Dyna_et_Valentin



RUES   DE   CHEZ   NOUZAUTRES


Entre Dyna et Valentin, c'est la rupture !



Fablette par Lucien Balaguer
1935 - Alger rue Valentin
Sur le L.O. d'Es'mma le 21/10/2009 à 17:52

Avec dessin de Jean Brua et, en fin d'écran, quelques bonus.


   Dyna-Panhard, la petite voiture du représentant chocolatier "Cemoi" arrivait et stationnait chaque jour vers le haut de la rue Valentin, devant la fontaine de la rue Daguerre, afin de permettre à son maître de se restaurer. Ah qu'elle était jolie la petite voiture du chocolatier, brillante, éclatante sous notre beau soleil. Mais quand son regard triste se dirigeait vers la rue Michelet, la vue lui semblait bien plus appêtissante, avec toute ses petites cailles qui passaient et repassaient, légères sous leurs robes chamarrées pleines de grâce et de lumière. Elle languissait, la petite…

   Puis un jour, n'y tenant plus, elle décida de s'échapper. Rompant ses freins elle trouva l'ivresse de la liberté. La petite voiture descendit alors la rue Valentin. Au passage elle découvrit les entrepôts du fromager Baechler, en face des escaliers Xavier Coppolani, le coiffeur Jeannot avec son assistant Bensimon, le marchand de vin M. Charles. Juste après, un bel enclos, le décrochement de l'Entr'aide féminine, une grande volière pleine de perruches et oiselles avec sa salle de bal et de projection face à l'entrée du garage Ford. Mais la petite voiture n'avait qu'une hâte, rejoindre la rue aux Cailles. Elle n'avait nullement envie de s'arrêter et ne jetait que des coups d'oeil furtifs à l'environnement.

   Pendant ce temps là, les jeunes de la bande du quartier, tout en admirant le courage de la petite voiture, alertèrent son propriétaire, dont les fenêtres donnaient sur la rue Valentin : M'sieu, M'sieu, votre Dyna fout le camp là, là… Le chocolatier Cemoi jetant un regard n'en croyait pas ses yeux, il sortit en grande enjambées de chez lui, nous rejoignant et nous voilà tous, à la queue leu leu, la petite Dyna, les gamins du quartier et notre Monsieur Chocolat Cémoi. Continuant sa virée, elle passa en revue le garage Serment, le tonnelier fond de la cour, le tabac Zenaidi, le ferblantier Pétrus et ses cheveux blancs, le marchand de glaces, face au garage des facultés qui devait exploser sous notre nez, quelques années plus tard.

   Elle déboucha au carrefour Valentin / Saint-Saëns sans un regard sur le garage Panhard, son lieu de naissance. Courageusement elle traversa le boulevard Saint-Saëns, sautant le trottoir, entre la vitrine Bissonnet et l'accès au trou des facs, slaloma entre un arbre, un banc et un panneau de signalisation, redescendit du trottoir (normal à Alger on monte et on redescend un trottoir) traversa la rue Michelet et là, devant les automobilistes médusés, la circulation pratiquement arrêtée, autobus, trolleys et trams, elle s'échoua contre un banc de la Ville d'Alger, pratiquement à la hauteur du tailleur Baranès, vous savez, celui qui nous faisait les épaules taillées "à son nom" et la pharmacie Roche.



Seconde époque

(l'histoire à Lucien, elle était en 2 messages ! Le robot lui avait coupé la chique ! )
Chut ! Silence ! Il continue…

   Merci, merci, à la demande générale, je plaisante, voici la suite de ma fablette (pas de chocolat), La Dyna-Panhard etc… etc… On ne m'a pas bissé dessus :

   …la pharmacie Roche, donc, le successeur de Gaizard. La pauvre petite Dyna n'en pouvait plus, les quatre roues écartelées, son avant reposant sur le banc, totalement épuisée fut enfin rejointe par nous et Monsieur Chocolat Cemoi qui, complètement essouflé constata l'étendue des dégâts. Après nous avoir distribué quelques bonbons et chocolats, il fit appel à Panhard Saint-Saëns pour prendre en charge sa biquette. Plus jamais nous ne la revîmes rue Valentin, les années passèrent et Monsieur "Cémoi" disparut du quartier.

   Voilà ma petite contribution pour ma rue Valentin, chargée de souvenirs pour une si petite rue.

Bien amicalement à toutes et tous,
Lucien Balaguer
de la rue Valentin


Aussitôt, JiBé avait répliqué, toujours sur le Livre d'Or, avec ces deux p'tites cailles
sur leur banc, à peine ébranlées (les cailles, pas le banc).




Précision pour les d'jeunes de mai'nant :
on ne disait pas "une Dyna-Panard", mais "une Dyna-Pan-ar".
Même si ces tires, c'était le pied !





LES BONUS


Le plan du quartier, pour ceux qui n'arriveraient pas trop
à se représenter le parcours de la Dyna…







La famille "Panhard" dans un jeu des 7 Familles des années 50…








Quand la rue Valentin revient à son origine d'oued côtier…


Cliquez sur chaque image pour l'agrandir

  

   Bon, c'était vers 1910, mais de nos jours ça n'a pas trop changé ! Souvenons-nous du temps de nos enfances, lors des gros orages, nombreuses étaient les rues descendant des hauteurs d'Alger qui charriaient arbres arrachés et alluvions de terre ocre ! Comme si le Telemly il fondait dans la mer ! (certaines rues d'ailleurs étaient d'anciens torrents, comme ma rue Burdeau. G.D.)




Monsieur CEMOI, l'homme qui fit de beaucoup d'entre nous
des philatélistes en herbe !

En 1954, Monsieur Chocolat Cemoi à Alger s'appelait M. Roger Brault, l'annuaire de cette année-là le mentionne comme représentant-dépositaire au 6 rue d'Esthonie, avec pour domicile 100 Bd Camille Saint-Saëns. Mais alors il n'habitait pas rue Valentin ? Sans doute celui de l'histoire de Lucien était-il son immédiat prédécesseur ou successeur ? Mais peut-être ce M. Brault allait-il déjeuner chaque jour rue Valentin chez on ne sait qui ? Chez une sienne amie ? (ou : comment provoquer une scène de ménage 70 ans après !).

   Certains collectionneurs parmi vous connaissent peut-être les albums qui servaient de recueils à des images contenues dans les tablettes de chocolat Cemoi  : ceux antérieurs à 1930, dont le thème était "Les colonies françaises", celui de 1932, consacré à l'Algérie, celui de 1933 dédié à l'Indochine française. À la même période, en 1931, Nestlé-Kohler lançait ses propres albums, basés sur le même principe (cliquez ici !). Ces albums remportèrent le succès considérable que l'on sait.

   Pas mal d'autres marques proposèrent de semblables systèmes d'images-primes et d'albums pour les recueillir. Ça devenait un "créneau" (comme on dit) passablement encombré. Cemoi décida alors de se démarquer en remplaçant dans ses tablettes les images par des timbres-poste de collection. C'était bien vu, l'intérêt pédagogique n'était pas moindre que celui des images, l'attrait était différent, et avait le mérite de la nouveauté. Nous fûmes nombreux à nous mettre à collectionner les timbres-poste, d'abord ceux insérés dans les tablettes de chocolat Cemoi. Mais aussi, une fois le pli pris, tous les autres timbres. C'était peut-être là la faiblesse de cette forme de prime : très vite, nous allions trouver le chemin des boutiques de philatélie (dont celle de Schwartz, rue Charras) qui vendaient pour pas cher de grosses pochettes de timbres tout-venant qu'on aurait mis trop de crises de foie à rassembler avec les tablettes du chocolat Cemoi. Et puis on avait déjà assez à croquer comme ça avec les chocolats Nestlé-Kohler, que leurs albums, avec en plus tous les prix qu'on pouvait remporter, ils étaient quand même les plus mieux !



Fripounet et Marisette, dimanche 19 avril 1959.




Fripounet et Marisette, dimanche 20 décembre 1959.





La rue Valentin, petit voie populaire
entre boulevard du Telemly et centre du Centre d'Alger.

   Avec cette Dyna qui dévale la rue Valentin, Lucien a trouvé une très astucieuse façon de nous la faire visiter et de faire connaisance avec quelques uns de ses habitants. En restait-il encore du temps de la jeunesse de Lucien qui figuraient déjà dans l'annuaire Fontana Frères de 1922 ?



Les commerces ayant effectivement pignon sur rue sont en italique.
Pour les autres, même s'il est indiqué une profession, il s'agit de domiciles.

   La petite rue Valentin, a compté, outre notre ami Lucien, d'autres sympathiques institutions qui méritent d'être rappelées : au n° 17, un joli petit hôtel, assez pimpant, de style années 20, surprend les visiteurs du XXIe siècle dans cette rue plutôt sinistrée. Il s'appelait "Hôtel Saint-Saëns" du temps que le boulevard proche portait ce nom, il s'appelle depuis l'indépendance "Hôtel Mohammed V", maintenant que le boulevard a changé de nom, mais du coup, évidemment, c'est moins musical…


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   Au n°17 également, imprimait une imprimerie Aurran, sur laquelle nous n'avons pas d'information sinon qu'elle imprimait les "Publi-Cristal Pochettes", témoin le document ci-dessous (publié sur l'excellente page Facebook "Les Anciens d'Alger"). Réclame sur enveloppe translucide pour l'anisette "Andalouse", à une date non déterminée.


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   Au début du XXe siècle, le n°9 rue Valentin était l'adresse que l'excellent dessinateur Chagny donnait pour sa maison de cartes postales, sur lesquelles il croquait les petits métiers d'Alger et autres scènes populaires.


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   L'immeuble du n°7 de la rue était celui de la salle de "l'Entraide Féminine". Elle accueillit tant de manifestations de bienfaisance ! Elle comportait une salle faisant office de piste de danse qui servit en d'innombrables occasions. Ce fut une étape obligée de la tournée des danseurs qui les wek-ends écumaient Alger de bal en bal. C'est aussi ici que se tenaient les réunions du CCAA (Cinéastes Amateurs d'Algérie) auquel Es'mma a consacré un assez complet écran (cliquez ici).

   Et Lucien, alors ? Ousqu'il habitait, notre Lucien Balaguer "de la rue Valentin" ? Il nous le dit lui-même : "Au n°7 il me semble… - Hein ? Comment ça, il te semble ? - Ben oui, ils avaient changé le n° qui était 9 à l'origine, 1er étage vue sur la rue. L'immeuble était mitoyen avec celui de l'Entraide Féminine et au dessus d'une petite épicerie (par la suite un "pinardier") qui avait appartenu à ma grand-mère paternelle." (Lucien sur le L.O., le 07 mai 2019)

   Sur la photo ci-dessous (de 2006), nous sommes rue Michelet, au Carrefour des Facs (Place Lyautey). L'immeuble tout de suite à gauche est celui de Bissonnet, notre incomparable pourvoyeur en jouets haut de gamme et bagages de luxe, le Bd Saint-Saëns commence juste après, la rue Valentin est en face de nous, et son n° 7 est un peu plus haut à gauche. Au début du XXème siècle, les immeubles du côté droit de la rue Valentin descendaient jusqu'à la rue Michelet, là où traverse le gars en kamiss blanc. Ici se trouvait, au n°2 rue Michelet, la pharmacie de Gustave Gayzard (cliquer pour vous y rendre).



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Et bientôt, le reportage photo :

En descendant la rue Valentin, 19 septembre 2006