LE COIN DES ZOUZOUS


QUAND LES ZOUAVES FAISAIENT LES ZOUAVES ...
AU MEXIQUE, CARAMBA !



Par le G.D.L.L.D.B.



À REMY, POUR CETTE GRANDE PASSION DES PETITS SOLDATS...



   Le premier Zouave à avoir débarqué sur la terre mexicaine, ce fut le 9 janvier 1862. Il était que modérément content... De toute cette longue traversée, il n'avait souffert qu'une seule fois du mal de mer... Ça lui avait pris le 17 novembre, date de l'embarquement à Oran, et normalement ça devrait le lâcher aujourd'hui, si cette terre sur laquelle il venait de poser le pied voulait bien cesser de tanguer. Il avait passé Noël à bord, et aussi le jour de l'An, puisque son bataillon, le 2ème du 2ème régiment de Zouaves (la première des unités de Zouaves à se trouver engagées là-bas) s'était embarqué sur le Masséna voilà plus de 7 semaines... Il a pas franchement de souvenir des repas de fête servis sur le bateau... Ou plutôt, un souvenir... très passager.

   Ce Zouave, dont on ne saura jamais ni le nom ni rien, sera t-il du voyage de retour de sa brigade, en mars 1865, après 3 ans de traquenards tendus, d'embuscades subies, de fièvres, d'une vie quotidienne plus que pénible, et de combats furieux ("ces latinos, quelle fougue, quel acharnement ! Quelle cruauté ! Presque pires que nous", qu'il se dit) ? Les Zouzous allaient laisser au Mexique pas mal de croix de bois. Pas seulement ceux du 2ème zouaves (basé à Oran), mais aussi ceux du 1er (d'Alger) et ceux du 3ème (de Constantine) qui allaient rejoindre les premiers, avec le gros des effectifs français, en septembre 1862. (1)

   Mais qu'est-ce qu'on était venu faire dans cette galère ? Au début, il s'agissait juste d'intervenir dans un Mexique en plein désordre pour protéger les intérêts des 3 pays signataires de la "Convention de Londres" : l'Espagne, la Grande-Bretagne et la France. Mais les deux premiers se sont désengagés très vite (pas folles, les guêpes !), et Napoléon III s'est retrouvé tout seul, vu qu'il voulait installer au Mexique un pouvoir fort capable de faire barrage à la pénétration yankee en Amérique Latine. Il avait des lubies, comme ça, souvenez-vous de son "Grand Royaume arabe"...



Oui, ça rigolait pas...

   Les Français prennent Puebla le 17 mai 1863, puis, sans combat, ils entrent dans Mexico le 10 juin.

   C'est comme ça que notre Zouzou s'est retrouvé dans la capitale, quand le Parlement "croupion" à la solde des Français offre le trône impérial à Maximilien de Habsbourg, que ce jour-là, le povre, il aurait mieux fait de rester couché.

   Après bien des péripéties qu'Es'mma ne va pas vous raconter parce que vous trouverez tout ça très bien esspliqué ailleurs sur Internet, les Français rembarquent à Vera-Cruz. Toutes les troupes françaises, mais en particulier : les effectifs du 1er régiment de Zouaves le 25 février 1867, et ceux du 3ème le 27 février. Si vous avez un peu suivi ce qui précède, vous vous rappelez que ceux du 2ème étaient déjà repartis dès 1865.

   Le fait d'armes le plus marquant de cette campagne de 5 ans aura été une défaite, celle de Camerone, qui a permis à la Légion Etrangère de se bâtir une mahousse légende. Nous on veut pas critiquer, mais les Zouaves, eux, avaient remporté pendant la même campagne pas mal de victoires, ils avaient même réussi, eux aussi, à perdre quelques batailles, mais ça, rien du tout, les peignées des Zouaves, personne n'en parle... Çà n'intéresse personne... Tandis que la Légion... On n'est pas envieux, juste on dira que tout le monde y peut pas avoir une main en bois articulé... Suivez mon regard...

   Maximilien ("Oui, l'Empereur du Mexique", celui-là même qu'il aurait mieux fait de rester couché...), la France, dans un sympathique mouvement de solidarité et de reconnaissance qu'elle devait par la suite instaurer en tradition, elle va le laisser tomber. Et ce qui devait arriver arriva... Ça vous le savez, c'est plein de tableaux qui représentent quand les Juaristes l'ont fusillé, en particulier la peinture de Manet. Ce jour-là, il devait y avoir plus de chevalets en face des condamnés à mort que de soldats dans le peloton d'exécution. À l'époque, pour le choc des images, on avait les paparazi du pinceau...



   Mais venons-en à ce qui motive cet écran : j'ai acheté récemment les deux gravures ci-dessous, qui nous donnent des vues un peu inattendues des activités de nos Zouzous durant cette campagne du Mexique.

   Sur la première, nous explique sa légende, "des Zouaves, costumés en voyageurs mexicains, sont attaqués par une bande de malfaiteurs et les détruisent."



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   Donc, ici comme ailleurs, les Zouaves se livraient à des opérations de police, destinées à assurer le calme et la sécurité dans les territoires conquis. La Paix Française, quoi... Grâce à eux, les voyageurs mexicains pouvaient dormir sur leurs deux oreilles (ce qui aurait sous-entendu que les coussins des diligences du cru étaient particulièrement moëlleux, ce dont on peut douter). Les routes étaient sûres. Un seul problème : on ne trouvait plus de place dans les diligences, bourrées qu'elles étaient de Zouaves déguisés en "péones". Mais, bon, les routes étant sécurisées, les voleurs de grand chemin pouvaient se reconvertir et en profiter pour attaquer les villages entre les routes (il y en a davantage qu'on croit).

   La seconde, regardez-la bien : vous verrez pas ça souvent. Eh oui ! Des Zouaves montés ! Et sur bourricots ! (oui, oui, je sais, c'est des mulets, mais comme un mulet c'est pas autre chose que la moitié d'un bourricot, si ça vous ennuie pas, je vais continuer à les appeler ainsi, comme çà, je reste en pays de connaissance). Seul l'officier est sur un cheval. Evidemment, ami(e) Es'mmaien(ne), une inquiétude te vient immédiatement à l'esprit, un doute affreux t'envahit : et si le trompette sonne la charge, si le bel officier brandit son sabre et crie "en avant !", et que son cheval y part au quart de tour ? Les bourricots, nous les anciens des écuries Bresson, on sait ce que c'est... Ça fait ce que ça veut, et même s'ils suivaient le mouvement, ça serait à leur pas de bourricot. L'officier, il va se retrouver au milieu des mexicains en deux temps trois mouvements (de sabots), tandiss' que les autres y auront à peine démarré, et encore heureux qu'y soient pas partis en marche arrière ! Avec cette bonne idée, on risque de perdre beaucoup d'officiers et peu de bourricots...



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   Heureusement... Heureusement, la réalité était différente. Pour attaquer, les Zouaves DESCENDAIENT DE MULET, les bêtes n'étaient là que pour les amener à pied d'oeuvre sans qu'ils se fatiguassent trop. D'ailleurs on voit bien l'un des Zouaves, muni d'un fouet et suivi de deux bourricots sans cavaliers (on les voit, les deux Zouzous à pied, s'avançant en éclaireurs). C'est lui qui va garder les montures pendant que les copains vont attaquer. Des Zouaves encore frais pour surprendre des guerilleros qui ne s'y attendent pas. C'est une initiative du commandant en chef, elle date du 22 septembre 1864, elle institue les troupes bourricot-portées, ancêtres, en quelque sorte, des troupes aéroportées. C'est 80 bonshommes, une compagnie du 3ème Zouaves, qui vont s'y coller les premiers (les autres, rigolez pas, votre tour reste à venir !). L'Histoire rapporte un très beau succès de cette compagnie à l'Hacienda de l'Artillero le 19 octobre 1865.

   Devant ce succès, le 1er régiment de Zouaves, ne pouvait pas être en reste, et à son tour, il organise une de ses unités en compagnie montée ("on va leur montrer, à ceux du 3ème, tiens, non mais !"). On cite, pareil, un beau succès des "Bourricots Boys" du 1er à la Noria de Custodio le 8 août 1865.

   À noter sur la gravure une légère erreur : le trompette attaché au capitaine devrait, lui aussi, selon le règlement, être à cheval. Ce qui confirme bien qu'on se méfiait en haut lieu de la discipline hasardeuse des bourricots : un trompette qui sonne la charge sur une monture qui recule, ça la fait pas.

   Voilà, on espère que ces histoires d'ânes débâtés vous auront intéressés, surtout si, chers Algérois, vous avez eu un ancêtre qui fut Zouave au 1er régiment et qui a fait la campagne du Mexique, et dont vous vous êtes toujours demandé ce qu'il pouvait bien faire sur cette vieille photo, monté sur un bourricot qui n'était pas, d'évidence, un de ceux du square Bresson.


Le G.D.L.L.D.B.




(1) Ordre de bataille de l'armée française du Mexique en juin 1864 :

http://www.military-photos.com/mexique.htm

Une fois sur cet écran, on en profitera pour cliquer et aller admirer quelques trombines d'officiers de Zouaves s'étant fait tirer le portrait durant leur séjour au Mexique. http://www.military-photos.com est un très beau site, d'une documentation exceptionnelle, tenu par un grand passionné, et on vous engage à le visiter.


Quelques livres sur la campagne du Mexique et les Zouaves qui vont avec :

"Lettres du Mexique. Itinéraires du Zouave Augustin-Louis Frélaut 1862-1867", par Manuel Charpy et Claire Fredj.
Collection Lettres ouvertes Histoire, Nicolas Philippe.
"Très belle étude à partir de la correspondance très suivie d'un capitaine du 1er Zouaves engagé qui fait toute la campagne du Mexique".


Le Trésor fantôme

"Au même titre que la cupidité des hommes, les histoires de trésors sont universelles et ne connaissent pas de frontière. Nous sommes en 1862 au Mexique et la guerre civile fait rage. En pleine intervention française, alors que les républicains et les impériaux s'opposent pour la victoire, une poignée d'aventuriers tentent leur chance pour retrouver un fabuleux trésor.


Tout d'abord roman historique qui décrit l'errance du président Benito Juarez, en fuite à travers son pays, ou l'épopée de Maximilien de Habsbourg, Le Trésor fantôme est aussi un véritable roman d'aventures qui nous présente les destins entrecroisés de personnages truculents : militaire poète, curé goinfre, Apache épris d'indépendance... Passé maître dans les récits à plusieurs voix, l'auteur entremêle avec une minutie de bibliothécaire les vies rêvées de ses personnages de fiction et les destins de personnages historiques. Peu à peu, dans ce Mexique aussi brûlant que bruyant, le talent de Paco Ignacio Taibo est de nous faire oublier qu'il existe une frontière entre la fiction et la réalité historique." (Hector Chavez)


Présentation de l'éditeur
"En pleine intervention française au Mexique, entre 1862 et 1867, alors que la guerre civile fait rage entre les "chicanos", les combattants républicains, et les "impériaux", des aventuriers de tous bords et de toutes conditions partent chacun de leur côté à la recherche d'un fabuleux trésor. Roman historique qui retrace la désastreuse épopée de Maximilien de Habsbourg et la résistance de Benito Juarez, le "président errant" contraint à une fuite éperdue à travers son propre pays, Le Trésor fantôme est aussi un formidable roman d'aventures. Y éclate une fois de plus le talent de Paco Taibo pour tisser la toile d'un récit haletant à partir d'histoires croisées et pour dresser une galerie de portraits mémorables : généraux poètes, tortionnaires sans scrupules, têtes brûlées sentimentales, zouaves égarés, curés boulimiques, Apaches solitaires, personnages réels (Edouard Manet, Guillermo Prieto - le chroniqueur de la résistance mexicaine) et peones anonymes.
Cette fresque, entre légende et histoire, a remporté le prix Planeta en 1992. (Ce texte fait référence à l'édition Poche)."