Choski-Beyssade : le match du lundi
Quelle génération de « Gautiérains » ordinaires a pu échapper, entre 6e et terminale, à la renommée écrasante de ces « supercracks › élevés au grain des 17-19/20, des félicitations et des prix d'excellence, avant l'inévitable mention « T.B. » au bac. Et, ensuite, le train d'enfer des prépas de Bugeaud ou de quelque lycée d'élite parisien ?
Vous n'aurez pas à fouiller longtemps dans votre mémoire pour retrouver un ou plusieurs de ceux dont la supériorité en toutes matières était telle que les profs se tiraient la bourre comme des sergents recruteurs pour les attirer dans les filières universitaires de leurs spécialités respectives.
Chacun de nous peut citer plusieurs noms. Mais s'il fallait n'en retenir qu'un, ce serait pour beaucoup Jean-Marie Beyssade, disparu en 2016 et intégré par Gérald à notre «Mémorial Myosotis» (cliquez pour s'y rendre), pour son parcours universitaire exceptionnel via Normale Sup et le record de « plus jeune agrégé de France de tous les temps » (21 ans), ravi à un ancien nommé… Jacques Soustelle.
J'ai partagé avec lui, mais en rase-mottes, l'année de philo 51-52, dans une classe de 56 élèves qui fait toujours mentir les idées reçues sur l'inverse proportionnalité des succès par rapport à l'effectif. Trois autres condisciples, en effet, devaient accompagner le phénomène Beyssade rue d'Ulm et plus de la moitié de la classe se répartir un pactole d'agrégations, de doctorats d'état et de grandes écoles (1). En rejoignant la classe de Choski à 16 ans, le cador marquait déjà son futur territoire, la philosophie, jetant dans les regrets éternels les Masse, « Canasson », Bizos, Bérenguer, Mozziconnacci, Bringuier, « P'tit Sac » et autres matheux-scientifiques qui le voyaient sous le bicorne de Polytechnique et - pourquoi pas - « nobélisé » ou médaillé Fields (2) dans un avenir idéal…
L'impérial Choski (cliquez pour sa notice) n'était pas peu fier d'avoir dans son élevage un surdoué qui se révélait, non solum son meilleur élève depuis toujours, sed etiam presque son égal, quand il soutenait sans faillir un point de vue personnel et, parfois, poliment contradictoire sur tel ou tel grand philosophe. Il faut dire que le clan des «seconds-choix» ricaneurs (dont j'ai fait partie) observait ces joutes avec amusement, voire jubilation, quand l'élève paraissait prendre un avantage sur le maître. Ce dernier, toujours beau joueur, lui en donnait acte volontiers, non sans se ménager de petites revanches hors philosophie. Dans le sport, par exemple, où le gentil Jean-Marie, de constitution modeste, traînait en queue de peloton du point de vue de la pratique comme de celui des commentaires du lundi.
- Qu'avez-vous fait de votre dimanche, mon jeune ami ?
- Heu… J'ai relu certaines pages de la « Raison pure », Monsieur, dont je n'avais pas encore pénétré tout le sens…
- KANT ! un dimanche de mai ! Quoi ? Vous n'êtes pas allé au stade !
- Heuh, beu… (balbutiements inaudibles)
- Mais il FAUT aller au stade ! La geste du football est le meilleur calmant de l'hyperactivité des circuits cérébraux. Pas vrai, « La Mosquée » ? lançait-il à Pierre Colombier, doyen de la classe et défenseur central d'Hydra, qui avait mérité le surnom du célèbre ruaïste Raymond Couard, dit aussi « Le Grand » par Albert Camus.
(Texte et dessin de Jean Brua)
(1) Tous cadors qu'on retrouvera sur la photo de la classe de philo de 1951-1952 en cliquant sur l'image ci-dessous.
(2) Distinction équivalente au prix Nobel, qui n'existe pas en mathématiques.
Cliquez sur la photo pour l'agrandissement et les noms !
Jean-Marie Beyssade, il est au bout de la flêche rouge !
Et trouvez Jean Brua !
Merci à Albert Altarac qui fit don de cette photo à Es'mma voilà…
Houlà ! Depuis si longtemps que ça ? Ben oui, on n'aura pas vu le temps passer !