Champ-de-Manoeuvres (7)



"Nous allions fêter, voir et complimenter l'armée françai-ai-ai-seu !"



par Henri Garcia




      Le Champ-de-Manoeuvres, terrain militaire appartenant majoritairement au Ministère de la Guerre, était au premier chef le lieu destiné aux manoeuvres des personnels des deux régiments cantonnés dans la rue Margueritte: le 5ème Régiment de Chasseurs d'Afrique (Quartier Margueritte) et le 27ème Régiment du Train des Equipages Hippomobiles (Quartier Gueydon). La rue Margueritte (côté des Chasseurs) montait du Rond-Point (à l'angle du n°2 de la rue de Lyon) vers le "Pâté" (Plateau Saulière). Elle séparait à gauche les deux casernes et, à droite, d'abord le mur d'enceinte du parc à Fourrage (militaire) et plus haut le mur d'enceinte Est de l'hôpital civil de Mustapha.

      Au Quartier Margueritte était stationné (en subsistance) un peloton détaché du 1er Régiment de Spahis de Medéa avec leurs montures. Ce peloton constituait la garde d'honneur du Gouverneur de l'Algérie, en grand apparat dans toutes les réceptions officielles, et assurait les gardes du palais d'Été à Mustapha Supérieur.

      Plusieurs fois par semaine, les Cavaliers Chasseurs d'Afrique descendaient vers le Champ-de-Manoeuvres pour participer à des exercices avec leurs montures: trot, galop, attaque au sabre sur cible-mannequin, sauts d'obstacles, séparation et regroupement, leçons d'équitation pour les nouvelles recrues, etc...

      Quelquefois, la Fanfare des Trompettes de Cavalerie montée du Régiment, avec le timbalier en tête, précédait, en musique, les cavaliers se rendant au terrain de manoeuvres.

      De même, les cavaliers spahis, en grand apparat, se rendant en service commandé à une manifestation officielle, faisaient sur leur passage sensation auprès des badauds.

      Les tringlots descendaient par convois d'une douzaine d' "arabas" tirées par deux mulets, manoeuvraient pour former des conducteurs, et promenaient les brêles.

      Le Parc à Fourrage, dont l'entrée se situait sur l'Esplanade, face au Pond-point, était le lieu d'une intense activité du fait des allées et venues incessantes de véhicules militaires, prolonges, fourragères, etc.

      Des unités de la garnison d'Alger et de sa banlieue venaient s'approvisionner en aliments pour leur cavalerie. L'activité sur cette esplanade était d'autant plus intense que la Ville d'Alger y détenait un "poids public", pont bascule procédant au pesage de marchandises diverses chargées sur camions hippo ou auto, et délivrait un bulletin officiel de poids, constaté brut d'abord et net ensuite.


Le 13 juillet : la retraite aux flambeaux

      Le Champ-de-Manoeuvres était le lieu où se déroulait la grande revue du 14 juillet ainsi que la revue commémorant l'armistice du 11 novembre.

      Pour le 14 juillet, les festivités débutaient la veille, organisées par le Comité des fêtes de Mustapha dont mon père était le Président. C'était la retraite aux flambeaux qui partait dès 21 heures du carrefour de l'Agha et défilait par la rue Sadi-Carnot et la rue de Lyon, décorées d'oriflammes tricolores, jusqu'à Belcourt. Une brigade de sapeurs pompiers, porteurs de torches, encadrait le défilé. En tête, des fonctionnaires de police pour canaliser la circulation, puis quelques membres du Comité des Fêtes, puis la Philarmonique "L'Africaine de Mustapha", avec sa clique de tambours et clairons, faisant résonner les cuivres.

      Venait ensuite la foule des algérois et algéroises de tous âges, les uns porteurs d'un drapeau tricolore, les autres d'une canne en roseau avec une lanterne vénitienne suspendue à son extrémité supérieure, et éclairée d'une bougie. C'était ensuite la clique de tambours et clairons, trompettes, basses du patronage Saint Bonaventure, puis de nouveau la foule, avec des drapeaux et des lanternes vénitiennes (appelées communément "ballons"), et pour clôturer le défilé la clique de tambours et clairons des Sapeurs Pompiers.

      Le passage du défilé se faisait au pas, dans le brouhaha de la musique, des cris, des chants, des éclatements de pétards, des applaudissements des gens sur les trottoirs et decceux massés aux fenêtres et balcons des immeubles, tous pavoisés de drapeaux tricolores et des drapeaux des nations alliées qui avaient participé à la victoire de 1918, ainsi que de lanternes vénitiennes (éclairées celles-là à l'électricité).

      Les tramways, soit des CFRA, soit des TA, étaient également pavoisés.


14 juillet : le défilé !

      Le jour du 14 juillet, l'armée prenait le relais avec la Grande Revue sur le Champ-de-Manoeuvres. Elle se déroulait le matin entre dix heures et midi.

      La tribune officielle, pour les autorités civiles, militaires ou religieuses et pour les invités, était dressée au milieu du Champ-de-Manoeuvres. Pour la petite histoire, je dois rappeler qu'à la grande époque algéroise Mustapha avait, sur le Champ-de-Manoeuvres, un champ de courses (de chevaux) avec tribunes en dur, dont les vestiges subsistaient après 1918 (cf. l'hippodrome sur la carte de 1917).

      Le Gouverneur Général de l'Algérie et ses collaborateurs directs, le Général commandant le 19ème corps d'Armée et son État-Major, puis les corps de troupes des régiments de la garnison d'Alger et de sa banlieue arrivaient et se rangeaient en carré, drapeaux en tête, face à la tribune.

      Il y avait dans l'ordre : une Compagnie du 9ème régiment de Zouaves de la caserne d'Orléans, avec leur clique de tambours et clairons et leur grand orchestre philarmonique; une Compagnie du 5ème Régiment de tirailleurs Algériens de Maison-Carrée avec sa nouba et son bêlier en tête; une Compagnie du 13ème régiment de tirailleurs Sénégalais de la caserne Martimprey; une compagnie du 45ème Régiment du génie de la caserne Lemercier à Hussein-Dey; un escadron monté du 5ème Régiment de Chasseurs d'Afrique, avec sa fanfare de trompettes de cavalerie, timbalier (toujours aussi populaire) en tête; un peloton de Cavaliers du 1er Spahis de Medéa, en grande tenue avec double burnous (un blanc + un rouge); un peloton monté de la Gendarmerie Nationale; un convoi du 27ème Train des Équipages avec leurs véhicules hippomobiles; enfin un détachement des Sapeurs Pompiers avec leur clique de tambours et clairons.

      La cérémonie commençait par la remise de décorations. Le Général passait ensuite les troupes en revue, s'arrêtant devant chacun des drapeaux et saluant. La manifestation se poursuivait par le défilé des troupes, toutes repartant, musique en tête, vers leurs casernements respectifs, sous les acclamations de la foule des citadins massés sur leur passage et sur les balcons pavoisés des rues Sadi-Carnot et de Lyon.

      Dans l'après-midi du 14 juillet, étaient organisées par le Comité des Fêtes, dans le square du Champ de Manoeuvres décoré et pavoisé, des réjouissances avec concert pour les anciens et jeux divers pour les jeunes. Alentour la fête foraine battait son plein. Dans la soirée débutait avec un orchestre de l'Africaine un grand bal populaire qui était suivi par un grand feu d'artifice tiré par les Établissements Ruggieri.

      Le 14 juillet 1930, quand se célébraient les fêtes du Centenaire, fut particulièrement grandiose car les troupes participant à la revue militaire étaient vêtues des uniformes de l'époque du débarquement à Sidi-Ferruch en 1830. Fantassin parmi les fantassins, j'en faisais partie. Essayez de me reconnaître (quand je n'ai pas mon shako) sur la photo ci-dessous.

Henri Garcia.


Le Champ-de-Manoeuvres en 1917, avec l'hippodrome tel que ne le connaîtra pas Henri, mais le square est bien déjà là. Cliquez sur ce bout de plan, vous découvrirez tout le quartier alentour.

Le café de la Bourse.

Le n°2 rue de Lyon, domicile d'Henri à partir de 1917.

L'école Chazot, qui sera celle d'Henri.

L'église Saint-Bonaventure.


En 77: gare des C.F.R.A.
En 83: arsenal d'artillerie
En 83 bis: bâtiments des ouvriers d'atillerie


Les militaires
du
Champ-de-Manoeuvres

Sur ce qui fut le Champ-de-Manoeuvres et alentour, des rues portaient les noms de généraux et d'officiers qui retracent une partie de l'histoire militaire de la France (mais pas tant que ça: on trouvait dans le quartier davantage de rues portant des noms de médecins ou de savants) . Pour situer les rues en question, reportez-vous aux tableaux des rues du quartier, puis au plan de 1961. Voici ces militaires, par ordre alphabétique :

Bobillot (sergent, rue et cité -)

Général Farre (rue -)

Général Margueritte (rue -)

Commandant Rinn (rue -)

Général Sarrail (place -)

Trézel

Général Yusuf (chemin, puis avenue -)


POUR QU'HENRI ENLEVE SON SHAKO, PASSEZ LA SOURIS SUR LA PHOTO !

Henri est juste derrière le chef, le seul qui n'ait pas une bande blanche en travers de la poitrine)