Le texte qui suit a d'abord été écrit à Serge |
Un grand bonjour d'Alger, ensolleillé, un tantinet frisquet. L'escalier, très raide, monte de la placette de la Robertsau vers le haut de la rue Eugène Etienne, place Henri Petit. Il existe toujours mais je ne l'emprunte plus, souvenir d'enfance ! Par contre mercredi, je suis descendue en ville (un mélange de français et d'arabe !), je bosse à Hydra, en pensant à vous j'ai dédié cette journée à nos souvenirs communs des lieux... À pied j'ai fait le marché Clauzel, longé une partie de la rue Richelieu, constatant tristement que le fleuriste s'est transformé en buraliste, contourné la rue Didouche Mourad (ex Michelet) pas loin de la patisserie la Princière (qui demeure égale à elle-même avec ses religieuses et ses petits fours !), pris le boulevard Victor Hugo (rare rue qui porte encore sa dénomination d'antan, hommage au poète !!), sillonné les petites ruelles pour aboutir au marché Meissonnier dont la rue principale est piétonnière maintenant, un monde fou qui "badaude", des odeurs de coriandre, de persil inondent l'air, c'est très agrèable, au mois de Ramadan les sens sont complètement mabouls ! Les hommes ont des envies de femmes enceintes ! Côté nourriture bien sûr ! J'adore l'atmosphère des marchés. J'ai fait mes courses en marchandant un peu pour le plaisir et là j'ai pris mon bâton de pélerin pour aborder notre quartier par la rue Burdeau ! J'ai un peu souffert, surtout de l'état des lieux, trottoirs pleins de sacs poubelles éventrés, rigoles d'eau boueuse, pets de tuyaux percés, immeubles vétustes avec des balcons presque renversés, des matous oranges se chauffant le poil et guettant les mouches. Les deux restos juste à l'entrée de la rue existent toujours, les enseignes je pense datent d'avant 62, "La Bressane" et "La petite chaumière", j'y vais de temps en temps à la Bressane, mais l'autre c'est plutôt un petit bouiboui qui ne ressemble pas à son nom ! Je freine un peu et j'hésite devant un grand dilemne ! Le choix des escaliers ! Ça fait longtemps que je ne marche plus à pied, encore moins escalader des escaliers abrupts du quartier ! Plus de 15 ans je crois, alors prendre les escaliers raides et tortueux Et là c'est le quartier de Robertsau, sa placette en face, en pleine rénovation, projet que suit d'ailleurs un ancien fils du quartier (un Deloume, voisins des Fillali) devenu architecte; le minuscule marché derrière, la petite placette aux boules près d'un kiosque à journaux, le bar au fond tenu par une femme qui est restée d'ailleurs jusqu'aux années 70. Ce bar s'est transformé en un commissariat de police ! J'ai bien regardé votre immeuble, Serge La rue Viviani avec ses trottoirs carrelés tout en virage était pleine d'humidité, ouf j'ai dépassé le premier virage, même à pied le démarrage en côte est difficile ! L'Avenue Eugène Etienne est en fleurs et feuilles, bougainvilliers roses et rouges, lierres grimpants, la rue porte le nom maintenant d'un ancien du quartier tué par l'OAS devant chez lui, Yahia Ferradji, il avait 5 filles qui ont fréquenté la même école que moi avant 62 et après, l'école Lafayette, école d'ailleurs de toute la famille et cousines ! "La maison avec la tête de cheval noir", au début de la rue Eugène Etienne, en face de la rue Lafayette, appartenait paraît-il à un artiste, on l'appelait "la maison du cheval noir", "dar el houd ", la tête a disparu récemment, voilà quatre, cinq ans à peu près... Elle a toujours été habitée par des dignitaires du régime, même maintenant par un ancien du régime mais qui a une femme sympa. Le moutchou (enfin, le mozabite !), c'est toujours la même boutique, les Guerras, c'est le fils aîné qui tient le magasin, les autres ont fait des études supérieures, le magasin s'est tranformé plusieurs fois mais en mode binaire, épicerie - droguerie - épicerie - droguerie - épicerie, en ce moment c'est le cycle "épicerie". Les anciens du quartier se rencontrent chez lui aux occasions... Bien sûr les hommes seulement, traditions méditerranéennes obligent !! Le quartier est resté avec une ressemblance étrange à son passé, mi-village, mi-quartier centre-ville de la Capitale ! Les traditions se perpétuent, peut-être faut-il croire qu'il existe des génes des lieux !! Cancan du quartier : la sage-femme, madame Ballan ou Laban, peu importe je pense que c'est la même personne, qui est restée longtemps après 62, je crois, a fait de la prison pour pratique d'avortements, et que sa peine a été écourtée grâce à l'élan de solidarité et de témoignages d'anciennes patientes. Bon je pense que d'autres détails viendront ! Zédigua Décembre 2002
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