LETTRES D'ALGER : "M" COMME MOULIN (2)
LE QUARTIER DU MOULIN
ET LES PALISSADES DU 35-39

Par le G.D.L.L.D.B.
Photo : envoi de Georges Salessy
SILENCE, ON TOURNE !
"Agence immobilière Le Moulin", lit-on sur cette vitrine au 48 rue Sadi Carnot. Cette photo, prise en septembre 2006, vers le bas de la rue Hoche, nous rappelle que ce quartier a longtemps porté ce nom, en référence au moulin industriel qui avait existé ici, et que, 40 ans après l'indépendance, on continue à l'appeler ainsi. Plusieurs commerces se signalaient comme étant "du Moulin", une localisation facile pour tout Algérois...
(Annuaire des postes, 1961)
Voici quelle était la zone d'appellation incontrôlée, dans les limites vagues de laquelle on pouvait se prétendre "du Moulin". Certains textes précisent, qu'ici commençait la côte de Mustapha, cette dernière étant la forte pente que commençait à amorcer un peu plus loin la rue Sadi-Carnot pour "monter" jusqu'au Champ-de-Manoeuvres. C'est au bas de cette côte, nous rappelait notre cher Henri Garcia, qu'à l'époque des voitures à chevaux, certains faisaient commerce de louer un canasson supplémentaire, histoire de permettre aux véhicules hippomobiles de se hisser jusque là-haut.
Nous avons trouvé la vieille carte postale ci-dessous, datant des alentours de 1900, qui représente, selon sa légende, la "Minoterie Ricci", et que son enseigne désigne plus techniquement comme la "Minoterie à cylindres de l'Agha". On se trouverait donc bien du côté "Agha" de la rue Sadi-Carnot (qui sinon est fort longue), la mer est à gauche, et le lycée Gautier quelque part en haut à droite. Un indice pour situer cette minoterie pourrait être dans le précieux annuaire Fontana qui nous dit qu'en 1922 il y avait un "Moulin de l'Agha" au n° 39 rue Sadi-Carnot (à l'angle de la rue Commandant Rinn, donc), le propriétaire en étant alors Laurent Grima (oui, la famille dont la société de pâtes et semoules sera ensuite rue Horace Vernet). Le palmier à droite sur la photo nous indiquerait-t-il le bas du boulevard Victor Hugo ?
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Presqu'aussitôt après la parution de l'écran sur les moulins d'Alger, nous avons reçu de Georges Salessy, fidèle Es'mmaïen et contributeur de notre site, un document d'importance, accompagné du mot suivant : "Ci joint une photo datée exactement du 11 septembre 1952 où l'on voit le palmier, le panneau d'affichage qui a remplacé la façade de la minoterie, derrrière le panneau, les trains de la gare de l'Agha, derrière encore, mais on ne les voit que dans la tête (!), le port, la jetée, la mer ... et au loin Fort de l'eau !!!!"
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Et, autre envoi de Georges Salessy quelques jours plus tard, cette photo... Georges nous précise : "elle provient d'une copine (Rachelle Briquet, merci à elle) de ma fille en classe de troisième. Originaire d'AFN, c'est elle qui nous l'a ramenée (la photo du boulevard). Par un patient de notre fils ophtalmo, j'ai appris que ce boulevard Victor Hugo était devenu depuis, entention... accrochez vous... l'avenue Victor Hugo." La photo date d'avril 1986 (oui, les palmiers ont grandi !), et cette année-là, la palissade est encore en place... Qu'en est-il en 2007 ? Quel touriste ou quel Algérois voudra bien nous refaire la même photo que celle ci-dessous ?
Eh ben mon vieux, ça a pas loupé, pas plus tôt publiée la photo ci-dessus, que notre chère Jacqueline (oui, de Rome) nous faisait parvenir (le 7 décembre) un nouveau cliché, pris par elle lors de son voyage à Alger cet automne 2007... Merci à Jacqueline (dont on ne saurait jamais assez vous recommander, chers Es'mmaïens, d'aller flâner sur son joli blog "Mare Nostrum", http://marenostrum.over-blog.net) qui, à lui tout seul, serait un hommage, une préfiguration, un préambule à une "Union Méditerranéenne" déjà bien réelle, comme nous le montre Jacqueline). Donc, cet automne 2007, la palissade (contrairement au canard) n'existe plus ! À y bien regarder, il ne semble pas qu'il y ait grand chose à avoir remplacé l'ancien moulin Ricci, tant mieux, la perspective est toujours aussi dégagée... (j'écris ça en espérant qu'on va encore recevoir quelque chose...). Les palmiers (dattiers ?) ont pas davantage grandi, on sent qu'ils sont maintenant adultes (il était temps), et d'ailleurs ils semblent bien "donner" (voir le 3ème à gauche).
À Es'mma on s'est alors souvenu que dans les kémias, on avait publié une photo de journal sur laquelle les fameuses palissades étaient aussi bien visibles... C'était lors de la "Course de lenteur" du 3 ou du 4 janvier 1954.
Cliquez pour agrandir et lire l'article (des 3-4 janvier 1954)
Enfin, M. Choc, notre cher mystérieux et caustique fouineur, nous a trouvé cet article tiré de la rubrique "De tout un peu" de "l'Écho d'Ager". La protestation de ce lecteur date du 17 avril 1954. À cette date les palissades étaient bien toujours là. Pourtant le terrain était de belle surface... Pour combien de temps encore les promoteurs de ce temps, pour qui le moindre mètre carré d'Alger valait de l'or, allaient-ils laisser cet espace sans rien dessur' ?
Voilà pour les palissades... "Le Moulin", c'était resté une appellation courante, familière, parce que l'arrêt à cet endroit, du tram puis du bus, avait conservé ce nom.
Un coin tranquille et populaire, un peu triste, qui ne démentait pas son nom bucolique. Jusqu'à cet après-midi du 3 juin 1957 où une bombe, dissimulée par des terroristes indépendantistes dans le réverbère proche de l'arrêt, explosa. Il était 18 h 25. Elle ne fit pas d'autres victimes que quelques blessés, le bus venait de ramasser sa cargaison de passagers. Pas comme les bombes qui explosèrent dans les instants qui suivirent, rue Alfred Lelluch et au carrefour de l'Agha, et qui, elles, tuèrent. "L'arrêt du Moulin" venait d'entrer dans l'Histoire d'une façon dont on se serait bien passé.
Les petits Moulins du Moulin
Ce qui va suivre maintenant va s'adresser à seulement une moitié de nos Es'mmaïens, ceux qui, dans un temps un peu lointain déjà, furent des petits garçons. Il s'agit d'une activité ludique à laquelle peu de petites filles de notre temps se livraient (quoiqu'on en connaisse quelques cas dont l'exemplarité même indique bien la rareté), on a nommé le Meccano. On en a déjà parlé à propos de ce quartier du Moulin, c'était dans l'hommage rendu au grands Meccanos que furent les (Sadi)-Carnot (CLIQUEZ ICI POUR VOUS Y RENDRE). Plus précisément, on citait le magasin de jouets "Le Poussin Rose", qui se situait juste ici, à l'arrêt du Moulin, au 41 rue Sadi-Carnot, et où nombre de nos Es'maïens en culottes courtes, dont Yves Sendra, trouvèrent leur bonheur en l'espèce d'une boîte de Meccano. Et dans ces boîtes de Meccano que trouvait-on, toujours, sur la notice, parmi les propositions de constructions ? Un moulin à vent, bien sûr !
Donc, nous ne pouvions pas, au passage, ne pas faire ce petit clin d'oeil à tous les moulins potentiels, sous forme de plaques métalliques, de manivelles, de tigelles, de roues et de rondelles, de boulons et d'écrous, tout ceci encore à monter, bien rangé dans les belles boîtes mises bien en valeur dans les vitrines, à tous ces moulins qui nous attendaient partout dans Alger, ici, au "Poussin Rose", mais aussi chez Bissonnet, chez "de Laplante", aux Galeries de France, au "Petit Duc", au Grand Bazar Michelet (au 58) ou au Grand Bazar Universel (place du Gouvernement), et dans des dizaines d'autres cavernes aux merveilles... Allez, on passe à la suite...