20 RUE D'ISLY

12 OCTOBRE 1949, 18 HEURES,

C'ÉTAIT L'INAUGURATION DU...
PASSAGE DE L'ÉTOILE


Avec, au départ, un envoi de Mr CHOC
(dit "le CHOC des photos")
paru dans les "kémias" du 15 avril

puis des photos prises le vendredi 22 septembre 2006
à Alger par Gérald Dupeyrot,
et un plan Vrillon fourni par Jean-Paul Follacci


"Le passage de l'Étoile", c'est le cadeau d'Es'mma pour les Rois 2007.



   Souvenez-vous... Pour la 12ème édition des Kémias, le 15 avril dernier, Monsieur CHOC nous avait envoyé la coupure de quotidien ci-dessous... Elle appelait pour le même jour le public algérois à l'inauguration du "Passage de l'Étoile". Nous sommes le 12 octobre 1949. Pour vous remettre dans l'ambiance de l'époque, vous entendez en fond sonore ce qui fut le grand succès de cette année-là. Et qui colle assez bien avec le sujet de cet écran, non ? "Étoile des Neiges" était une "scie" helvétique remise au goût du jour par le grand Jacques Hélian, et que va bientôt reprendre Line Renaud.

   Nous espérions que ces quelques réclames vous rappelleraient cette galerie marchande, située presqu'en face les Galeries de France (qui, elles, étaient au 25).

   Selon l'annuaire des Postes de 1954, si plusieurs de ces boutiques avaient alors disparu

"SWEETS" - "LEOCLAUDE" - "Art et Musique" - "Tonia" - "Au sac basque"...

d'autres étaient toujours bien là :

"Children" - "SOTEM" - "Mary Christine" - "Fleurs de l'Étoile"

   C'est la vie, un jour tch'y es là, un jour tch'y es plus là...

   Mais il semblerait que ceci n'ait pas réveillé grand'chose dans les mémoires de nos Es'mmaïens. Pire, il s'avèrerait que pour certains, situer ce passage tiendrait de la mission impossible. Gérald s'étant décidé à retourner à Alger en septembre dernier (2006), il s'est rendu sur place, avec pour mission de raffraîchir vos souvenirs...




Pour commencer, on se situe sur le plan.
Pour vos repères, prenez la rue d'Isly, les Galeries de France, la place Bugeaud...
Ça y est, vous y êtes ? Alors, en sortant des Galeries de France, prenez la rue d'Isly à gauche...




Arrivés à la hauteur de la rue Roland de Bussy, vous traversez...
(le passage piétons est récent, mais allez-y, prenez le...
Et juste en face, engloutissez-vous dans l'immeuble du 20, entre la "Boutique Étoile" et "La Toison d'Or"
(cette dernière qui était déjà là il y a cinquante ans).
Voilà, vous y êtes...



La galerie marchande est presque déserte, les rideaux des boutiques sont baissés,
normal, on est vendredi, je vous le rappelle. Le passage fait un coude vers la gauche...
Et voici l'autre bout avec la lumière du jour.

 

Travelling arrière : on ressort de ce passage qui fut naguère un lieu élégant,
inauguré par le maire de l'une des quatre plus grandes communes de France...
(le discutable Pierre-René Gazagne, rappelons-le, que Jacques Chevallier allait remplacer en 1953).
Avec un soupir, oui, devant cette décrépitude.
Oh, bien sûr, j'aurais préféré faire figurer ici des photos des années 50, quand tout était pimpant et bien entretenu...
Mais il ne nous reste rien, plus de photos, plus d'archives, alors si l'on veut aujourd'hui évoquer ces lieux,
quelle autre démarche que ce travail d'archéologue, qui requiert beaucoup d'imagination,
pour faire revivre la splendeur passée derrière les indices que nous fournit le présent ?
Allez, on continue à reculons, et nous voici dans la rue du Coq (4 mètres de large, 51 de long),
qui au bout se jette dans la rue des Chevaliers de Malte.






On finit en sortant, toujours à reculons, de la rue du Coq... Et on se retrouve rue d'Isly, entre le n° 14, à gauche (où se trouvait André, "le chausseur sachant chausser") et le n° 16, à droite (c'était ici le classieux parfumeur marseillais "Lorenzy Palanca"), à deux immeubles de l'endroit d'où nous sommes partis. Du coup, avec le recul, on découvre l'établissement qui avait fait la notoriété de cette modeste venelle, bien avant que n'y débouche le Passage de l'Étoile : le cinéma "Marivaux" !

Où ça ? Juste en face de nous à gauche (agrandissez la photo), on voit encore l'enseigne verticale rouge d'où les lettres ont disparu. Le cinéma faisait l'angle de la rue du Coq (le n° 5) et de la rue Perrégaux, la voie encore plus riquiqui (seulement 4 numéros) qui part tout de suite à gauche, pour aboutir rue de Tanger. Vous la voyez ? (en tout cas, vous pouvez la voir sur le plan). En 1938, semble-t-il, le Marivaux s'appelait Le Rio, et l'adresse qu'on en donnait dans les guides était celle de la rue Perrégaux.

Le cinéma "Marivaux" est évoqué par Jean-Paul Follacci, dans ses "Petits textes d'ethnologie Gautieraine"... Allez-y vite (en cliquant), c'est "Taper cao", le huitième des textes.


Annonce tirée de l'annuaire des Postes 1954.


À noter que de nombreux Algérois amoureux de cinéma connaissaient le Marivaux pour d'autres films que les films d'action ou les mélos qu'il s'y projetait bien souvent. Les cinéphiles adhérents du "Ciné-Club d'Alger" en 1954, 55, 56, savaient trouver son chemin pour y voir d'excellents films. C'était en général le dimanche matin vers 9 heures, à un moment où ça ne risquait pas de mordre sur les séances du public habituel. Se reporter à la rubrique "nos ciné-clubs" pour davantage d'informations...


Paru dans l'Écho d'Alger du 29 janvier 1954


Le Marivaux, dans les annonces de la page "spectacles" des quotidiens, présentait souvent, dans un même pavé, le même film que les cinémas Marignan et Roxy. Parfois, c'était avec ces deux derniers plus Le Français. Tous faisaient partie du même groupe de salles, "Isly Films", qui plus tard créera le cinéma "Versailles" et reprendra le "Vendôme" (voir aux noms de ces cinémas). Mais les cinémas Colisée, Vox, Plaza, Studio, Lynx, Ritz, Triomphe, Mondial, ou même le Studio Aletti, dépendirent du même circuit de salles qui les avait "en programmation", et au gré des semaines, le Marivaux a pu présenter un même film avec les unes ou les autres de ces salles. Parfois aussi (car le Marivaux n'était pas une salle médiocre), il y était proposé des exclusivités :


Paru dans l'Écho d'Alger du 22 janvier 1958


Autre lieu connu de cette rue du Coq : l'hôtel dont on aperçoit l'enseigne à droite : au n° 10 de la rue. Il y avait déjà un hôtel ici, à ce numéro, en 1922. C'était l'hôtel Bugeaud de Paul Gomis. Ensuite, on n'en trouve plus trace dans les annuaires de 1954 ni de 1961. Tout juste en 54, était domiciliée, toujours au n° 10, une Madame veuve Joséphine Connel, "hôtelière" (tél; 493.52). L'hôtel avait-il disparu, ou était-il trop humble pour avoir eu même le téléphone ? (on a vu le cas pour des restaurants, même connus, cela aurait pu aussi être le cas pour un hôtel meublé, non ?).

Outre la "Brasserie de l'étoile", dans le passage, la rue comptait deux bars : le "Bar Tabarin", de Jean Pons (tél; 84.54), au n° 10 aussi, et le "Bar Montmartre", qui faisait restaurant (tél; 469.69), et qui était au n° 1, donc tout de suite à gauche, avant la rue Perrégaux. Au n° 5, le cabinet "Bensaïd et Naman" (et inversement) avait son "Agence Isly" (ils étaient agents immobiliers). Au n° 5 aussi, la bijouterie de Raphaël et Francis Banuls (1954 tél 330.13).

Voilà, m'sieurs dames, le circuit est fini, n'oubliez pas le guide...


P.S. : à 57 ans de distance, on fait part à notre concitoyenne et voisine, Juliette Gervais, de notre compassion pour le "délestage" de son portefeuille et des 30.000 francs qui s'y trouvaient, dont elle a été victime au bastion XV. Pareil pour Louise Torchause et Maurice Cally. Si on voit passer un cycliste avec un bracelet en or, on appelle police-secours.




Pour finir, histoire de retourner Passage de l'Étoile,
voici le menu que vous proposait la "Brasserie de l'Étoile" le 15 octobre 1949,
3 jours après cette inauguration... C'était dans l'Écho d'Alger, à la rubrique "De tout un peu".
Non, vous n'avez pas le fromage ni le café, et le vin est en sus.
Pour 150 Frs, faut pas rêver !
Notez la bijouterie P. Banuls, rue de Constantine, parent des Banuls, bijoutiers rue du Coq ?





Guettez le passage de l'Étoile,

qu'elle soit votre bonne étoile pour toute l'année 2007 !




La très belle image ci-dessus est de l'artiste James Christensen.
Vous pouvez en apprendre davantage sur lui, et vous procurer ses oeuvres en allant à:
http://swoyersart.com/james_christensen/files/christensen.htm