Alger_3caramels1939


66A rue Michelet

"T'Y AS VU MONTE-CARLO ?"
(LE DIALOGUE DES CARYATIDES)


Photos de Yves Jalabert, Sylviane Léger, Alain Labbé, dessin de Jean Brua, présentation de Gérald Dupeyrot

Antantian ! Cet écran, il fait rien qu'à s'agrandir !
Rapport à toutes les contributions des Es'mmaïennes et des Es'mmaïens !
Alors, allez bien jusqu'en bas le déroulé, que vous manquiez pas les Caryatides qui s'animent !

   Eh oui, ici se trouvait, de ludique mémoire, le café nommé "Monte-Carlo", où nombreux furent ceux d'entre nous (je parle des anciens du quartier et du lycée Gautier) à venir se frotter aux diverses installations destinées à passer le temps contre menue monnaie. Que l'appellation prestigieuse "Monte-Carlo" ne fasse pas trop illusion : ici ni roulette ni chemin de fer, mais babasses et autres distractions sans vertige, en tout cas juste proportionnel à la piécette sacrifiée... Je fus trop jeune pour connaître ces délices, je laisserai à quelques aînés l'émotion de nous en parler... Quant aux deux superbes caryatides qui encadrent l'entrée, elles sont vraisemblablement les plus belles d'Alger, je ne sais quel artiste les a conçues, il mériterait que l'on écrive ici son nom. De même que ceux des propriétaires à l'initiative de cet immeuble, qui souhaitèrent ces Titans asservis et acceptèrent de les financer, il fut un temps où la propriété avait du panache ! Vous trouverez en bas de cet écran les commentaires de ceux qui vinrent ici, au Monte-Carlo passer de leur temps... Si les deux caryatides de ce (modeste) temple du jeu étaient, comme à l'entrée de tous les casinos, des physionomistes, sûr qu'elles les reconnaîtraient !


   On retrouve le Monte-Carlo et ses caryatides sur la carte postale ci-dessous, vieille de presqu'un siècle. On peut même la dater à l'année près : le "Cinéma du Plateau" (encore une salle bien modeste, à l'emplacement de notre furur Empire) nous annonce le film "Le Miracle des Loups" ! Non, pas celui de 1961 avec Jean Marais ! Celui sorti en 1924 (peut-être quelques mois plus tard à Alger). Le Cyrnos, lui aussi, est déjà là. Comme au Monte-Carlo, des gens sont atablés en terrasse... Je vous propose d'agrandir cette belle image, histoire, durant quelques instants de vous replonger au coeur de notre quartier de cette année-là... À l'angle avec la rue Hoche, où se trouvera dans trente ans la succursale de la "Compagnie Algérienne", un magasin de vêtements propose sa "spécialité de vêtements de sport". Il s'agit de la Maison Langouët, dont vous pouvez admirer la façade et les vitrines en cliquant ICI.






Oui, aux dernières nouvelles, nos deux caryatides empêchent le balcon et l'empilement au-dessus de s'écrouler sur un puma, emblême de la marque de chaussures de sport occupant les lieux. Le cinéma, qui s'appelle depuis l'indépendance "Athakafa" (4 rue Dr Chérif Zahar Omar, ex-"Charles Vallin"), a été rénové de fond en comble vers 2006.



Coups de Théâtre !

   À la suite de ce que nous avions mis en ligne (en gros tout ce qui précède), nous avons reçu deux contributions qui n'ont pas peu fait avancer le schmilblic... D'abord cette carte postale, un peu trop floue mais pleine d'enseignements, que son expéditeur, Alain Labbé, commente ainsi :

   "Si je peux me permettre d'apporter un complément, j'ai trouvé sur Facebook ("Meissonier et ses environs", photo n°38) cette photo qui montre une boulangerie pâtisserie à la place du Monte Carlo. On ne voit pas les Caryatides sans doute masquées par le rideau de toile.

   Au coin de la rue Hoche, un magasin de vins et liqueurs qui a précédé le magasin de vêtements Langouët. En quelque sorte, nous faisons la généalogie du quartier."

   Nous avons voulu en avoir le coeur - et la vue - nets, et nous avons grossi le store : pas de doute, il s'agit bien d'une "boulangerie-pâtisserie", ces deux mentions sur la toile étant suivies sur une troisième ligne de quelques lettres... MAM ? Donc, oui, ce magasin avait bien précédé ici le Monte-Carlo ! Bon, mais quand ?

   C'est alors que, presque simultanément, nous avons reçu de Sylviane Léger les deux scans que vous allez découvrir ci-après, accompagnés des commentaires suivants (j'ai synthétisé les différents messages de Sylviane) :

   "Cette photo représente mon grand-père, Victor Jonas, devant la "Pâtisserie Royale" qu'il tenait 66 rue Michelet. Je situe cette photo vers 1910-1911. En effet, la petite fille de la photo, Andrée, "aurait" été ma tante. Née à Alger en 1907, elle est décédée le 7 février 1912. Elle repose probablement à Saint-Eugène (???).
   En partant de la droite de la photo : ma grand-mère Yvonne Amen, née à l'Amirauté le 19 novembre 1882, décédée en 1962 à Limoges ; ensuite c'est mon grand-père Victor Jonas, né aussi en 1882 à Alger, le 10 octobre. Tous deux se sont mariés en l'église Saint-Charles de l'Agha le 21 décembre 1905. Il sera tué en 1915 pendant la guerre, à l'âge de 33 ans. Sa sépulture se trouve dans le cimetière militaire de Mery-la-Bataille (Oise). Entre eux, Andrée, leur premier enfant (le second, ma mère, naîtra le 31 aoüt 1914). Après, plus à gauche, c'est probablement son frére Jules (???) avec qui il travaillait, un policier, et des petits employés (???).
   À cette période, mon arrière grand-mère, Jeanne Praniau épouse Amen, mère d'Yvonne, habitait au 39 rue Michelet et tenait un magasin de vins et liqueurs qui - je crois - est devenu "la Princière", reprise par mon grand-père jusqu'à la guerre. J'ai aussi vu quand j'étais enfant une photo de son commerce de vins au 54 rue d'Isly.
   Enfant, j'allais souvent à "la Princière" manger des gâteaux, et Maman ne se privait pas de me rappeler que c'était la pâtisserie de son père...
   J'ai bien connu tous ces lieux puisque j'ai moi-même habité à Hydra et Kouba jusqu'à mon départ en 62. Pour moi ceci est davantage qu'une petite histoire puisque la branche des Jonas venant du duché de Bade est arrivée à Alger avec un passeport délivré le 14 décembre 1838. Côté grand-mère, c'était l'Aveyron et le Finistère."

Cliquez pour agrandir

   Le second scan, le papier à entête ci-dessous, démontre s'il en était besoin, que la pâtisserie de Victor Jonas avait bien précédé ici le Monte-Carlo. Voilà résolue la question de ce qu'il y avait ici avant le "Monte-Carlo". Mais... Il subsiste toutefois un point obscur, d'ailleurs vous alliez me le signaler, et c'est très bien vu : oui mais alors, ces lettres "MAM" sur la toile du store, qui ne correspondent ni à Albert ni à Jonas ? Comme vous avez raison ! Et sot que je suis !

   Oui, sot que je suis, pour n'avoir pas regardé plus tôt dans l'annuaire de 1922 quels étaient les occupants des lieux à cette date ! Et voici ce que j'y ai trouvé :

   Le "MAM" ou quelque chose comme ça qu'on croyait discerner sur le store, c'est en fait les dernières lettres du mot "AMANN", le nom du propriétaire, ou plutôt de la propriétaire de cet établissement, puisque le même annuaire mentionne dans sa partie alphabétique, et curieusement au n°65 (une erreur ?) une "Antoinette Amann, commerçante". Ainsi, le "Monte-Carlo" ne s'est pas installé ici à la suite du départ de la famille Jonas en 1912, c'est un autre pâtissier qui a pris la suite ! Au moins jusqu'en 1922, sans doute au-delà. "Au Roi Albert" fut donc une pâtisserie Franco-belge. Notez bien qu'elle aurait pu donner plutôt dans le style breton si elle s'était appelée la "Queen Amann" (pardon pour ce jeu de mot lamentable, je n'ai pas pu résister, pas plus que je ne résiste au Kouign-Amann).

   On notera qu'au moins un autre commerce occupait le rez-de-chaussée, la "Teinturerie Algérienne". Quant au Monsieur M. Kespi (orthographié "Kespy" en partie alphabétique du même annuaire), il a ici son domicile, sa pharmacie étant la "Grande Pharmacie Continentale", celle du 59 rue Michelet et 42 rue Hoche. C'est à dire qu'elle faisait l'angle opposé à celui occupé par la "Grande Fabrique" Langouët au n°63 (il n'y avait pas de 61 rue Michelet). Oui, ici, tout était "grand" !




Et main'ant, place aux anciens du Monte-Carlo
venus témoigner sur le Livre d'Or d'Es'mma...




Jean BRUA (1934) (Nice)
18/01/2011 11:57

Dans les années 1950-52, le bar Monte-Carlo évoqué dans les derniers écrans Michelet était une petite "académie" de ping-foot et de ping-pong. Si ma mémoire ne me trompe pas, il devait y avoir entre deux et quatre ping-foot dans le bar proprement dit, au rez-de-chaussée, et, au sous-sol, deux tables de ping-pong louées à l'heure avec raquettes et balles. Sans doute aussi un billard, dont je n'ai pas de souvenir précis. Les lycéens des grandes classes de Gautier (dont j'étais) avaient une bonne raison de préférer ce bar à celui (nom ?) de la rue Sadi-Carnot, au pied des escaliers Hoche. En effet, ce dernier établissement présentait l'inconvénient tactique de se trouver dans le rayon d'action du censeur "Fantômas", qui y faisait parfois une descente (c'est le cas de le dire) à effet dispersant immédiat.
Pour revenir au Monte-Carlo, je dirais que, pour le ping-pong, il était loin d'avoir la cote sportive du café Antomarchi (cliquez pour vous y rendre). Notre champion Pierre Théolier nous dira s'il lui est arrivé d'y jouer "pour le plaisir". Cependant, certaines parties disputées par des joueurs de bon niveau étaient suivies avec intérêt. Nous étions impressionnés par l'un d'eux, qui commençait à s'illustrer dans un autre sport : le volleyeur Pierre Coquand, futur capitaine de l'équipe de France, que je connaîtrai de plus près, quelques années plus tard, dans l'équipe du GSAHydra.


J.-P. Follacci
19/01/2011 09:44

Ah, l'exquise culpabilité du caotapeur qui franchissait les caryatides du Monte Carlo pour un ping-foot en sous-sol au lieu de descendre la rue Hoche vers le latin de Patrick Bacardatz !



Pierre THÉOLIER (ALGER-ANGERS)
19/01/2011 11:28

.../... Le bar Monte-Carlo ! Bien sûr que je l'ai connu et fréquenté... disons deux bonnes années justement pour rejoindre au sous-sol Coquand, Feetant, Caye pour taper dans la petite balle. Je crois me souvenir que le patron proposait des raquettes en... bois! recouvertes de liàge marron. J'avoue que j'allais aussi pour des longues batailles au baby-foot...
Il y avait d'ailleurs pour les amateurs de ping-pong trois autres salles où l'on pouvait pratiquer son sport : une grande salle au champ de manoeuvre, sur la droite face au Foyer Civique (le nom ?), un café toujours au champ de manoeuvre, tout au début et cette fois sur la gauche en venant de l'Agha (le nom ?) navré mais les neurones du souvenir semblent être en panne. Par contre, la 3ème salle se trouvait un peu plus loin et c'était le café du Lion d'Or.


Gérard LOPEZ (Uzès)
20/01/2011 11:56

Meilleurs voeux à tous. J'ajoute mon grain de sel aux souvenirs de Jean Brua et de Pierre Théolier sur le café du Monte-Carlo (dont j'avais oublié le nom, merci) :
Un jour à la sortie de Gautier, avec un ami on était allé jouer au ping pong dans le sous-sol du Monte-Carlo. Quelqu'un nous regardait depuis un moment, comme il était seul on lui propose de faire quelques balles avec nous.
- Volontiers, mais j'attends des copains, je m'arrêterai quand ils arriveront.
- D'accord.

On commence.

- Tiens ! Vous aussi vous êtes gaucher !!
(que je lui dis tout content de découvrir, ô merveille, un autre gaucher que moi).

Ses amis finissent par arriver... Avant d'arriver en bas de l'escalier, le premier de la bande s'exclame très fort et tràs joyeusement :

- Oh Alain ! tu joues de la main gauche maintenant !!
- Euh... fait timidement le Alain un peu gêné.

Et nous, un peu vexés, surtout le gaucher. On est resté à les regarder jouer... ça valait le coup !
On nous a expliqué qu'Alain Ayache (cliquez pour voir l'écran d'Es'mma qui lui est consacré), que nous ne connaissions pas, c'était lui, et qu'il était champion d'Algérie (je crois).
À Pierre Théolier : est-ce que par hasard, vous étiez l'un de la bande ce jour là ? Amicalement, Gérard Lopez


Pierre THÉOLIER (ALGER-ANGERS)
21/01/2011 09:40

En réponse à Gérard...
Alain a eu une carrière pongiste fulgurante mais courte, il a été champion du département d'Alger en 1955 (et gagné de nombreux tournois) mais il est vite parti à Paris où, on le sait, il est devenu un patron de la Presse. En 1987 il me confiait par téléphone qu'il en était arrivé là "avec 60% de sueur et 40% de chance"... et en riant il ajouta "et 100% de culot".

Je n'étais pas au Monte Carlo ce jour où il a joué de la main gauche (par délicatesse je pense), il y allait assez souvent avec Yvan Gerby et le docteur Soulier avec qui il faisait équipe en double, et il devait y avoir aussi Alain Ferrer, tous les trois des joueurs solides à la défense sans reproche, ce que recherchait Alain qui, lui, était un très fort attaquant surtout du coup droit.

..et je crois bien que c'était le café de la Bourse... THEO


Gérard Lopez (rue Warnier/ Uzès)
21/01/2011 21:24

À Pierre : merci beaucoup pour toutes les précisions que tu apportes. Elles éclairent un peu plus mon souvenir.
À propos de cette anecdote amusante, je confirme ce que tu dis car je l'avais effectivement vécu comme un geste de délicatesse de la part d'Alain Ayache, cela d'autant plus, qu'il était visiblement gêné par la remarque tonitruante de ses amis.
Ces souvenirs qui se croisent, se complètent, s'éclairent mutuellement, 50 ans après, alors que parfois même on ne se connaissait pas... c'est vraiment étonnant, un peu irréel... Amicalement Gérard.





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