Le PCB
Tchâo Gautier, Bugeaud et autres bahuts ! Maintenant,
on est des Grands (1). Avec le bac, on peut traverser la rue
Michelet et se faire inscrire
à la fac et à l’Otomatic si on a les moyens. PCB, ce n’est pas
encore Médecine mais c’est une bonne mise en condition. Nous sommes
400 dans l’Amphi C. Nous ne serons que 80 en première année. Alors
ce n’est pas le moment de rigoler. D’ailleurs, dès que tu as vu
BERLANDE, tu n’as plus envie de rigoler. BERLANDE (2), c’est le professeur de
chimie tout droit sorti du 19ième siècle, entre Pasteur et Tournesol
avec ses grosses lunettes et ses petits tubes à essais
(3).
Il
arrive, fait son topo puis s'en va discrètement (4) mais
personne ne peut l'oublier. Ensuite, c'est DURCHON, le
professeur de biologie animale (5), le chéri de ces
demoiselles, plutôt genre Cary Grant, déclamant et illustrant ses
cours de façon remarquable. Elles, c'est sûr n'ont pas dû l'oublier.
Et puis PERROT (6), professeur de physique et QUEZEL (7), professeur
de biologie végétale, très sympas, ont contribué efficacement à
notre passage en médecine, pharmacie ou chirurgie dentaire.
Après, ce sera une autre histoire : pour arriver à nos fins, il nous
faudra franchir le pont de KEHL.
Le pont de KEHL
KEHL, ce n'est pas le pont qui franchit le Rhin
juste après Strasbourg. Notre KEHL, c’est le professeur d'histologie
et d'embryologie, celui qui a le plus marqué pendant la durée
de nos études préparatoires. KEHL (8), c’est le monarque absolu, le
passage obligé après le PCB, passage de 2 ans d'études
fondamentales avant de rejoindre si possible le paradis des études
cliniques. Une terreur ! Ceux qui voulaient l'éviter partaient faire
ces 2 années en métropole puis revenaient parfois ou
disparaissaient. Ce potentat de légende ne quittait jamais son labo
ni sa maman disait-on (9)... Il fallait assister à tous ses cours
sous peine d'exclusion et "Moustache", son garçon de salle faisait
la "mata"du haut de la galerie ou du vasistas et ça c'est bien vrai.
Le patron a même viré deux de ses chargés de cours qui étaient
partis se promener du côté du forum un certain 13 Mai.
Il
était comme cela : le boulot avant tout ! Et personne n'aurait osé
lui tenir tête, même pas DE RIBET (10). On baissait la tête et on
copiait ses cours sans broncher car son appareil auditif ne
supportait pas le moindre murmure (11). Ses cours par contre
étaient d'une qualité exceptionnelle. Heureusement, pour
décompresser, on avait parfois ses maîtres de conférences (12) qui
étaient beaucoup plus sympas (Girod et Cohen Solal).
René Marcel de RIBET
Professeur d'anatomie, neuroanatomiste mondialement
connu, R.-M. de Ribet (13) a formé des générations de carabins
qui lui doivent beaucoup. Son enseignement extraordinaire était basé
sur la dissection et sur la représentation graphique. Et tous les
jours de 13h30 à 15h, on taillait (14), on découpait (15) et on se
parfumait au formol. Après, on avait des cours jusqu'à 19h et quand
on sortait de cette galère, on allait faire un tour rue Michelet. On
était reconnus tout de suite rien qu'à l'odeur. Alors adieu la
drague... Et lui le
Patron rien qu'il se marrait ! " Petit, viens un peu au tableau me
dessiner le grand supinateur. Mais t'y as rien compris mon ami
! Bardasi ! (il appelait son garçon de salle qui en avait l'habitude
et qui ne bougeait pas), Bardasi ! Ouvre la fenêtre, j'ai trop chaud
! Bardasi ! Je m'endors, apporte-moi le café !" Ou bien alors : "
Jean Christian (Michel) ! Même pas tu as acheté mon livre ! Moi,
j’ai bien acheté ton disque etc...". Un vrai bonheur ! On ne peut
l'oublier. D'ailleurs, une salle de chirurgie de l'hôpital
Saint-Roch à Nice porte son nom mais certainement pas pour ce que je
viens d'évoquer.
Laissez KEHL
Après
ces années de galère, le reste c'était du gâteau. On était
pratiquement sûrs d'aller au bout du parcours. Les profs étaient
sympas, la plupart cliniciens et on les retrouvait le matin dans
leurs services à l'hôpital (16). C'était nettement plus
cool. Ici c'est VERGOZ, célèbre professeur de
chirurgie très proche de ses élèves, n’hésitant pas à prendre
son temps pour leur expliquer sur le terrain la façon de mener un
bon examen clinique. Afin d'éliminer "les séquelles" des 2 années
passées, nous avions organisé une fiesta qui se devait inoubliable.
René RIVIèRE avait
obtenu une salle de réunion à l'Amirauté. ZERDAB avait fait livrer
un superbe couscous made in Casbah. On avait mis au point un sketch
intitulé "Laissez KEHL", agrémenté de ces quelques caricatures sous
forme de diapositives projetées (17). Après 45 années elles
ont perdu de leur fraîcheur, comme nous d'ailleurs, mais pour ceux
qui comme moi ont franchi le pont de KEHL et ont su en éliminer les
séquelles tout en conservant le meilleur, elles rappelleront
j'espère les bons moments que nous avons vécus ensemble (18), dans
cette grande FAC d'ALGER qui a fait de nous les toubibs que nous
sommes devenus
(19).

1957
Jean-Pierre MULTEDO
Mars
2005
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