Les anciens de l'Atlas saharien ne seront pas étonnés que le ganga (ou perdrix des sables) soit le gibier le plus représenté (112) au tableau de chasse du général Margueritte (cliquer ici pour y aller).

   J'ai personnellement constaté son abondance pendant mon service militaire au 6e Bataillon de Tirailleurs, dans l'espace frontalier algéro-marocain.

   Rayonnant un temps (1959-60) depuis la micro-palmeraie d'Aïn el Hadjadj, au sud d'Aïn Sefra (1), base avancée de notre troupe, j'ai rencontré des milliers de ces volatiles et j'avoue, avec un remords tardif, en avoir "prélevé" (comme on dit aujourd'hui) quelques dizaines, au bas mot, dans des affûts de fond d'oued où ils venaient boire. Mes "tableaux" étaient souvent impressionnants, car je tirais traîtreusement "au poser", c'est-à-dire "dans le tas", faisant presque toujours coup double, triple ou plus (jusqu'à septuple, parole de turco !) pour économiser les munitions de chasse. C'est ainsi qu'il suffisait d'une demi-douzaine de coups pour corser le menu de la popote de bataillon (2) où le commandant fermait les yeux sur l'entorse à l'interdiction divisionnaire de chasser sur le barrage électrifié. Il faut dire que ce type d'indiscipline pouvait être pire : une fois, un équipage de scout-cars avait ramené, ligotées sur le capot, deux gazelles abattues à la mitrailleuse de 12,7 mm.

   Le hasard de l'activité opérationnelle devait venger les gracieuses victimes du "crime". En effet, l'appétissant ragoût préparé par le chef cuistot avait été fortement éprouvé par une attente de trois ou quatre jours, suite à une opération au pied levé qui avait voué à la belle étoile et à la boîte de rations sa vingtaine de convives.

   Au retour, la promesse de festin s'était muée en mega-tchoufa. Je revois encore les nez froncés sous l'épouvantable odeur de la venaison à son arrivée sur les tables, escortée par un nuage de mouches. Seuls quelques "kamikases" d'active, qui pensaient en avoir vu d'autres, avaient empli leurs assiettes, ce jour-là. Et l'avaient payé trash, quelques heures après, de moult galopades d'urgence entre leur guitoune et les feuillées…


Jean Brua        

1) À signaler : un site algérien extraordinaire et des dizaines de photos superbes de la région d'Aïn Sefra. À voir absolument (ici sa page d'accueil, cliquer sur chaque "touche", c'est très long à visiter, mais ça en vaut la peine).

2) La chair du ganga est très savoureuse, à condition d'être préparée en sauce. Rôtie ou grillée, elle est difficilement mangeable, à cause de la dureté de la peau du volatile.

Beauté des Ksour.



   Autour de l'ancienne station thermale d'Aïn Ouarka et de son profond lac d'eau chaude, les reliefs teintés de vert et d'ocre par des affleurements de minerais ferrugineux. Ici commence le territoire immense de la hamada de pierres et d'alfa, royaume des gangas, mais aussi des perdrix rouges, ramiers, tourterelles, outardes et de plusieurs espèces de rapaces. (photo J.B.)