Charles Angeletti,
la clairvoyance faite oncle.


 

Né à Borely-La-Sapie, 6 novembre 1906
(village à 25 km à l'Est de Médéa)
- † Marseille 22 septembre1971
Fils de Pierre Angeletti et Rose Bertossi.


Par Gérald, son neveu.


Je ne sais pas grandchose de l'enfance de mon oncle Charles,
ni en fait de sa jeunesse, ni de sa vie.
Peut-être à la suite de la parution de cette page,
certains voudront-ils compléter ce qui se trouve ici.
Voici ce que j'en ai gardé dans mon souvenir…

Dans sa jeunesse, Charles fut livreur pour la blanchisserie
tenue par Claire Miquel sur la place d'El-Biar,
en haut du boulevard Gallieni à gauche.
C'est ainsi qu'il fit la connaissance de Paulette, belle-soeur de Claire.

En 1944, il épouse donc
Paulette Marthe Dupeyrot,
(El-Achour, village de l'Algérois, 13 mai 1907
- † Marseille 29 décembre 2004).

On peut la retrouver en cliquant ICI, dans l'histoire de notre famille.
Paulette était veuve depuis juin 1941 de Antoine Miquel.
Paulette et Charles furent parents dès 1944 de leur enfant unique,
Jean-Pierre Angeletti, compagnon de jeu et cousin de rêve.

Charles est alors représentant en "fournitures industrielles"
(sutout des sanitaires). Il entreposait ses stocks dans le souterrain
reliant les escaliers de la rue de Turenne et la rue Jacques Cartier
Nous les gosses, ce tunnel dont, depuis notre balcon, on voyait
s'enfoncer l'entrée, sombre et mystérieuse,
sous le boulevard Saint-Saëns, ça nous épatait beaucoup.
Paulette, elle, tenait une teinturerie de la chaîne Fraissinet.Néant.

Dans les années 50, Charles et sa famille habitaient
15 rue Burdeau (cliquer pour vous y rendre),
2e étage (tél. 403.14, annuaire PTT de 1954).
Nous, on était au troisième.
Il était fartasse, pas très grand, assez maigre, il avait
de beaux yeux bleus, une voix rauque cassée par le tabac,
et une drôle d'ironie narquoise et inquisitrice
qui impressionnait beaucoup les enfants.
C'était un esprit non-conformiste, sceptique, raisonneur,
amateur de controverses sans fin, et pourtant fort agréable,
tant ses points de vue pouvaient être inattendus et hors norme.
Un gars qui ne laissait pas les neurones en repos,
ni les siens, ni ceux des autres.
C'est en tout cas ce que pensait son beau-frère René
qui l'aimait bien, et qui habitait l'étage juste au dessus.
Il en descendait chaque fin de dimanche, tous deux alors
s'adonnaient à leurs parties de jacquet hebdomadaires.
Avec anisettes et petites préparations de Tata Paulette
dont des petits filets d'anchois je vous dis que ça.
Des "Papa Falcone", étendus d'huile, endimanchés d'oignon.

Ils jouaient jusqu'à ce qu'il fût l'heure pour les enfants
de passer à la toilette de veille de lundi, c'était
- évidemment - "juste quand ils commençaient à jouer !".
Alors on rangeait les petits soldats dans leur tiroir,
et les bagnoles Norev et les Dinky-Toys,
et les albums Spirou, et la boîte du Jacquet…
Ensuite, chacun rentrait chez soi, c'était le dîner
(dont un potage Maggi au poulet, parce que ce soir-là
les mamans s'accordaient quelque facilité),
avant que chaque famille (sauf bien sûr
les mamans qui, elles, faisaient la vaisselle)
se regroupe chacune devant son poste de T.S.F.,
blottis sur des poufs en cuir avachi,
pour la pièce policière du dimanche soir.
Déjà rien qu'à la musique du générique,
"Les Maîtres du Mystère",
les cheveux sur la tête ils se dressaient …

C'était un temps heureux où les paradoxes
et les considérations un peu bizarres de l'oncle Charles
étaient comme des mets plus relevés
au milieu de plats non moins délectables mais trop coutumiers.

Charles se rendit célèbre dans la famille pour sa lucidité.
Quand en 1958 on apprit le retour de de Gaulle aux affaires,
Charles dit à Paulette :
"Paulette, tu fais les valises, on s'en va !".
Ils firent leurs valises, partirent,
s'installèrent rue Louis Rège à Marseille,
pas loin de la place Castellane et du lycée Perrier,
dans une petite maison toute en rez-chaussée.
Une usine de torréfaction proche engloutissait
de ses effluves toute tentative de sentir voire de respirer.

"Ah ce Charles !" fut la réflexion la plus courante
qui accueillit sa toquade tellement dénuée de bon sens.
On sait comment sont accueillis les Cassandre de tous les temps
et leurs présages, au moins moqués quand ce n'est pas lapidés
par l'assemblée des braves gens optimistes à tout crin,
et dénués de mémoire et de culture historique.
Parce que dénués de mémoire…

À peine quatre ans plus tard, au printemps 62,
leur petite maison marseillaise afficha complet.
Sur des matelas étalés un peu partout,
elle vit défiler bien des familles
(dont celle du G.D.L.L.D.B.).
Quatre ans plus tôt, sur le Forum d'Alger,
elles acclamaient un gars qui les avait compris.

Le soir, il faisait doux, la nuit n'en finissait pas de tomber,
l'air portait une odeur de café grillé, assis sur la marche du seuil,
Jean-Pierre sur sa guitare, chantait "Mon pote le Gitan",
"Les Grands boulevards", "les pieds dans le ruisseau"….
Nous avions fini une vie.
Plus rien derrière, encore rien devant…

Paulette et Charles étaient devenus aiguilleurs
vers l'ailleurs, vers l'inconnu, vers des futurs incertains.
Et celui de la famille Dupeyrot René ne fut pas trop mal,
alors, soixante ans après, merci à vous deux.





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