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Nos commerces
LES ÉDITIONS HATIER À ALGER, 1948-1962
Rue Tirman,
puis 11, rue Denfert Rochereau
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École Clauzel, 1955-1956
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Au tableau d'honneur de ma mémoire, quelques uns des livres vendus par mon père en ce temps-là...
... et que vous avez pu apercevoir, chers Es'mmaïens, il y a si longtemps, dans les vitrines de ses magasins.
par Gérald Dupeyrot
L'un de mes tout premiers livres : "Les Chaminou à la Campagne", dessins de GIL, édité par Mame, ©1943.
"Quatre pas dans les Champs", Hatier 1951, de Arsène Vié, illustré par A.Dunoyer. Un trait naïf et léger, inoubliable... Il était destiné au cours préparatoire et au cours élémentaire. Je ne l'eus pas au nombre de mes livres de classe, mais vers mes 6 ans, qu'est ce que j'ai aimé ce bouquin !
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Dessin de Jacques Ferrand
pour les Fables de La Fontaine
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"Fables de la Fontaine", somptueusement mises en images par Jacques Ferrand. Il était l'un des plus talentueux et singuliers illustrateurs de ces années-là. Son trait était stylisé, épuré, et ses mises en pages recherchées, acrobatiques, élégantes comme celles de menus de Transatlantiques (voyez ci-dessous). Mais qui se souvient encore de Jacques Ferrand ? Et des grands paquebots ? Le style de leurs aménagements s'appelait "Normandie". Les Fables furent publiées en 1950 aux éditions Mame, comme plusieurs autres livres qu'illustra Ferrand, mais "mes" Fables sont les plus belles. Vraisemblablement, elles m'échurent en cadeau de Noël, je devais avoir autour de cinq ans.
Les deux pages ci-dessous sont bien représentatives du style Ferrand. Le lièvre et les grenouilles à gauche, également tirés des "Fables", sont là pour rappeler que Jacques Ferrand fut aussi un as des "culs-de-lampe", "fleurons", vignettes et autres petites illustrations très schématiques. Pour ce talent, des éditeurs eurent régulièment recours à lui dans les années 50. Ce fut le cas pour deux guides "Frigidaire" ("La Cuisine au fil des Saisons" et "La Cuisine au fil des Mois"). Ils étaient remis gracieusement à l'achat de tout frigo, et du coup, beaucoup d'entre nous ont dû les connaître. Souvenez-vous, les magasins de vente "Frigidaire" à Alger étaient au 24 et au 88 rue Michelet ! (en 1954 et en 1961)
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À partir du milieu des années 50, Papa les mettait fièrement en évidence dans ses vitrines : de grands et beaux albums de contes Hatier, dont ces "Contes de diamant", de Alice Coléno, illustrés par Françoise Bertier, parus en août 1956.
De cette même collection de livres de contes aux noms de substances précieuses, en voici ci-dessous deux autres : "Contes de Vermeil", textes de Marc Blancpain, illustrations également de Françoise Bertier, et "Contes de Saphir".
La collection comptera une dizaine de titres, parus entre 1955 et 1963 : Émeraude, Rubis, Ivoire, Diamant, Saphir, Vermeil, Cristal... Sous leur couverture grand format pelliculée, ils avaient vraiment belle allure !
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"La lecture liée au langage", de Abbad, L.P. Renaud, et B. Aïtouyahia. Destiné à l'apprentissage du Français au cours préparatoire.
(document : Bibliothèque Nationale)

Dictionnaire nain "Poucet", une spécialité de miniature (4x6 cm, épais de 2), signée Hatier. Une antisèche idéale et, il faut bien le dire, un irrésistible appel à pomper (avec sa couleur rubis de tentation méphisto-phélique)... Un jour, un carton de ces dictionnaires s'éventra par accident, et ce furent, dans les allées du dépôt, des centaines de cristaux grenats, comme semés par un Petit Poucet fou.
À la même époque, les éditions Larousse commercialisaient de semblables mini-dicos sous la marque "Liliput". Quelques années plus tard parut le dessin de Wolinski accompagné d'un calembour vaseux sur ce nom de Liliput, je ne sais si celà compromit le sérieux de leur entreprise.

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"Mick et la P.105", de M.-A. Baudouy (© 1959 Éditions de l'Amitié-G.T.Rageot et Librairie Hatier -Photo © B.C. Delefosse. À l'intérieur, de plaisantes illustrations de B. Ducourant. Problablement Bernard Ducourant, alors à ses débuts).
Un livre qui tombait bien ! Les dimanches, c'était souvent le pique-nique en famille au "Bois des Cars", et nous assistions avec passion aux embardées des motos pour lesquelles, à la toute fin des années cinquante, avaient été tracées des pistes de "moto-cross". Avec "L'étang perdu", et "L'appel du Tour", ce furent je crois les trois premiers titres que je lus de cette collection (la "Bibliothèque de l'Amitié-G.Tatiana Rageot" qui, en octobre 1959, succéda à la collection "Heures Joyeuses"). Bien d'autres titres parurent. En ce début de XXIème siècle la collection est toujours prospère sous le nom de "Cascades".
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Livre de Sciences Naturelles pour cours moyen 1ère et 2ème année (1956). Composition de couverture de F.Boudault. À l'intérieur, les gracieuses représentations des ressortissants du règne animal sont signées d'un élégant monogramme à la Dürer, entrelaçant un B et un D. Bernard Durin déjà ? Non, le fameux illustrateur et graveur n'avait que seize ans en 1956...
Je trouvais ce livre de Sces-Nat' autrement plus beau que celui que nous devions nous faner à Clauzel.
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Cahier de carto-graphie : je ne suis pas sûr que ce cahier de chez Hatier était celui sur lequel nous faisait travailler M. Di Crescenzo en CM2 à l'école Clauzel. D'autres éditeurs en proposaient de semblables. Mais je me souviens de ces fins de dimanche, retour du bois ou de la plage, où mon père, avec son application, sa tendresse et son gentil talent m'aidait à faire de très artistiques cartes. J'ai encore dans le nez l'odeur à la fois fraîche et piquante de l'encre de chine, de marque Yang-Tse de chez "Paillard" ! Quant à vous, si vous ne savez pas en deux temps trois mouvements dessiner la carte de votre propre pays, il est temps de vous y mettre avec le canevas à gauche ! On dit merci Es'mma, merci Hatier !
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Voici des livres que j'ai longtemps cherchés... et fini par trouver en avril 2004 : la série des "Valériane", petits livres (format 15,5x14 cm), aux pages cartonnées, reliés par un ruban de couleur. Valériane, la petite fille aux yeux bleus et aux nattes brunes, et le Chat Tigré étaient les héros de cette collection, que mon père eut à la vente à la toute fin des années 50. Je ne les lisais pas (plus de mon âge !), mais ils m'évoquent papa, qui mettait tant de soin à leur promotion !
Chaque livre, illustré par Ariane Chatel sur un texte de Madeleine Grize, était numéroté, ou plutôt "lettré" : a, b, c, d, etc...
Le "g", celui que j'ai retrouvé, c'était "Valériane et le prestigiditateur" (Hatier, 3ème trimestre 1959).
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Depuis ma recherche de 2004, j'ai découvert un site japonais qui propose cet écran très bien illustré sur Valeriane.
De même que ce site finlandais (d'un pays où les aventures de Valeriane furent également publiées, elle s'y appelait Valeria).
Le disque 45 Tours des chansons de Valeriane, avec la voix de Colette Dereal
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"Classiques pour tous", dits aussi "Petits Classiques Hatier". Ils étaient curieusement parmi les grands classiques de cet éditeur. Dans le magasin de mon père, c'était des mètres et des mètres d'étagères qu'ils occupaient, avec leur austères et vieillotes couvertures à l'impression monochrome bistre, ou violette comme une encre de porte-plume. Des centaines de titres parurent, et pas seulement des classiques, mais aussi des oeuvres rares ou difficiles. A un prix très modique.
"Connais-tu mon pays" était une sympathique collection. À chaque livre, on se rendait chez un enfant d'un pays ou d'un autre (ci-dessus Donald, l'Écossais), et il nous faisait visiter son pays. À voir : plein de couvertures sur deux des écrans du site "le grenier de l'école" : ici et ici.
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"Au Pays du Niamou" fut l'un des titres de la collection "Éditions Contemporaines, rebaptisée en 1952 "Collection Hommes et Bêtes" (ci-dessus avec sa jaquette caractéristique : photo noire barrée d'un bandeau jaune). 
C'est une collection que l'éditeur Boivin (puis "Hatier-Boivin", après l'absorption en 1952 de Boivin par Hatier) consacrait à des récits d'exploration de la Terre.
En ces temps de colonialisme encore triomphant, les récits étaient parfois d'une pseudo-ethnographie assez délirante, comme ce "Pays du Niamou" ("aux confins du Libéria", daté de fin 1951).
En dépit de son texte discutable, ce bouquin n'en présentait pas moins un attrait considérable, d'un intérêt ethnologique essentiel : celui d'être illustré de photos de jeunes beautés N'Guérés dans leur plus simple appareil. Elles eurent le mérite de compléter efficacement mes leçons de catéchisme, en me faisant définitivement considérer toutes les humaines, sans distinction de couleur, comme mes prochaines.
Ci-dessus à droite : la page consacrée à la collection "Hommes et Bêtes" dans le catalogue Hatier. Cliquez pour agrandir.
Ce "Monde Contemporain", livre d'Histoire pour classes terminales, je le lus quelques années plus tôt que ne le prévoit sa posologie. Je devais être en troisième à Gautier quand je m'y plongeai avec beaucoup de sérieux. En ces temps terribles que nous vivions, il me donna un peu prématurément les bases de mes réflexions sur la politique et les grandes forces qui animaient et structuraient le Monde. J'avais déjà le goût de Histoire, ce "Monde contemporain" fut le lieu très précis où pour moi se rejoignirent la grande Histoire, mon histoire personnelle, celle que nous vivions alors ensemble. C'est dire l'importance qu'eut pour moi ce livre !
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"Cosmographie" (1948), un livre que je n'ai pas retrouvé, et pourtant ! Comme il a compté ! Malgré sa couverture brochée grisâtre et son austère sobriété, il fut le bouquin qui sûrement me fit rêver le plus... Plus que les petites N'Guérés ? Pas pareil... L'auteur, André Danjon, était un grand astronome qui savait parler de sa passion. Et les quelques méchantes photos en noir et blanc qui illustraient le volume suffisaient à aspirer l'esprit dans des orbites vertigineuses et les constellations lointaines.
Enfant, j'eus 100 vocations, et ce livre me donna celle de cosmonaute. Avec des camarades, nous fondâmes un club dont l'objet était la conquête spatiale. Carrément. Je ne sais plus quel nom nous lui donnâmes. Sûrement quelque chose de follement intrépide (c'était d'ailleurs dans le journal de B.D. portant ce titre, "l'Intrépide", que nous trouvions, depuis le 20 octobre 1955, une rubrique spéciale de suggestions pour créer et faire vivre un club).
Nos plans de fusées et de bases lunaires, tracés en tirant la langue sur de grandes feuilles de papier à dessin Canson, format raisin, qu'est-ce qu'ils étaient bien ! Ils étaient très influencés, je dois dire, par le beau livre de Coggins (le dessinateur) et Pratt "Première croisière sur la lune" (imprimé chez Mame à l'automne 1953), davantage que par le quasi contemporain "On a marché sur la Lune" d'Hergé. Nous décalquions les beaux dessins de Coggins avec force papier calque ! Les aventures sidérales du trio du magazine "Meteor" (le n°1 est paru en mai 1953) avaient aussi alimenté abondamment notre inventivité.
Quand en 1957 les Russes envoyèrent un chien dans l'espace, nous nous dîmes qu'ils nous avaient pris de vitesse ! Les carottes étaient cuites (et Leïka aussi, la povre !). Nous fûmes beaux joueurs. Nous nous effaçâmes avec discrétion. Le film "le Monde du silence", venait d'obtenir la Palme d'Or au Festival de Cannes en 1956. Nous changeâmes le nom du club en "Jacques-Yves Cousteau", et sous cet illustre patronage, nous nous penchâmes sur l'exploration des fonds sous-marins.
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Et il y eut encore beaucoup, beaucoup, beaucoup d'autres titres dans les magasins de mon père...
Oui, il est vrai, comme pour un certain nombre d'images de notre site, que je ne me suis pas livré au travail de fourmi-détective qui aurait consisté à rechercher et à retrouver les auteurs - dessinateurs et photographes - des images ci-dessus, ou leurs ayant-droits, afin d'obtenir leur accord pour que nous les publiions. Encore que j'aie passé beaucoup de temps à chercher des informations sur certains, comme Ferrand, Dimpre, Kozminski, pour ne citer qu'eux. L'oubli qui les a engloutis me parait une injustice et une insulte à l'admiration que leur porta le petit garçon que je fus, et à la reconnaissance que depuis je leur voue. Certes, ni cette reconnaissance ni, disons-le, l'amour que nous pouvons leur porter, ne nous donnent le droit de passer outre à la loi. Mais nous espérons leur bienveillance et leur accord. Si ces publications les contrariaient, eux ou leurs ayant-droits, qu'ils veuillent bien nous en informer, nous les retirerions aussitôt. Mais qu'ils se souviennent qu'une loi, non-écrite certes, mais pour laquelle plaident le bon sens, la nécessaire pérennité de notre mémoire à tous, et la générosité, voudrait que leurs créations, et leurs créatures, d'une certaine façon appartiennent aussi à ceux pour qui ils les ont créées. Pour nous en souvenir, pour les montrer avec respect, pour dire à ces auteurs, à leurs descendants, et au monde, le bonheur qu'ils surent donner. Donner c'est donner, reprendre... Et puis, sinon, qui se souviendrait encore de leur passage ici-bas ?
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Pour faire les librairies de la rue Michelet dans les années 50
cliquez ici
(ma parole, Es'mma c'est Stargate !)
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