côte d'Azur et de l'Italie quelques uns de ces riches Anglais et autres européens septentrionaux de petite santé mais de grande fortune, désireux de dépenser leurs devises sous des cieux plus cléments ? Ne pas mégoter sur les distractions à leur offrir semble en effet de bonne politique.

Voyons celles qui leur sont proposées par cette affiche… Batailles de fleurs, Veglione (grande fête de nuit à la mode italienne, avec masques, farandoles, gelati, confettis, serpentins…), courses de chevaux, courses de taureaux, régates, fêtes nautiques, batailles de fleurs… Bon, ils mettent le paquet. Un détail curieux, toutefois : pour le mois de février, on trouve un "Rallye Cross Country" et des "Fêtes mauresques", mais aussi des "Chasses au chacal" ? Pour les deux premiers, ça va, on imagine à peu près. Mais pour les chasses au chacal ? Je dois dire que je ne voyais pas trop de quoi il pouvait retourner. S'agissait-il de vrais chacals, ou bien d'un jeu où celui des joueurs qui tiendrait le rôle du Chacal serait comme un fugitif que les autres joueurs devraient pister et capturer ? Une sorte de Chasse du Comte Zaroff en pas saignant, ou une version plus sportive de notre jeu de piste scout ? C'est sûr que ces hypothèses ne présentent ni beaucoup de prestige ni beaucoup d'attrait. Pouvait-il alors s'agir de vrais chacals ? En crocs et en os ? Pour moi, le chacal était un animal de réputation pas très reluisante, situé dans la hiérarchie des prédateurs entre la hyène et le coyotte.

La première fois que j'ai entendu le mot "chacal", c'était au début des années 50, dans la bouche de Bachir. C'était un très vieil homme que l'on voyait du côté de la rue Michelet, et de la Librairie "À Nostre Dame". Il dormait dans un recoin du couloir de l'immeuble du n°37. Bachir subsistait en effectuant de menus travaux pour les uns et les autres. Sous son turban de toile jaune, il avait un visage tout de rides où un beau sourire permanent arrivait à se faire une place. Quand il me voyait arriver, petit bonhomme accompagné de mon père, il me tendait une main sèche, noueuse et raide comme un sarment, je la prenais malgré ma timidité maladive, et lui me serrait la mienne et ne la lâchait pas, il la secouait doucement en me demandant "alors, comment il va, le chacal de la Chenouah ?". Sans cesser de me fixer de son petit oeil malicieux. Et moi de me blottir plus fort contre la jambe de mon père. Sans doute les chacals sont-ils rudement timides ? Et ont-ils les oreilles décollées ? Et puis, Chacal, pourquoi pas, mais pourquoi "de la Chenouah" ? Bachir me faisait me poser des questions existentielles. Un jour de la fin 1961 ou de début 1962, mon père rentra à la maison, il avait les larmes aux yeux. Il s'assit à table, restant silencieux. Finalement, il dit : "ils nous ont tué Bachir !". Il ne parla plus de tout le déjeuner.

Ensuite, dans la collection de livres "Rouge et Or" pour la jeunesse, et en bandes dessinées dans le journal de Mickey (en 1953), je lus "la Guerre du Feu", dont j'ai installé une citation un peu plus loin, où il est question de chasse aux chacals. Plus tard encore, arrivé en classe de 6e au lycée Gautier, le programme d'Histoire débutait avec l'Égypte ancienne, et le panthéon de ses dieux. Monsieur Perrin, notre professeur d'Histoire, nous apprit qu'un chacal, sous le nom d'Anubis, avait dégotté à l'ANPE des dieux le boulot de right nécrophage in the right place de croquemort. Bien joué!





Des images venant s'échanger contre un nombre conséquent de "bons points",
ou contenues dans des tablettes de chocolat ou des paquets de chicorée,
avaient pu apprendre à certains d'entre nous comment était fichu un chacal.



Bon, mais chasse t-on le chacal ?

Je suis allé voir sur Youtube, on y trouve effectivement deux films de chasses au chacal aussi misérablement filmées que cette chasse a l'air elle-même misérable, pour ne pas dire sordide. Je ne vous conseille pas d'aller regarder ça, l'estime en l'Humanité en prend un coup supplémentaire, comme si c'était la peine d'en rajouter. La question était donc de savoir en quoi consistait cette chasse au chacal, se pouvait-il que l'on offrît un tel "divertissement" aux touristes de passage ? Pourquoi pas une chasse à la gerboise ?

Je me plonge dans les journaux algérois du début du siècle (merci Gallica !). En 1907-1908, l'écho d'Alger n'existe pas encore (il a été fondé en mars 1912). D'autres journaux cessent de paraître avant, d'autres voient le jour plus tard… Et finalement, dans l'hebdomadaire "L'Algérien" du 19 janvier 1905 (pour lequel il n'y a pas ensuite de parutions pour les années 1907 et 1908), je tombe sur un article qui évoque le programme de la saison touristique en cours, où les réjouissances qui se déroulent semblent ne pas différer de celles de la saison suivante, figurant sur l'affiche de 1907-1908. Vous pouvez lire cet éditorial du directeur du journal lui-même juste après le titre de "L'Algérien" ci-dessous.




Alger, le 19 janvier 1905.
ALGER Ville Hivernale

Le Comité d'hivernage avait organisé, la semaine dernière, une chasse au chacal qui fut très réussie, dit-on, mais à laquelle ne prirent part qu'un petit nombre de personnes. Peu ou point d'hiverneurs. Les étrangers étaient restés sur les côteaux de Mustapha, ne jugeant pas à propos de se déranger pour voir tuer un chacal ou deux. Ah ! s'il s'était agi d'une chasse au tigre, au lion ou à l'éléphant !

Il ne dépend malheureusement pas du Comité d'hivernage de multiplier félins et pachydermes pour le plaisir de les faire abattre par des Anglais qui, comme a Fontenoy, seraient invités à tirer les premiers.

Le sage doit savoir, dit-on, se contenter de peu. Les membres du Comité d'hivernage poussent vraiment la sagesse trop loin. Ils font certainement ce qu'ils peuvent, et on ne peut guère les blâmer de ne pas faire mieux.

Il leur manque la forte somme.

Peut-être verrons-nous un jour quelques milliardaires américains les couvrir de dollars. En attendant c'est la misère noire.

Comme nous le disions il y a quelques jours, si nous n'avons pas beaucoup d'hiverneurs, nous avons de nombreux journaux d'hivernage.

On n'en compte pas moins de quatre.

Il est bon d'encourager l'imprimerie locale, mais il faut bien convenir que la lecture d'une feuille anglo-franco-algérienne n'est pas une de ces réjouissances qu'on attend avec impatience et dont on parle ensuite pendant plusieurs mois.

Nous croyons donc qu'une seule gazette suffirait à notre bonheur. Les commerçants seront certainement de notre avis, puisque ce sont eux, en fin de compte, qui paient la "casse", nous voulons dire l'impression des journaux en question.

Nous pensons également qu'il est inutile d'avoir plusieurs comités, l'un qui ne fait pas grand'chose et l'autre rien du tout. Ce n'est pas ainsi que nous attirerons les étrangers chez nous. Ils y viennent du reste, bien plus pour chercher le repos, le soleil et la santé que pour chasser le chacal.

Nous n'avons aucune animosité contre tels ou tels membres du Comité d'Hivernage. Nous croyons simplement qu'ils se trompent. Il arrive à tout le monde de faire fausse route et de tourner le dos au but que l'on s'était proposé d'atteindre. Un Comité composé de simples particuliers, de "personnalités sans mandat" quoique sympathiques, ne peut avoir aucune autorité morale. Il lui est impossible de se procurer des ressources suffisantes pour l'organisation de ses fêtes. Il en serait autrement, croyons-nous, si le dit Comité, placé sous la présidence d'honneur du Gouverneur général, comprenait la Municipalité, les présidents et vice-présidents de la Chambre de Commerce et du Syndicat Commercial, etc.

En cherchant un peu, on trouverait, tant au Gouvernement Général qu'à la Mairie, quelques milliers de francs tous les ans. Les commerçants, de leur côté, apporteraient leur obole. Peut-être réussirait-on ainsi à donner plus d'éclat aux fêtes et à enlever à la Côte d'Azur quelques hiverneurs en quête de distractions. Pour les autres, les frileux ou les malades, il faudrait aussi faire quelque chose. Quoi ? Je n'en sais rien. Mais les ayant engagés à venir, on ne peut raisonnablement les laisser mourir d'ennui. Or, mettezvous dans la peau d'un monsieur qui, de cinq heures jusqu'au moment où il se couche, ne sait où aller et se voit condamné à rester dans une chambre d'hôtel ! Il y a véritablement de quoi devenir enragé ! C'est cependant ce qui attend nos visiteurs. Quand on n'a que cela à leur offrir, il ne faut pas trouver mauvais qu'ils ne restent pas.

PIERRE BATAIL.


Que nous apprend cet article désabusé et narquois ? D'abord, il nous renseigne que dans la "chasse au chacal" c'est bien un vrai chacal qui était le dindon de la farce. Ensuite, que parmi les Algérois de l'époque, il en était, comme ce M. Batail, qui remettaient en question la façon dont était organisée la propagande autour des attraits de notre ville : nombre excessif de gazettes en direction des "hiverneurs", doublon des "comités d'hivernage", distraction proposées discutables. Et tout particulièrement la "chasse au chacal". M. Batail fait aussi remarquer que non, on ne peut à Alger proposer aux sujets de sa gracieuse Majesté britannique des chasses comme il s'en donne dans les différentes colonies de leur Commonwealth. Ni tigre ni d'éléphant de par chez nous !

Eh oui ! Au début du XXe siècle les grands chasseurs - militaires, colons et potentats indigènes - ainsi que les populations locales (merci de ne pas tout mettre sur le dos du colonisateur !) ont déjà presqu'exterminé en nos contrées tous ce qu'elles comptaient d'animaux "nobles" dont la chasse aurait pu présenter un quelconque prestige pour les "hiverneurs" de notre ville. Les populations rurales, depuis toujours et partout, ont traqué les fauves qui décimaient leurs pauvres troupeaux et à l'occasion s'en prenaient à des promeneurs isolés. Le dernier lion d'Algérie avait été tué, parait-il, dans les forêts de Séraïdi vers 1890 (1). Quant aux autruches, panthères et guépards ils n'étaient déjà plus que des souvenirs.

Les gazelles, à part celles du parc de Galland et du zoo du jardin d'essai, subsistaient bien encore, dans le lointain sud, mais dans notre Sahel, walou, il n'y avait plus grand chose question grandes chasses. Restaient les sangliers, mais comme pour les gazelles, il aurait fallu aller les chercher assez loin. Dans les années 30, mon père, quand il travaillait pour les Bouchonneries Internationales, société basée à Hussein-Dey, allait surveiller le desmasclage des chênes-lièges, et à cette occasion participait à des chasses au sanglier, mais c'était dans le massif de Collo, c'est à dire à 500 bornes d'Alger, un peu avant Philippeville ! Il restait bien les singes du Ruisseau des Gorges de la Chiffa, mais comme gibier, c'est moyen. En plus, ils chouravent les ombrelles, les cabassettes des collations, et les fusils. Souvenons-nous du capitaine Haddock dans "Le Trésor de Rackham le Rouge" ! Je plaisante, bien sûr.

(1) Pour le lion de Barbarie comme pour les autres fauves, les dates que l'on trouve pour la disparition des derniers specimens sont très variables. Il serait même question qu'auraient été vus récemment d'ultimes individus, survivant encore au fin fond des forêts de l'Atlas. Pourquoi pas un Yeti ?


Le chacal, ça se chasse vraiment ? (bis)
L'avis (tacite) d'un amateur éclairé


     Le glapissement d'un chacal fit lever la tête au grand nomade. Il l'écouta d'abord en silence, puis il fit entendre un rire léger.
"Nous voici dans le pays des chacals, dit-il. Nam et Gaw essaieront d'en abattre un."
"Naoh veillera dans ce buisson… Le chacal est aussi rusé que le loup : jamais l"homme ne pourrait l'approcher. Mais il a toujours faim. Nam et Gaw poseront un morceau de chair et attendront à peu de distance.
Le chacal viendra ; il s'approchera et il s'éloignera. Puis il s'approchera et s'éloignera encore. Puis il tournera autour de vous et de la chair. Si vous ne bougez pas, si votre tête et vos mains sont comme de la pierre, après longtemps il se jettera sur la chair. Il viendra et sera déjà reparti. Votre sagaie doit être plus agile que lui."

J.H. Rosny aîné.
La Guerre du feu
Extrait ici


Oui, mais ça c'était du temps des hommes préhistoriques ! J'ai voulu finir de me faire une idée de l'intérêt de la chasse au chacal. Je me suis souvenu que j'avais dans mes rayonnages un livre intitulé "Chasses de l'Algérie". Un petit livre relié rouge avec la tranche des pages dorée, de ceux que nos parents et grands parents recevaient en livre de prix en fin d'année scolaire. L'édition que je possède est la quatrième, de 1888 (la première date d'août 1866). Son auteur ? Le général Jean-Auguste Margueritte, le tout grand spécialiste de la question. Il allait m'affranchir…




N'étant pas porté sur l'art cynégétique, jusqu'ici j'avais négligé ce bouquin. Eh bien, j'aurais manqué quelque chose à ne pas le lire, je l'ai dévoré, il est passionnant ! Margueritte en ses jeunes années avait été chef du bureau arabe de Theniet El Had, puis en 1855 capitaine chargé du commandement du cercle de Laghouat. C'est loin d'Alger, et déjà le Sahara !

Il nous parle de ses chasses dans le grand sud, de ses relations avec les populations locales, il nous narre (et il écrit bien !) comment participaient à ses chasses les chasseurs indigènes, nous décrit leurs traditions, leur expérience du gibier, leurs façons de procéder, les rivalités entre lui et ces chasseurs libres et fiers, et les défis qu'ils se lançaient. Outre l'aspect technique des chasses, il traite également des personnalités des uns et des autres, des relations qui s'établissaient.

Au passage, il nous évoque les affrontements implacables entre tribus locales, les unes du côté des Français, les autres d'Abd El Kader. On y fait la connaissance de la jeune et belle Messaouda, une sorte de Jeanne Hachette qui sut ranimer le courage défaillant des guerriers de son village, Ksar-el-Hirâne (à huit lieux au S.E. de Laghouat) assiégé par une tribu alliée des Français.


Bon, mais alors… Le général Marguerite, le grand chasseur devant l'Éternel, il chassait le chacal ou non ?

J'y arrive… Margueritte, chapitre après chapitre, traite successivement de ses chasses au lion, à la panthère, à l'autruche. Il s'étend longuement sur la chasse au faucon telle que pratiquée par les arabes, nous donne même, tribu par tribu, les noms de deux ou trois de leurs meilleurs fauconniers, "le fond de leur caractère étant un amour-propre démesuré à l'endroit de leur science en fauconnerie". Ainsi, grâce au général les noms de ces flamboyants personnages seront-ils passés à la postérité ! Toujours, il est question de fauconniers, jamais de chacaliers.

Margueritte rapporte mille observations sur les "chameaux" (il les appelle aussi "mehra", jamais dromadaires), les serpents, les mirages, les présages, la divination, les fantasias… Sur les végétaux et les truffes du coin aussi. Au fil de ses déplacements, nous bénéficions de quelques étonnantes recettes pour apprêter les gibiers locaux (dont un ragoût de cervelles d'autruche "à la Apicius", ou le "melfouf", brochette de morceaux de foie de gazelle grillés dans sa panne, ou le "hammoum", carbonade avec un râble d'autruche, dont il rappelle que les tribus locales tiennent son goût pour bien supérieur à celui des antilopes). Et que dire des interminables menus des invraisemblables agapes qu'imposait aux officiers français la célébration annuelle de la Saint Hubert, patron des chasseurs !


Oui, bon, mais les chacals ?

Eh bien c'est tout juste si le mot chacal apparaît à deux reprises dans son livre : dans une note en bas de la page 8 où il énumère toutes les espèces de gibier qu'il a eu l'occasion de tirer, le chacal figure entre la hyène et l'antilope bubale.



Et plus loin, page 248, dans le tableau de chasse d'une virée d'octobre 1850. Je vous mets ici sa reproduction. Parmi l'énorme quantité d'animaux tués, 618, à peine 8 chacals ! D'évidence, s'il y avait du chacal mort, c'était que vraiment on s'était trompé de cible, ou qu'on avait tiré sur n'importe quoi qui bouge, histoire de tester son adresse. Voilà pour le peu d'estime où ce grand chasseur de général semblait tenir le chacal.



Ci-dessous, le menu du dîner de la Saint Hubert de 1854 (le 3 novembre vraisemblablement) :



Une cascade de protéines, on dirait la feuille de présence de l'arche de Noë ! Mais pas le moindre chacal ! Si c'était mangeable, il aurait figuré au menu, non ? Un peu plus ou un peu moins de protéines…

Je dois dire que je n'ai rien trouvé, nulle part, sur la valeur gustative de la viande de chacal et son intérêt gastronomique, ni sur les possibles recettes pour la préparer. Sûrement que les papilles de ceux qui s'y sont essayés auront préféré oublier ce moment de stupéfaction. Si on tape sur un moteur de recherche les deux mots "chacal" et "recette", on tombe systématiquement et uniquement sur "haleine de chacal". Ça en dit long sur le chacal comme gourmandise. Dommage, parce que dans le numéro de cet automne, de la revue trimestrielle "Grands Gibiers", un reportage sur la chasse au chacal doré en Bulgarie, rappelle l'apparition depuis l'automne dernier, 2017, de chacals dorés en Haute-Savoie. Si si, c'est vrai, vérifiez. Mais ça ne fera saliver personne.

Dans les deux dernières listes ci-dessus figure deux fois le mot "gangas"
Non, ce ne sont pas des grosses crevettes, c'est "gangas", pas "gambas" !
Un ganga, c'est quoi ?
Avec ce lien, suivez l'ami JiBé, il va vous en parler d'expérience…

Cliquez ici



Margueritte, des traces qui s'effacent…

Bien entendu, j'ai voulu en savoir davantage sur ce soldat hors du commun. Je n'ai pas été déçu ! Je vous invite à aller, vous aussi, consulter la biographie du général Margueritte sur Internet. Quelle vie ! Et quelle fin de Titan fut la sienne, lors de la bataille de Sedan en 1870 ! (Plutôt que l'article de Wikipedia, un peu succint, préférez celui-ci : https://www.fondation-patrimoine.org/les-projets/monument-du-general-margueritte-a-fresnes-en-woevre, ou celui-là : http://www.military-photos.com/sedan.htm

Son nom fut donné à la rue qui longe notre hôpital de Mustapha par la gauche en partant du rond-point du Champ-de-Manoeuvre, et au Quartier militaire qu'elle desservait (cliquez ici).

Un village proche de Miliana, à 122 km d'Alger, aujourd'hui nommé Aïn Torki, porta le nom de Margueritte pendant la période française (2).

Mais ces appellations de chez nous ne sont plus…

Reste le Chat des Sables, Felis margarita, qui en l'honneur du général a été nommé Chat de Margueritte. Ainsi, c'est comme si une ultime incarnation de ce chasseur de légende continuait de hanter les dunes et de courir ce Sahara qu'il aimait tant. Lui qui avait confié : "Ma véritable vocation n'est pas d'être soldat, je n'aime pas la guerre, j'en ai horreur…". Pour un gars qui n'aimait pas la guerre, il eut une mort comme n'en aurait pas rêvé un barde pour un guerrier d'épopée.

(2) Le nom du village est associé historiquement à "l'insurrection de Marguerite" (26 avril 1901), préfiguration à petite échelle des sanglants évènements de Sétif en mai 45. (voir le site Alger-Roi-Net)


Alors ? Faute de grives on mange des merles ?

Eh oui, c'est un peu ça. On peut dire que dans l'Algérois, au début du XXe siècle, la chasse à courre était à court. Et il faut considérer que cette proposition d'une chasse au chacal était mue par cette sage philosophie.

Ce que nous ne savons pas, c'est s'il était mis autour de la traque et de la mise à mort du chacal un quelconque apparat comme les Anglais (ensuite imités par beaucoup) y excellèrent pour leurs chasses au renard : chevaux de classe pour rendre jaloux les autres (percherons s'abstenir), uniformes écarlates, bottes rutilantes, sonneries de cors (pardon, de trompes !), vocabulaire d'expressions spécifiques que y'a rien qu'eux qui les comprennent, équipages de chiens tous pareils sinon ça fait de bric et de broc… On est d'accord, un tel déploiement est puissamment ridicule compte-tenu de la modestie du gibier, mais du moins sa mise à mort bénéficie t-elle d'un cérémonial qui fait (un peu) oublier le dérisoire de l'affaire. Et confère au sacrifice de la pauvre victime la pompe d'une glorieuse accession au paradis des gibiers (je m'empresse de dire que si on lui demande son avis, à la victime, elle répondra qu'elle n'en a rien à battre). Mais quelque chose me dit que la chasse au chacal à Alger ne s'encombrait pas d'un semblable cérémonial.


Ceci n'est pas une chasse au chacal du côté de Cheraga-par-la-traverse.


Chacal et Zouaves

Sinon, maintenant que je me suis un peu intéressé au chacal, cette bête m'est considérablement plus sympathique. Je me suis souvenu que "notre" régiment algérois de Zouaves, le 9e, eut pour devise, après la guerre de 14-18 la devise "Chacals en Algérie, et tigres à Verdun". Je dois dire que je m'interroge si cette métamorphose constitue réellement une promotion, et quel dédoublement de la personnalité ça nécessite de gérer. Mais bon, ça a de la gueule, ça doit être bien, nos zouzous ne se seraient pas comparés à des chacals si ce quadrupède ne présentait pas quelque vertu positive.

Remarquons qu'avec cette devise, le 9e a fait une OPA sur le chacal qui jusque là était la mascotte virtuelle du 1er régiment de Zouaves. Chacun se souvient des paroles de sa chanson de marche :


"Pan pan l'arbi, les chacals sont par ici,
Les chacals, ces vaillants guerriers,
Qui ne laissent pas les colons nu-pieds !
Cinquant'sous la pair' de souliers !
Approchez, v'nez près des quartiers :
Vous y trouverez aussi des sous-pieds
Qui sont payés"


Une marche composée en 1855, pendant le siège de Sébastopol.

Vous pouvez aller l'écouter en cliquant ICI. C'est surtout le refrain ci-dessus qui compte, les autres strophes, elles ont été écrites plus tard, juste pour taper le genre. D'ailleurs, rien qu'à les lire ou à les écouter, vous vous rendrez compte que c'est pas du même tonneau ! Les couplets font dans le chichiteux, le refrain, lui, dans sa frugalité naïve, sent son Zouave de base.

Entretemps les autres régiments de Zouaves s'en sont emparés. Le chacal, finalement, aura été un animal assez convoité, et si les hiverneurs faisaient la fine bouche, les Zouaves, eux, s'en accomodèrent assez bien.

Je vais terminer cette page avec notre vieil ami Henri Garcia, hélas aujourd'hui disparu, qui, avec ses camarades des parades de la célébration du Centenaire de 1830, nous donne ci-dessous une bien belle leçon d'orthographe :



VITE, PASSEZ LA SOURIS SUR LA PHOTO ! (SANS CLIQUER)

Henri est juste derrière le chef, le seul qui n'ait pas une bande blanche en travers de la poitrine)