Par Jean-Louis Jacquemin
Réclame touristique du début du XXème siècle
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V Aux plaisirs du débarcadère De gauche à droite : mon père (costume croisé et pochette, dans l'ombre), mes grands-parents Jacquemin, mon cousin Pierre Paulian, ma tante Mariette Paulian née Jacquemin et mon oncle Gilbert Paulian, ma cousine Andrée Perrin-Brown née Bouchinet (en robe claire), et... des inconnus. Les autres membres du clan, dont moi, sont sur le pont, attendant de débarquer. Pour traverser, il fallait nécessairement embarquer puis débarquer. Le cérémonial des quais faisait donc partie de la fête. Les départs d'Alger étaient joyeux mais les retours l'étaient encore plus. De l'autre côté de l'eau, on avait l'âme grégaire et l'esprit de clan. Pas question de laisser partir les proches et encore moins de fêter leur retour sans un solide comité. Les rites étaient convenus et colorés. Au départ on agitait les mouchoirs pour simuler un chagrin insondable tout en prodiguant à voix haute des voeux parfaitement joyeux de bonne traversée et de bonnes vacances. Et il y avait toujours un court instant de silence quand, enfin, le navire, virant au guindeau, tirait sur ses amarres et déboîtait lentement du quai". Quand les deux remorqueurs venaient "extraire" le Ville d'Oran... (photo J.L. Arrignon). Au retour, c'était de part et d'autre, l'impatience et l'allégresse. On avait hâte de retrouver le fil, de renouer. On ne pouvait même pas attendre d'être à quai pour échanger les dernières nouvelles et, comme chaque famille faisait pareil, les mains en porte-voix, à quelques mètres voire centimètres de distance, les dialogues portés par le vent vivaient parfois des interférences cocasses. Puis c'était le débarquement. Les porteurs algérois en "faisaient" moins que leurs homologues marseillais mais étaient plus efficaces. Ils avaient leurs têtes et leurs clients favoris qu'ils se faisaient un point d'honneur de fidéliser et de solliciter d'une année sur l'autre. Les rapports étaient sympathiques et ils n'avaient pas leur pareil pour charger d'un coup (quitte à se faire aider par un collègue) un invraisemblable amoncellement de bagages. Les pourboires étaient en conséquence. Ce dont je me souviens le mieux, c'est de cette allégresse en retrouvant la rumeur du port, l'air léger de la ville, l'odeur un peu sure des docks et surtout cette vibration si familière et si tonique, cette qualité exceptionnelle et vivifiante du soleil matinal d'Alger. Ces matins de retour, les narines palpitaient et la vie paraissait plus belle. cliquer ici. |
L'un des Furets, photographié de plus près (photo J.L. Arrignon).
Là, c'est la cérémonie du départ, mes grands-parents et ma cousine Madeleine Paulian partent les premiers, fin mai (les veinards !) pour la France. (photos J. Louis Jacquemin) |