Dans notre grande série
"La Lumière des Étoiles éteintes",
voici le château des Belles au Bois Dormant, voici le …



… dit aussi "Cours Milly", ou "Institution Milly"
9, rue Edith Cavell, Alger.
(Depuis l'indépendance : rue Hocine Beladjel)


Toutes les photos en couleur sont de Tonton Jaja,

celles en noir et blanc sont d'un photographe opérant pour le compte de la Sté Tourte et Petitin,
que nous citerons avec plaisir aussitôt connue son identité.

Collection, retouches, textes : Gérald Dupeyrot.

Sont également en noir et blanc : les photos de 1959-60,
en bas de l'écran, confiées par Yvette Marti.

Dessin du photographe avec voile intégral : Jean Brua.



   Au cours d'un précédent voyage à Alger, en descendant du Parc de Galland, et tournant dans les rues autour de la Cathédrale du Sacré Coeur, nous étions passés devant ces hauts murs, ce portail revêche ; ils laissent à peine entrevoir le sommet d'une bâtisse ancienne, de peu de hauteur, plutôt confortable, qu'on devine dater d'avant l'urbanisation qui, depuis le début du XXème siècle, a transformé l'ancien quartier. Peut-être était elle l'une des bâtisses survivantes qui constituaient l'ensemble architectural que nous avions découvert avec un autre écran d'Es'mma, comme étant l'ancien domaine du Sacré Coeur de l'Oasis" ? (cliquez)

   Mais nous n'étions pas de ce quartier, vous savez comment on était, comment on vivait… Quand on était de la rue Burdeau, on n'était pas du quartier du Sacré Coeur ! Et quand on était du Sacré Coeur, on n'était pas de Duc des Cars, etc, etc. Alors, impossible de mettre un nom sur ce bâtiment… Oh, on aurait pu ! Mais on pense pas à chercher où il faut, on ne questionne pas les bonnes personnes... Et celles qui savent peut-être ne pensent pas à le dire, tellement, pour elles, c'est évident…

   Par exemple, je ne suis inscrit sur "Facebook" que depuis l'an dernier, et je dois avouer que je n'ai guère le réflexe "réseau social". Sinon, j'aurais découvert qu'il existait sur Facebook un groupe d'anciennes et anciens élèves de l'école primaire Milly (devenue El-Khanssa depuis l'indépendance), groupe créé par Angel Zemiti.

   Une amie es'mmaïenne nous avait même, voilà quelques années, confié des photos de classe de son passage à Milly ! J'aurais pu m'adresser à elle, non ?

   Nous avons demandé à Tonton Jaja, lors de l'un de ses propres "retours", s'il voulait bien essayer de photographier ce bâtiment… Vous savez comme il est, Tonton Jaja, le père Noël, à côté, il est parcimonieux. Vous lui en demandez comme ça, il vous en donne comme ça ! Résultat : il est revenu (c'était en 2009), avec non seulement des photos de l'extérieur, mais aussi des photos prises à l'intérieur même de la cour ! Vous constaterez à quel point on voit bien tout ce qui s'y trouve ! Et il revient avec aussi la confirmation de ce qu'entre temps on avait pressenti : oui, il s'agit bien de l'ancienne école Milly, et oui, ce lieu est resté consacré à l'enseignement. La preuve, on peut trouver ici et là sur Internet des ancien(ne)s élèves de l'école Milly d'après l'indépendance.

   Il faut dire qu'entre temps, j'avais acheté sur ebay un beau recueil de photos dites "de classe" prises justement dans la cour et le jardin de cette école… en 1913 ! Le rapprochement montre bien qu'en un siècle, pas grand-chose ici n'a changé ! Depuis, deux anciennes élèves, Es'mmaïennes, se sont manifestées, et de nouvelles photos, plus récentes, sont venues rejoindre les premières que nous avions ! L'une d'elles est même en train de plancher sur ses souvenirs de Milly, vers le milieu des années 50 !

   Lorsqu'avait été écrite la première mouture de cet écran, nous n'avions pas de renseignement sur les origines et les débuts de cette école, sur ses propriétaires, sur l'enseignement qui y était dispensé. Était-ce une école confessionnelle, comme on le pense d'emblée, du fait de son implantation apparemment ancienne sur l'emprise de l'ancien domaine du Sacré-Coeur de l'Oasis ? Pourtant, quand le magazine "L'Algérie Catholique", à plusieurs reprises dans l'entre deux guerres, répertorie les cours et écoles privées d'obédience catholique d'Alger, nulle mention n'est faite de l'institution Milly. À peine avions-nous appris par l'annuaire Fontana de 1922 que ses directrices s'appelaient alors les demoiselles Bruno.

   Jusqu'à ce que je tombe sur un texte écrit dans la revue "Feux", des Anciens et Amis de la St-DO, par deux anciennes élèves de Milly, Bernadette Morin-Lahalle et Geneviève Bortolotti-Troncy.

   Grâce à elles, j'apprends que ce sont des religieuses dominicaines qui, autour des année 1900, avaient fondé le Pensionnat, comportant, en réalité, internat et externat.

   Peu après survint la séparation de l'Église et de l'État, avec le ministère Combes, en 1905. Afin de pouvoir continuer leur apostolat, la Supérieure de l'époque alla alors à Rome demander au Pape l'autorisation de porter l'habit civil... Ce qui lui fut accordé. Ceci explique pourquoi les enseignantes et dirigeantes de la "Pension Milly", pour celles appartenant à cet ordre dominicain, portaient une sobre et stricte tenue civile (jupe noire, chemisier blanc, pull noir), et non l'uniforme religieux. Ainsi, même si ses enseignantes et ses cadres semblaient vivre "dans le siècle", ainsi que nous le montrent ces photos de 1913, sur le plan spirituel Milly restait attaché à la Maison des Pères Dominicains, et ceux-ci, nous dit-on,"assumaient l'Aumônerie en totalité" :

   "Milly et les Pères Dominicains ne faisaient qu'un. Union étroitement serrée, dans une merveilleuse symbiose. Organisation des cérémonies religieuses, recueillement des pélerinages, communions et confirmations, messes fréquentes où nous allions nous resourcer dans l'harmonie. Rites sacrés où tout était joie pure et simple. Reviennent, avec ces images enfouies au plus profond de nous-mêmes, les senteurs d'encens, de bonne encaustique, perdues à jamais… (ne retrouve t-on pas les accents de Lamartine, et surtout de Proust dans "À la recherche du Temps perdu", cités ci-dessous ?). Pas de Milly sans les Dominicains, mais aussi pas de Dominicains à part entière sans Milly." écrivent ces deux anciennes.

   En 1935 Victoria Gineste succède aux demoiselles Bruno ci-dessus citées, en prenant la direction admistrative de l'école. Elle assurera cette fonction jusqu'à son départ en 1965.

   Sa nièce, Denise Gineste, âgée de 26 ans, avait pris la direction des études en 1948. Elle constitua avec sa tante "un duo d'une unité remarquable", qui durera jusqu'en 1961, date à laquelle Denise doit gagner Cannes, pour raisons de santé. Elle sera emportée par un cancer, en 1994.

   Sa tante, Victoria Gineste est décédée, elle, le 6 mai 2000 chez le Petites Soeurs des Pauvres de Nice.

   La dernière représentante des "Demoiselles Milly", Madeleine Paucton, s'est éteinte à Nice le 22 septembre 2010. Institutrice en classes primaires, dans le sillage des Demoiselles Gineste et Bonet, elle avait consacré sa vie entière aux élèves du pensionnat. Elle avait également assuré auprès des internes la fonction de lingère, rôle où elle se montra particulièrement dévouée et attentionnée.

   Maintenant que nous savons ce qui précède, il nous reste toutefois encore au moins une question : à qui ou à quoi cette pension dut-elle son nom de "Milly" ? (1)

   En attendant, nous avons mêlé images de Milly au présent et fantômes de ses différents passés, quand ils étaient des petites jeunes filles et leurs professeurs, et que ce lieu bruissait de leurs rires et de leurs chuchotements... Bon séjour !

Gérald Dupeyrot.



(1) Jean Brua émet l'hypothèse que ce pourrait être un clin d'oeil, ou un hommage, à "Milly", demeure familiale de Lamartine, où il a passé son enfance et qui est présente dans son oeuvre. Un fondateur ou une fondatrice romantiques fans du "Lac" ? Pourquoi pas ? "Tout est encor debout ; tout renaît à sa place : / De nos pas sur le sable on suit encor la trace ; / Rien ne manque à ces lieux qu'un coeur pour en jouir, / Mais, hélas ! l'heure baisse et va s'évanouir." ("Milly ou la Terre natale")




… et la même façade presque 100 ans après ! Par contre, on constatera une fois de plus, que la végétation n'est plus ce qu'elle fut ! Même depuis "notre" temps, une cinquantaine d'années, on peut constater l'amoindrissement du végétal… Le désert qui remonte ?



Le portail et les murs qui ne permettaient pas trop de savoir ce qu'il y avait derrière…



À l'ombre de la "cheminée" du Sacré Coeur, juste de l'autre côté de la rue Edith Cavell…



Ici en 1913 vivaient et étudiaient des belles et des jolies au bois dormant…
Nous les avons réveillées… Laquelle était votre grand-mère ?



Bon, d'accord, toutes n'étaient pas des premiers prix de beauté,
voici la reine maléfique, son sourire sardonique, son chapeau enchanté, et sa machine à hypnotiser les rivales.
À droite, Blanche Neige vient d'avaler la pomme... Elle se sent toute chose…



Meuh non, c'est pas vrai ! C'est juste, semble t-il, une machine de Wimshurst, quand on tourne, ça fait des étincelles ! De la physique amusante, quoi ! D'ailleurs, y'a qu'à voir leurs bobines réjouies (si je peux oser cette électrique métaphore) ! Cliquez pour voir toute la "classe supérieure" de Milly en 1913 !



Et ci-dessus, c'est selon la légende de la photo, la "classe enfantine". Les plus petits, donc. On remarquera, surtout en cliquant sur la photo pour l'agrandir, que cette petite classe était mixte, contrairement au reste des autres classes du pensionnat.



Vers l'entrée du côté de la rue Louis Roumieux…







   Bon, on va dire au revoir à tous nos petits fantômes de 1913 - elle sont 85 ci-dessous dans leur écrin de chlorophyle - avant de passer à des photos prises presque un demi-siècle plus tard, celles d'amies à la fois es'mmaïennes et anciennes "Millyciennes".




    Nous regrettons beaucoup de ne pouvoir vous donner les photos dans leur pleine résolution. même agrandies, quand vous avez cliqué dessus, on en est loin ! Prises à la chambre, elles permettent qu'on les agrandisse avec une magnifique netteté. Mais nos écrans ne permettent pas de très grandes dimensions d'image, et c'est bien dommage, car les visages sont là comme si on allait pouvoir les toucher, on se retrouve quasiment dans l'espace-temps de cette année 1913. Alors on vous a prélevé les visages de quelques une de ces jeunes filles, déjà si lointaines et pourtant brusquement si proches ! Comme ces étoiles disparues dont on peut encore voir la lumière venir jusqu'à nous ! Un grand merci au photographe anonyme d'avoir permis ceci.


Sur ces visages, sans doute plus jamais ne pourra t-on mettre ni un nom, ni un prénom…
Dommage, non ?



   Pour constituer un premier "fond" à cet écran, j'ai commencé par me demander à quoi pouvait ressembler l'environnement de toutes ces jeunes-filles… À quoi pouvait ressembler Alger en cette année 1913… Quand il n'y avait ni rue Charles Péguy, ni square Guynemer, ni rue Edith Cavell, vu que ces trois là sont encore bien vivants en ce bel avant-guerre, ils n'ont pas encore payé de leur vie le monstrueux conflit qui bientôt va éclater. Quand les Galeries de France ne seraient pas finies avant l'an prochain, et que la Grande Poste venait tout juste d'être inaugurée cette année 1913, en octobre. Et c'est l'an prochain que commenceront les travaux d'aménagement du Parc de Galland, pour l'instant, nos petites n'en ont pas trop besoin, ici, c'est encore la campagne ! Mais plus pour très longtemps. Je n'ai pas encore eu le loisir d'aller dans les bibliothèques requises pour consulter les quotidiens algérois de 1913, les magazines que devaient lire leurs parents, dont le bel "Afrique du Nord Illustrée", et tellement d'autres choses !

   J'ai donc commencé avec ce que j'ai trouvé : les films qu'elles peuvent aller voir, les chansons qu'elles fredonnent, leurs magazines illustrés du jeudi, les nouvelles du Monde aux "unes" des journaux que des petits "yaouleds" claironnent aux terrasses des cafés du centre, quand elles descendent jusque là.

    Le cinéma existe quand même depuis bientôt une vingtaine d'années, et pour encore muette qu'elle soit, la production est florissante ! Pour 1913, on recense pas moins de 766 films nouveaux ! Ces temps-ci, c'est la série des "Fantômas" qui cartonne ! Sont-elles aller frémir "À l'ombre de la guillotine", sorti cette année ? Se sont-elles identifiées à Fantômas ? À sa maîtresse, Lady Beltham ? Mais peut-être ont-elles plutôt un faible pour "Rosaria" (jouée par Josette Andriot), l'élégante et fidèle complice de l'insaisissable Zigomar "peau d'anguille" que pourchasse le détective Nick Carter ? Se sentent-elles autorisées, elles, des filles, à se laisser pousser des ailes d'aventurières, depuis que cette année, la même Juliette Andriot a joué dans "Protea", le premier film d'espionnage dont le héros est une femme ? Un des grands succès de l'année ! Max Linder est déjà très prisé, il réalise cette année "les Vacances de Max", "Max fait de la photo" et "Le Duel de Max", tandis qu'aux USA, un jeune comique tourne son premier film, il s'appelle Charlie Chaplin. C'est hélas aussi cette année que Georges Meliès, bientôt ruiné, achève, lui, son dernier film, "Le Voyage de la famille Bourrichon", histoire d'une famille poursuivie par une meute de créanciers.

   Descendent-elles seulement voir tous ces films, jusqu'au modeste "Cinéma du Plateau", notre futur "Empire" ? Il vient d'ouvrir, cette année 1913, inauguré en grande pompe le dimanche 23 février, avec retraite aux flambeaux et fanfares locales ! Connurent-elles l'Omnia (la "Salle Barthe") ou l'Olympia, les salles de cinéma "huppées" de la rue d'Isly ? Ou, depuis cette année 1913, le Splendid, rue de Constantine, le fin du fin, pensez, "il possède deux galeries superposées, dont les fauteuils sont numérotés !" (Turco-Revue). Mais il est vrai qu'il se projette des films dans tellement d'autres endroits de la ville ! "Des cinémas en plein air, il n'en manque pas ici, à toute terrasse de café il y a cinéma ! Il y a aussi les jardins cinémas", griffonnera en 1914 un visiteur de notre ville au dos d'une carte postale.

    Gramophones et phonographes sont dans bien des foyers, et ils sont abondamment pourvus de chansons et de musiques de toutes sortes. "Paul Colin", rue Dumont d'Urville est déjà en 1913 le spécialiste des toutes dernières nouveautés.

   Leur arriva t-il de pousser leurs promenades jusqu'à ce qui, à cette époque, était le "Centre" d'Alger ? La rue Bab-Azoun et tous ses magasins de fanfreluches qui faisaient rêver ? Piquaient-elles en douce quelques gouttes du parfum de leur maman ou de leur grande soeur ? Ou bien certaines, parmi les externes, s'enhardirent-elles jusqu'à la rue du Laurier (mais oui, souvenez-vous, entre rue Bab-Azoun et boulevard de la République !), où se trouve la parfumerie qui "monte", Lorenzy-Palanka (1), pour y acheter l'un des derniers parfums de Paris ? Ou peut-être (ils sont si chers, et puis, où le cacher ?) juste se faire remettre en cadeau un petit échantillon ? Ou en début d'année, ce petit calendrier qui sent si bon ?

   Beaucoup de nos petites pensionnaires lisent, ou ont lu, "La semaine de Suzette", "Fillette", "Lili", "Le Jeudi de la Jeunesse", "La Jeunesse Illustrée", elles ont, ou ont eu, pour un Noël ou un autre, une délicieuse "Bleuette", la poupée obligée née en 1905, au succès phénoménal, et qui dans vingt ans enchantera encore leurs filles. "Bleuette", pour laquelle, chaque jeudi, les plus jeunes trouvent dans "la Semaine de Suzette" le "patron" d'un nouveau vêtement.

   J'ai aussi une photo de ma grand-mère prise dans ces eaux-là, elle est avec ses deux premières petites, et l'aînée, ma marraine, n'a pas encore sa jambe prise dans le hideux carcan de cuir, cadeau de la polio… Il s'est passé tellement de choses en notre ville en cette année 1913… Le 17 juillet, au greffe du tribunal de commerce, Albert Chebat, algérois et commerçant avisé, dépose la marque "Fromage Mignon", peut-être la première marque de camembert algérien ! (oui, il y en eut d'autres !) Marius de Buzon et André Chapuy sont les deux prix Abd-el-Tif pour cette année… À l'Opéra, en cette saison 1913, les décors attendus de Paris s'obstinent à ne pas arriver à temps, et l'équipe s'ingénie à pallier ! Grand coup de chapeau au décorateur local, M. Quignon, forcé qu'il est de faire des miracles ! Grâce à lui, certaines de ces demoiselles ont peut-être pu quand même écouter la grande cantatrice Aline Vallandri ! Au coeur de l'été 1913, le 10 août naît à Alger Charles Hadjadje. Dans deux guerres, à quelques jours de ses vingt-neuf ans, le 27 juillet 1942, il mourra à Auschwitz. Pourquoi dois-je savoir le destin de ce nouveau-né ? Pourquoi ceci me tord-il à ce point le coeur ? Qui nous parlera de lui ?

   Ils sont déjà 90, qui ont marqué cette année 1913, ou que cette année 1913 a marqués, dont les trombines pavent ce fond d'écran. Ce sont celles et ceux que rencontrent ces petites filles dans leur découverte du Monde. Ces figures du temps nourrissent leurs conversations, leur imaginaire, et peut-être, pour certaines, leurs vocations. Elle est très belle cette année 1913, elle annonce l'"Art moderne", l'essor du féminisme, une nouvelle manière d'écrire, le machinisme, l'aviation, qui seront, quoiqu'on en ait dit, de bien belles aventures… Tout notre Monde moderne est déjà là, en gestation, il a même commencé à s'épanouir… Non, contrairement à ce qu'ont pu soutenir des imbéciles, la guerre n'est ni un accélérateur ni un catalyseur, sinon pour des inventions de mort et pour la chirurgie faciale réparatrice ! La "Grande Guerre" ne sera rien d'autre qu'une pause stérile et horrible dans ces élans fertiles… J'enrichirai cette fresque… Vous avez le droit de m'y aider !



(1) : C'est plus tard qu'elle s'installera rue d'Isly, là où nous la connûmes en nos années 50.





Milly, c'était où ?


   Utilisant les ressources les plus modernes de la technique, ne reculant pour nos Es'mmaïens devant aucun sacrifice, Es'mma vous donne, grâce à Google, la position exacte de Milly sur une vue aérienne de notre ville.

Cliquez pour agrandir


   Vous avez le pensionnat Milly et son jardin dans le quadrilatère cerné d'une ligne rouge, le tracé de la rue Michelet est en tirets rouges, en 1 c'est le bas du Parc de Galland, en 2 la station service avec juste derrière le Sacré-Coeur, en 3 le début de la rue Louis Roumieux, et en 4 le bas de l'avenue Claude Debussy. Ça va ? C'est bon, vous y êtes ?



   Longtemps, le climat d'Alger fut vanté pour ses vertus, ce qui fit venir en notre ville bien des "hiverneurs", des "curistes", des "poitrinaires", et sa colonie d'Anglais fragiles des poumons. D'autres médecins au contraire le tenaient pour particulièment préjudiciable à la santé. Va sa'oir !

   Au cours Milly en tout cas, les dirigeants ont choisi de mettre résolument le paquet sur le côté "nature et bon air en pleine ville", et apparemment le photographe a été prié de mettre en valeur la luxuriance de la belle végétation qui semble écraser les enfants. Pour voir un peu mieux les petites, nous avons dû recadrer les photos tellement il y avait du vert sur certaines (enfin, du vert en noir et blanc, bien sûr !).

   L'accent, donc, est mis sur les activités de plein air, ce qui veut dire le sport, ça va de soi, mais aussi des cours de diverses sortes, quand le temps le permet… Commençons par…

Le Sport !


Cliquez pour agrandir

   Ah, on commence par la gymnastique douce… et d'abord ce magnifique exercice de simulation, criante de vérité, non pas de l'hôtesse de l'air expliquant comment on tire sur les embouts, là et là, du gilet de sauvetage (ça n'existe pas encore !), mais de la débonnaire dégaine du manchot empereur. Sur la photo agrandie, vous constaterez que le même costume extrêmement seyant est étendu à l'ensemble des classes d'âges… On peut se le passer de soeur en soeur, comme le reste des vêtements, d'ailleurs, souvenez vous de la malédiction vestimentaire que c'était d'être la petite dernière, ou le petit dernier, d'une famille ! Imaginez-vous, déjà trop grandie, portant ce genre de tenue, trop petite ! Ou l'inverse !

Cliquez pour agrandir

   Là ça joue pas encore, mais vous les verriez en plein échange de balles ! D'autant qu'elles ont mélangé les règles du handball et celles du tennis, surtout pour le nombre de joueuses par équipe ! Pour le nombre de balles en jeu à la fois, on sait pas… Moi, par terre, j'en ai compté 7, une par paire de joueuses, normal. Le photographe avait laissé un large espace vide entre les deux groupes, c'était trop large, ci-dessus on les a rapprochées, alors cliquez pour voir la photo "à de vrai"… et les balles de tennis ! Vous remarquerez qu'à l'époque, sur le court, c'est le long qui prime !

Cliquez pour agrandir

   Le jeu de barres… Oui, pareil, normalement, ça bouge beaucoup, ça a pas l'air comme ça, mais c'est d'une violence inouïe ! Laquelle des deux équipes va "donner la soupe" ? Laquelle de ces petites filles d'apparence pourtant paisible va aller en provoquer une autre en lui tapant trois fois dans la main, en s'écriant sauvagement comme le veut l'usage "barre, baron barette !". Ah, quel suspens, mes chers spectateurs, quel suspens !  !

Cliquez pour agrandir

   Bon, là, c'est plus cool. C'est - nous dit la légende de la photo - la "récréation des pensionnaires". Les plus petites font cercle au milieu, en cliquant, vous verrez celui des grandes.

...et les autres activités de plein-air…


Cliquez pour agrandir

   La photo ci-dessus représente, selon la légende, une "classe en plein air". On regardera plus attentivement les coins inférieurs droit et gauche de la photo agrandie : à droite on entrevoit parfaitement à travers les buissons une bande de chèvres ou de trucs dans ce genre, et à gauche, on distingue un groupe d'enfants. Un peu comme si, en ce temps-là, notre parc de Galland s'étendait jusqu'ici.

Cliquez pour agrandir

   Voici maintenant un cours de couture en plein air, où les jeunes-filles apprennent leur future vie d'épouse et de mère tout en profitant à plein du bon air… Elles inspirent bien à fond à chaque re-sortie de l'aiguille du tissu, et hop, Mesdemoiselles, allez, on replonge, et on expire… On sent que toutes sont autant de Georgette Jeanniot du point de croix ! (Jeanniot, c'était la Laure Manaudou de cette année 1913)

Cliquez pour agrandir

   Ci-dessus, c'est simplement une étude en plein air. Comme dans une devinette d'Épinal, il faut trouver les belles plantes parmi les plantes… et n'en oubliez pas ! On les recomptera !


… mais à Milly, on ne fait pas seulement des poumons bien pleins,
on s'assure aussi de produire des têtes bien faites !


Cliquez pour agrandir

   Donc, on montre aux parents qu'il y a bien au moins une "salle d'études", on s'en doutait un peu, mais comme ça, ils sont rassurés, vous savez comme ils sont, les parents, ils en veulent pour leur argent…

Cliquez pour agrandir le "1er cours"


... et hop, aussitôt qu'on a bien montré qu'on peut faire cours dans de "vraies" classes, aussi sec on se barre à nouveau dans le parc ! Là, on a installé une table avec dessur un tapis à franges (c'est plus mieux élégant), et on photographie les unes après les autres cinq des six classes de cette année 1913. Les grandes du cours supérieur sont visibles en colonne de gauche, avec sur la même table, une machine de cauchemar qui montre bien qu'on est au cours supérieur. Les petiots de la "classe enfantine" sont, eux, photographiés faisant une ronde, voir aussi ci-contre.

Cliquez pour agrandir le 2ème cours


Cliquez pour agrandir le 3ème cours


Cliquez pour agrandir le 4ème cours


   Sur cette imagette, vous constaterez la densité de la végétation, on sent presque sa moiteur, et son odeur de jardin après l'arrosage du soir. C'est trop bon !

   "Mais, quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des autres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir."

   Eh oui, c'est cette année 1913 que paraît "Du côté de chez Swann", premier tome de "À la recherche du temps perdu", celui où intervient justement la fameuse madeleine ! De nos petits fantômes, lesquels, cette année, se sont laissés conduire du côté de Combray et de Méséglise ?




Edith Cavell

Cliquez pour agrandir


   Il est indiqué, en tête de cet écran, que le pensionnat Milly se trouve au 9 de la rue Edith Cavell (anciennement, en 1922, n°19 chemin Edith Cavell, sous réserve de recoupement, les annuaires, surtout le "Fontana Frères", parfois se trompent !). Il faut nuancer. Parce que par exemple, toutes ces jeunes filles, au moment où se trouve prise la photo qui va les immortaliser, n'ont jamais entendu parler d'Edith Cavell ! Pourquoi ? Parce que la "Grande Guerre" ne va éclater que l'an prochain, et que ce sera le 12 octobre 1915 qu'Edith Cavell, infirmière britannique en Belgique sera fusillée par les troupes allemandes pour avoir aidé des soldats et prisonniers évadés. Cette exécution eut un retentissement immense. Par exemple, les parents d'une petite fille née à Paris le 19 décembre 1915 vont l'appeler Edith en hommage à la disparue. Plus tard, avec le sobriquet de "Piaf", elle se fera un nom.


   C'est fin 1913 que le chemin jusque là dit "de l'Écosse", qui menait au pensionnat Milly, sera baptisé du nom de cette malheureuse qui pour la France devint l'un des symboles de la "barbarie boche" (comme si ce n'est pas toute cette guerre qui, comme les autres, ne fut pas autre chose qu'une immonde barbarie ?). On peut imaginer que ceci va donner lieu au début de 1916 à une belle cérémonie, avec dévoilage de plaque de rue, discours pompeux, vilipendage de l'ennemi boche, sonnerie "aux morts", comme les fastes et célébrations républicains nous y ont habitués. Peut-être un certain nombre de nos jeunes filles, avec les enfants des écoles et tous leurs maîtres et maîtresses, vont-elles y assister ? Il faudrait pour le savoir, avec une patience d'ange, feuilleter la collection de l'Écho d'Alger des premiers mois de 1916. J'avoue n'en avoir ni le temps, ni cette ténacité. Si certains ont des lumières à ce sujet ? Gérald Dupeyrot.










POUR LES PHOTOS DE MILLY EN 1960-61 CONTINUEZ,
C'EST JUSTE UN PEU PLUS BAS,
VOUS POUVEZ PAS VOUS TROMPER...

















Et pour finir, quelques photos envoyées par Yvette Marti,
qui fut élève ici en 1959-1961.


(rappelons qu'Yvette est aussi cette petite jeune fille qui nous sourit
sur le pas de la porte de la boulangerie de ses parents, au n°50 de la rue d'Isly)




Yvette - ? - Anne
Photo prise dans le jardin derrière le bâtiment des "Grandes".
Mars 1960.




Toujours de gauche à droite
Je pense que la première est Jeanine?? Ça vient de me revenir... Mais ...???
Ensuite moi - Michèle Grélier - Christiane et Anne.
Mai 1961.




Les mêmes; presque dans le même ordre.

 

Photo de gauche, 1960 : Christiane ? - Michèle Grélier - moi. Il me semble que c'était le jour de l'Ascension,
je venais d'apprendre que ma candidature au CREPS avait été refusée...
Because… "Trop petite"… Il fallait mesurer 1m 58 !
Et j'en suis très loin !!!




3 mai 1961 : de g. à dr. : Yvette - Michèle Grélier - ? - Christiane ? - Anne ?