PEPLOUME


"COUILLOUS" LE MAGNIFIQUE

dans
"l'épisode de la règle brisée"

par Jean-Louis Jacquemin

avec l'appoint des souvenirs Bovidiens d'Yvon Borie.







      Je n'ai eu le cher "Couillous" qu'en remplacement (et quelques jours) mais assez pour en garder un souvenir immortel.

      Nous l'avions également affublé du surnom de "Douganous Bovidous" à cause de ces rodomontades dont il était friand quand on l'agaçait et qu'on l'avait quelque peu "toréé" au préalable..

      "Jze suis fort comme un Boeuf !", s'écriait-il, juché sur ses talonnettes, avec un zeste de zézaiement. "Jze suis petit mais jze suis muszclé! Jze pratique tous les ssports... (tu parles !)... Jze fé du Zjudo, de la Gréco-Romaine (rien que ça !), et même du Zjiu-Jzidsu ! (Hou là là !)... Zje vous briszzerai comme cette règle dans mes mains !"...

      Et il attrapait au passage une pauvre règle d'écolier, à quelque sbibeur du 1er rang (une règle sur son pupitre, en Lettres, à Gautier !! Passée la 6ème !!) qu'il cassait net d'un geste rageur et sans appel.

      Yves Emsellem était, certes, un sbibeur du premier rang (il n'a pas intégré X et Mines pour rien !), mais c'était un sbibeur qui avait des "cujus".

      Douganous Bovidous cassa donc sa bonne vieille règle de l'école primaire et il en fut fort marri. Gromelant, il s'acheta donc à Nostre-Dame, où on faisait dans le solide (voire même dans l'Éternel...), une grosse règle carrée en bois dur, belle comme un camion, avec une face rouge soigneusement millimétrée, une face jaune en pouces anglais (inches) et deux autres faces, une noire, une bleue, pour tirer les traits à l'encre et faire bon poids.

      Une vraie règle d'apprenti polytechnicien, d'un centimètre carré de section et de quarante centimètres de long TTC !

      Le sort de cette règle devint pour la classe l'objet de débats passionnés et de pronostics dignes du PMU : cassera ? cassera pas ?
      Cela ne rata pas !

      Couillous piqua sa crise et refit son numéro habituel, mais là, mazette !... La règle était de qualité et Couillous dut s'arc-bouter quelque peu, en serrant les dents. Mais, finalement, elle cassa, à la grande joie de la classe qui l'encourageait en hurlant "Vas-y Dugatz" "Forza Couillous "... et au grand dam d'Yves, qui, rouge de colère, ramassa les moignons piteux de sa règle martyre.

      Au cours suivant, Yves, qui avait dans les yeux des lueurs de vengeance, déploya sournoisement sur sa table avec un calme faussement tranquille, un objet qui semblait échappé du cosmos et qu'il s'était procuré je ne sais où.

      Car ce n'était pas une règle, ce truc là ! C'était quelque chose qui ressemblait au mètre étalon, au bras armé de la Justice!... Une barre d'acier brillante comme un glaive, d'au moins 15 millimètres de section et de 50 bons centimètres de long, qui pesait son demi-kilo.

      Ce zouave de Douganous ne fut pas assez fûté pour voir venir le drame.

      De notre côté, nous fîmes en sorte, très perfidement, de le pousser sans échappatoire possible, vers la crise.
      Ô délices !
      Couillous s'attrapa le Boeuf et la règle à la fois, mais là... Bernique !
      Il avait beau en promettre et, Boeuf ou pas Boeuf, se suspendre apoplectique en ahanant à l'envi, la règle tint bon !... Il finit par la jeter de dépit et elle rebondit plusieurs fois sur le carrelage en sonnant le carillon de sa défaite...

      Je vous laisse à penser les cris et les quolibets !
      Emsellem était content et ses yeux souriaient. Il ramassa sa règle avec comme des envies de l'embrasser.
      "Bovidous" avait la queue basse et le Cujus encore plus bas. À défaut de casser des barres, il cessa, au moins pour un temps, de casser des règles.

      Quant à la classe, elle s'étouffait de rire.


      Epilogue :

      Cet événement eut un prolongement surprenant. Nous n'avions pas été sans noter que la "règle de justice" faisait au sol un carillon plus que sonore. Il devint de bon goût dans la classe, en passant devant le tableau, de la faire tomber par mégarde ... Jusqu'à ce qu'un prof plus teigneux (ou carillophobe que les autres, j'ai oublié lequel), enjoigne au cher Yves de remiser son "ovni " dans son vaste cartable (un vrai cartable de candidat à Polytechnique et à l'École des Mines réunis...).

© J.L. Jacquemin, Nov 2003




Notes

Le cher homme était "restitutionniste" c'est à dire qu'il prétendait rendre au latin sa prononciation d'origine selon laquelle "cujus", par exemple, devait être prononcé "couillous", ce qui entraînait, à son grand dam, le résultat qu'on devine... Cette mode tirait des ricanements plus que perfides du très "classique" Jean-Achille Laherre qui s'en gaussait en cours et notait avec bon sens que ni lui ni personne n'avait jamais entendu parler un romain !
Ceci étant, le fait de taquiner Bovidous sur sa prononciation et de brocarder sans complexe ses "menus" travers n'ôte rien à la compétence de latiniste brillant que nous lui reconnaissions tous.

Il avait, de notoriété publique, déjà plié des règles en alu !

Le cher Yves ne faisait pas grand chose pour l'empêcher de tomber !



À CONSULTER
ÉGALEMENT SUR ES'MMA,


"LE MARIAGE DE DOUGANOUS"

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   Une des plus célèbres photos du MOOOOOnde : à gauche, c'est lui, notre cher Couillous, professeur agrégé de lettres, latiniste éminent et porteur de lunettes noires ; tout à droite, c'est notre ami Albert Altarac, parti depuis se livrer à la traite des cacahuettes dans les neiges du Canada. Entre eux deux, on ne sait plus qui c'était... Et tout autour d'eux ...
   Vite, agrandissez la photo, vous découvrirez un crime collectif et quasi unanime de lèse-Douganous, Bovidous et Couillous réunis !



Yves Emsellem
quand il était en Seconde A' à Gautier,
année scolaire 1952-53