RUE TANCRÈDE - RUE BERTHEZÈNE

QUAND VOUS DESCENDREZ,
MONTEZ DONC...

(Dépêche d'Alger, 20 décembre 1949)


Pour élagir au quartier, cliquer.

Le plan ci-dessus nous a été fourni par Jean-Paul,
grâce à la bonne idée de sa maman d'être partie d'Alger
avec l'impeccable plan de Pierre Vrillon.
On peut voir ci-dessus la localisation de son studio,
4 rue Maréchal Bosquet.

   La "Dépêche d'Alger" fut l'un de nos quatre grands quotidiens. Dans les années 50, un plumitif y tenait une chronique qu'il signait du pseudonyme d'Oculus. C'était en première page, un encadré comme celui que vous voyez ci-dessous, dans lequel chaque jour Oculus rapportait des faits divers de notre ville, soit qu'il les ait vus de ses propres yeux, soit qu'on les lui ait rapportés. En ce cas, c'était beaucoup moins "Oculus" qu'annoncé, mais en fait, son pseudo voulait moins dire "je vais vous causer de ce que j'ai vu, de mes yeux vu", que : "je vais vous parler de ce qui me sort par les yeux". Car il était comme ça, l'ami Oculus, un peu mini-imprécateur pour chiens écrasés.

   C'est souvent avec pas mal de démagogie qu'Oculus y allait de ses sentencieuses admonestations et de ses récriminations contre les automobilistes, les administrations, et le tout venant et allant dans Alger. Disons à sa décharge que ce n'était pas un exercice aisé, il est difficile à ce rythme quotidien d'être bon tous les jours. Mais souvent Oculus savait en quelques lignes croquer une scène avec drôlerie, et celle que nous avons choisie ci-dessous rappellera à plus d'un, cet ascenseur qui joignait la petite rue Tancrède à la rue Berthezène, et son fantaisiste "liftier".

Pour les bizoutches : ils peuvent agrandir, pour mieux lire l'article.









POUR LES "TOURISTES" : LA RUE TANCRÈDE AU FIL DES ANS

(photos de Yves Jalabert, avril 2006)



   À gauche, c'est bien sûr notre ancien cinéma Le Paris, comme le rappelle encore en façade et en relief le blason avec le bateau des Parisii qui continue à flotter sans sombrer (on peut aussi faire le constat inverse).


   Le Paris se trouve au n° 2 de la rue. Il s'est depuis appelé le Mitidja (ce qu'indique le pannonceau en français), et la rue c'est maintenant "Allahoum Lakhdar et Lamara". Au fond, à droite de l'entrée de l'ascenseur, les escaliers grimpent vers la rue ex-Négrier.

   La rue Tancrède n'était pas bien longue, 52 mètres à peine, pour 4 numéros.


   Du côté impair (à droite en montant) : au 1 (au fond à droite), il y eut un café, en 1922, "le Café d'Isly", dont le propriétaire était un nommé A. Folliasson. Au même numéro, la Maison Devoulx était en 1922 spécialisée dans les "pliages, jours et boutons", tandis que travaillaient aussi ici une M. Rancurel, couturière, et un E. Jumeau, dessinateur en broderies. Un immeuble dédié aux travaux d'aiguille ! Au 3 (à droite sur la photo), "G. Adam et Cie - Établissements Aubagne et Cie" étaient négociants en automobiles et distribuaient les FIAT, ainsi que des camions, des tracteurs, des moteurs marins... Leur successeur fut "LOUBET et BOU" qui en 1954 vendait les autos Salmson et Simca, et les scooters SPEED (tél 337.11).

   En 1954, au 1 de la rue, juste en face en sortant du Paris, se trouvait "La Grande Literie" (tél 403.79, annuaire 1954, p 138), et qu'au même numéro 1 résidait Mr Daniel Llitéras (tél. 380.88), dont la profession, huissier (de justice ?), ne nous aurait rien dit qui vaille, si ce n'était que chez lui était domiciliée la FÉDÉRATION FRANÇAISE D'AVIRON, ligue d'Algérie.

   Toujours au 1, vous pouvez voir sur la photo prise par Yves en 2006, une enseigne lumineuse (ou ex-lumineuse), indiquant les tapis "MANSOURAH". Cette enseigne est là depuis 1954 au moins, puisque dans l'annuaire de cette année-là, un pavé de réclame, s'écrivant avec l'accent, nous précise que cette estimable maison est "face le cinéma Le Paris". Comme je te dis ! Le patron s'appelait B. Hamidou (au 343.45, mais ça semble en dérangement).



   Oui, sur ces photos prise par Yves Jalabert en avril 2006, on voit, trottoir impair, ce restaurant... Qui se trouve lui aussi au n° 1 (oui, ça fait un n° 1 très long, n'est-ce-pas ? il s'agit bien d'un seul et même bâtiment à deux étages). Curieux, on n'en trouve pas trace dans les annuaires de 1954 ni de 1961. Un restaurant qui n'aurait pas possédé le téléphone ? À cette époque, c'est pas impossible. Le restaurant "Le Normand" a-t-il été fondé après l'indépendance ? Ou était-il déjà là "de notre temps" ? Par acquis de conscience, plutôt machinalement, je jette un oeil dans l'"Alger-Guide 1957", et là page 45, il y a bien "le Normand", 1 rue Tancrède, il est parmi les quelques uns de la liste (avec le "Kléber" rue Hoche, "les Hurlevents rue Naudot, "l'Ambroisy", Bd Bugeaud, le célèbre "Romano" rue Michelet et quelques autres), à n'avoir pas le téléphone. On réservait pas, on y allait...



   Du côté pair (à gauche en montant) : En 1922, au 2 (à la place du cinéma), un certain P. Villa vendait ses fruits et légumes à l'enseigne "Aux quatre saisons". Au 4 (à gauche sur la photo), faisant l'angle avec le 47 rue d'Isly, Astolfi Redon et Cie exerçaient la profession d'encadreurs avec leur miroiterie "J. Cardin".

   Ça c'était en 1922. Notons qu'en 1954, Lucien Astolfi perpétuait au 47 rue d'Isly un magasin de miroirs et de "cadeaux" (il habitait 10 rue René Tilloy), quant à la maison Devoulx, elle avait, semble-t-il, disparu d'Alger à cette date, comme les autres personnes et commerces cités ci-dessus. Sic transit... Esta la vista, baby !

   Oui, le haut immeuble qui s'inscrit dans la perspective de la rue est celui du Gouvernement Général, "GG" pour les intimes.


   Alors que j'en étais au troisième remaniement de cet écran "Tancrède" pour y intégrer toujours de nouvelles infos, voilà-t-y pas que l'ami Jean-Paul me téléphone, et me raconte qu'il se souvient que c'est au Paris que fut projeté "La Tunique", le premier film en CINÉMASCOPE, "procédé Henri Chrétien". Il ne s'agissait pas, en plus du sujet du film, de finir de se mettre dans la poche les familles bien-pensantes et l'Office Catholique du Cinéma, non, c'était le nom de l'inventeur. Y'a de ces coïncidences, quand même... "...et sans lunettes", précisait la réclame parue dans l'Écho d'Alger ! Et c'était bien là que se nichait la déception, finalement, c'était pas tellement en relief ! Mais le son, lui, en relief il l'était, et il faisait peur ! (le coup de tonnerre sur le Golgotha, waouw, terrible !). Avec ces deux pages de l'"Écho" (oui, c'est comme ça à Es'mma, pas plus tôt dit que c'est déjà retrouvé, photocopié et mis en ligne), voici pour vous deux semaines consécutives des spectacles d'Alger, nous sommes en mars 1954... Une merveille... Et n'oubliez pas de jouer au concours Nizière, des fois que vous gagneriez la 4 Chevaux, non ?

   Et pour l'émission radiophonique "Le petit Musichall du dimanche" réalisée en direct, sur la scène du Paris, avec l'orchestre sous la direction de Martial Ayela (on écoutait, penchés sur nos postes, souvenez-vous comme ça swinguait !), oui, on sait bien que c'est ici que ça se passait, on attend juste d'avoir suffisamment de documents intéressants...

LE GDLLDB