Quand le sergent de l'US Air Force Frank M. Cheney a proposé à Sylvia de l'épouser, il a dû dessiner l'image d'une mairie et une autre d'une église, parce qu'il ne savait pas le dire avec des mots français. Ils s'étaient rencontrés six semaines auparavant, le 15 décembre 1942, dans un restaurant algérois où elle dînait avec sa famille. À une table voisine, Frank avait du mal à passer sa commande et à dire au serveur ce qu'il désirait, alors Sylvia s'est proposée de l'aider avec le peu d'Anglais dont elle disposait.
Berçant dans ses bras Robert-Aline, leur bébé de 3 mois, cette jeune-femme aux yeux sombres, de stricte éducation- la première pourtant à avoir épousé un soldat américain en Afrique du Nord - raconte comment sa vie bien rangée a basculé en une vie d'aventure aussitôt après sa rencontre avec Frank.
Sylvia rit de bon coeur quand elle raconte que leur nuit de noces se passa dans un abri anti-aérien avec une bonne centaines d'autres personnes, vu que cette nuit-là, les Allemands bombardaient Alger. Et ses yeux bruns brillent d'excitation quand elle décrit le voyage depuis Casablanca jusqu'au havre de paix où se trouve le home de son mari (1). C'était la première fois de sa vie qu'elle prenait un train ou un bateau. Et là, elle a pris les deux !
Depuis son arrivée chez nous, chaque jour Sylvia découvre quelque chose dont s'émerveiller. D'abord, ce qui la scotcha fut d'apprendre qu'aux USA un bébé de 8 semaines pouvait être nourri de céreales, de légumes et de jus de fruit, mais elle se dit que ce devait être bien, puisque Robert-Aline semblait fort bien s'accomoder de ce régime.
L'abondance de nourriture ici ne cesse de l'émerveiller. "À Alger, explique t-elle, les gens font la queue pour quelques grammes de spaghettis, un bout de viande de chameau (2), ou leur ration mensuelle de deux livres de pommes de terre. Pareil pour les vêtements, les bateaux (3) ont été vidés jusqu'à la moindre bobine de fil".
"Heureusement, sourit-elle, mon mari était Américain, et la Croix Rouge américaine avant et après que naisse notre fille, fut aux petits soins : docteur, layette, jus de fruits pour elle et extraits de viande pour moi."
Lors de son premier shopping à New-York, l'appréhension de Sylvia à la perspective d'un voyage en escalator fut vaincue par son désir de découvrir étage après étage les luxueux étalages, "c'était quelquechose comme un conte de fées". Quel dilemme pour elle que le choix de sa première robe, admet-elle, tant il y avait de styles et de couleurs pour la tenter !" Par contre, le choix de bas ne lui posa pas de problème, elle avait porté ses premiers le jour de son mariage.
La vie en Amérique est comme un merveilleux rêve pour cette petite épouse française : un rêve que ses beaux-parents contribuent à conforter chaque jour.
"Nous sommes tous deux tellement fous de Sylvia et l'aimons tant !", s'illumine la plus âgée des dames Chenay. "Notre unique préoccupation est de l'entourer de tout le soin et l'affection du monde pour essayer de compenser un peu l'absence de notre fils".
By Rosette Hargrove,
NEA Staff correspondant.
Traduction Gérald Dupeyrot
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(1) à White Plains, petite ville du comté de Westchester dans l'état de New-York.
(2) ici, à mon avis, soit la traductrice a merdé, soit Sylvia a enjolivé dans le sens "princesse orientale" et "Almée des sables", soit la journaliste s'est laissée emporter par son image personnelle de l'Algérie ou du siège de Paris de 1870.
(3) de l'aide américaine.
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