Il était une foi… Sainte Élisabeth.


FRASQUES
À SAINTE ELISABETH


par DANIÈLE ROUSSEL

Illustrations de Jean Brua

                            

Compilation des messages de Danièle sur le Livre d'Or d'Es'mma de septembre 2008.
Le GDLLDB a choisi d'en conserver quelques uns qui étaient les réponses de Danièle
aux remarques de tel ou tel. Ça remet dans l'ambiance du L.O.




I

Danièle Roussel (Alger/Paris)
Envoyer un courriel à Danièle Roussel [daniele@sterkers.com]

09/09/2008 10:10
"Piquer un fard !"

    Quand je pense que j'ai été Scoute, donc en principe "toujours prête", et que pratiquement toute ma vie il m'aura quasiment été impossible d'être à l'heure ! Tare qui ne manquait pas de contrarier ma famille, laquelle s'interrogeait en se battant la coulpe, sur les manquements de mon éducation. Une tare en entraînant une autre, ainsi suis-je passée, très jeune, experte dans l'art des excuses pour cause de retard. Tant et si bien que ma réputation en la matière n'était plus à faire. Bien entendu par la suite, avec l'âge, je rassure les esprits chagrin, j'ai su assumer ce défaut majeur. Toujours est-il, que la méfiance éveillée des profs à mon égard par mon imagination délirante me valurent quelques mésaventures.

    La plus grande injustice qui me fut infligée à ce sujet le fut par Madame Tissot à Sainte Elisabeth. Le chemin menant de chez moi, boulevard Victor Hugo, jusqu'au portail d'entrée de l'Institution comprenait un certain nombre de cotes et escaliers et pas des moindres au point de vue difficulté. (Trajet : Bd Victor Hugo, rue Michelet, ensuite soit, rue Burdeau et rue du Languedoc + escaliers, soit rue Drouillet + escaliers, boulevard Saint Saëns, escaliers + rue La Fayette + espaliers + raidillon final - mortel !). Pour cause de retard vraisemblable, la distance était toujours parcourue par moi ventre à terre, ce qui est, au sens propre du terme, presque le cas pour le dernier tronçon du parcours débouchant sur le Telemly à quelques mètres de l'entrée. Passé le portail de Sainte Elisabeth, il y avait en pente douce quelques marches en espaliers à parcourir avant d'arriver sur une petite terrasse.

    Et là, derrière un bosquet ou un pilier, m'attendait Madame Tissot. Je n'ose dire qu'elle m'avait dans le nez mais en tous cas elle m'avait à l'oeil ! J'avais 16 ans, ma course à fond de train m'avait mise en nage, mes joues, mes lèvres étaient en feu et hop ! me voilà chopée en vol : "vous arrivez bien tard, il est l'heure voyons !". Moi : "oui, oui Madame…" (blabla, une excuse bidon, une !). "Mais, vous vous êtes maquillée ma fille!" Moi, me répandant en dénégations (et cette fois c'était la stricte vérité) "Mais non Madame, je vous assure que je ne me maquille pas. D'ailleurs ma mère ne le permettrait pas !" "Tst-tst-tst ma fille, allez immédiatement vous laver le visage à la fontaine et revenez me montrer le résultat".

    Allons bon, j'étais "juste" à l'heure, avec ce coup là j'allais me mettre en retard. Toutefois, je m'exécute (comment faire autrement ?) et je reviens, les joues encore plus colorées qu'avant, subir le regard scrutateur de Madame Tissot. Laquelle dut tout de même convenir de sa méprise car elle me gratifia d'un "allez, c'est bon ! Rentrez en classe et dites à votre professeur que je vous ai retenue". Evidemment j'eus droit, d'entrée de jeu, à une note de conduite pour mon retard, néanmoins suspensive… pour le cas où j'aurais dit vrai.




II

(sur le L.O le 11 septembre 2008)

"Se faire sonner les cloches"

    À Sainte Elisabeth, dans les années 50, il s'en est passé des choses ! Nous n'étions pas toujours des élèves aussi dociles que nous en avions l'air, surtout les classes de seconde (c'est bien connu). Outre le tablier aux accessoires fantaisistes (de préférence rouge Hermès) sur lequel je me suis déjà étendue, il y avait aussi le coup du béret du vendredi, "oublié", qui dispensait de Messe lorsque le stock de bérets de remplacement, généreusement fourni par l'Institution, était épuisé. Le jeu consistait donc à s'apercevoir du manque au tout dernier moment.

    Madame Tissot : "Ah! c'est fini, il n'y en a plus, tant pis pour vous !". Les privées de béret : "Oh ! Dommage !".

    Et à nous les bavardages en cour de récréation pendant l'heure du Saint Office ! Quand ce n'était pas l'occase d'un rattrapage de devoirs non faits pour l'heure suivante.

    Un jour, je ne sais comment, germa dans la cervelle enfiévrée d'une pensionnaire, l'idée folle de placer dans les placards de chaque classe, du jardin d'enfant à la terminale, un réveil dont la sonnerie avait soigneusement été réglée sur la même heure. À la minute dite, panique à bord ! ça sonnait dans tous les coins. Surprise, recherche active de l'origine de la sonnerie, effervescence à tous les étages, ahurissement des unes, rigolades des autres. Enfin… de courte durée pour la responsable de cet exploit mémorable qui finit par être démasquée, non par ses empreintes génétiques, mais du fait de l'attroupement immédiat que provoquait son statut de vedette incontestée sitôt qu'elle mettait les pieds dans la cour les jours qui suivirent le forfait. Attitude qui ne manqua pas d'alerter les esprits aiguisés de nos chères Trinitaires en matière de psychologie comportementale de leurs élèves.

    La fautive, heureusement pour elle brillante élève, écopa ipso facto d'une mise à pied de quinze jours vraisemblablement agrémentée chez elle d'autres formes de mesures de rétorsion. Car, c'était comme cela à l'époque : le moindre écart de conduite nous valait une double peine ! C'était le prix et nous le savions.




III

"Avoir plus d'un tour dans sa serrure"…

    Parmi les frasques de Sainte Elisabeth, il y eut aussi l'épisode personnel d'une mise à la porte d'un cours avec ma comparse du jour suite à la saisie "en plein vol" de dessins caricaturant de façon quelque peu irrévérencieuse l'une de nos profs (manque de bol !). Toujours est-il que cette exclusion momentanée, sans trop de gravité au démarrage (on a vu pire), tourna en un rien de temps à l'aventure épique. à la porte, faisant contre mauvaise fortune bon coeur, tout allait bien. Jusqu'à ce que l'on entende monter Madame Tissot. Précisons pour ceux et celles qui n'ont pas eu l'heur (et je souligne, le grand avantage) de connaître cette femme exceptionnelle : le moins que l'on puisse en dire, c'est que Madame Tissot en imposait beaucoup. Qu'elle nous trouve à la porte du cours c'était à coup sûr risquer un zéro de conduite assorti d'un rapport aux parents. Fuyant l'inévitable couperet, la copine pensionnaire qui connaissait bien les lieux, m'entraîna illico dans le cabinet de toilette de la Mère Supérieure, par bonheur (?) au même étage.

    Seulement voilà, quelques secondes plus tard arrivait la Mère Supérieure (la bonté même) avec la ferme intention d'entrer dans ses toilettes. De fait, qui l'en blâmerait, c'était son droit le plus strict. Aussitôt, hop ! tour de targette de la copine. Constatation étonnée de la Mère Supérieure : "tiens qui donc a fermé cette porte à clé ?". Vaines tentatives pour ouvrir avec le trousseau… émeute derrière la porte : profs, élèves, Mères, soeur tourière, Directrice, chacune s'essayant à qui mieux-mieux à ouvrir cette fichue porte pendant qu'à l'intérieur il y en avait deux qui ne rigolaient plus, mais alors plus du tout, d'autant moins qu'entre-temps la fin des cours avait sonné. C'est peu dire qu'il y avait du monde sur le palier ! Enfin une élève eut une idée de génie (la faim aidant peut-être, car il était midi passé) : "il faut appeler un serrurier". En voilà une idée "qu'elle était bonne !", qui fut adoptée illico avec un "Oui" général qui soulignait l'évidence, suivi d'une cavalcade vers le réfectoire.

    Pendant que la foule dégageait enfin les lieux - "OUF!" - les 2 prisonnières volontaires pouvaient respirer à nouveau. Mais le plus dur restait à faire : oser ouvrir cette satanée porte pour s'échapper de cet antre et, en ce qui me concernait, dans les plus brefs délais afin d'éviter que les portails ne fussent déjà fermés. Au bout d'un certain temps (le même que celui du canon se refroidissant) passé tendues derrière la porte l'oreille aux aguets, nous finîmes par nous enhardir et filer nous mêler aux autres mine de rien sans demander notre reste. On l'avait échappé belle !

    La copine pensionnaire eut, elle, le loisir de savourer l'épisode de "l'ouverture de la porte par le serrurier"… d'un simple tour de clé !



IV

Danièle Roussel (Alger/Paris)
(12 septembre 2008)


"Pas de fumée sans feu"

    Dans la série "les frasques de Sainte Elisabeth", en voici une autre illustrant l'adage "pas de fumée sans feu". Les élèves de seconde qui ne suivaient pas le cursus de Grec devaient passer l'heure du cours dans une sorte de petite annexe de la salle de classe fermée par une porte coulissante où nous étions censées faire des révisions de maths, physique, chimie sans surveillance. Erreur fatale ! Un beau jour l'une d'entre nous, ayant fêté son anniversaire la veille, eut la bonne idée d'exhiber le cadeau reçu : un superbe étui à cigarettes avec briquet assorti (pas banal pour l'époque, nous en étions toutes ahuries : mais… tu fumes !?). Pas mécontente de son "petit effet" elle nous proposa derechef et fort généreusement d'en griller une. Hésitations de certaines. Enthousiasme des autres. Finalement les 3/4 de la section se mit à cloper goulument (séance d'apprentissage pour beaucoup, bajoues style crapaud, toux et crachotements). Ce faisant, certaines d'entre nous adressèrent des petits "coucou" aux copains qui à l'instar de ces grands oiseaux de teinte grise, à longues pattes et long cou, attendaient sous les fenêtres l'heure de la sortie.



    Lorsque brusquement retentit la voix dubitative de Madame Tissot "Mais ! ça sent la fumée de cigarette ?". Le nez de Madame Tissot (les deux en fait m'ont beaucoup marquée) était, disons… très proportionnel à la la taille de ses pieds. Aussitôt, les fumeuses à la fenêtre balancèrent promptement leur mégot mais une malheureuse assise à sa place le planqua bêtement en toute hâte dans le trou de l'encrier absent. Or, précisément dans ce bureau étaient placés les carnets de notes : ce que nous ignorions jusqu'à ce (fumeux) jour. Madame Tissot ne reniflant plus d'odeur bizarre : fin de l'alerte !

    Le calme revenu, tranquilles, nous attendions patiemment la fin du cours. La porte coulissante s'ouvrit enfin pour nous libérer lorsqu'une élève s'écria "y'a le feu !! Y'a le feu dans le bureau là !". En effet, une volute de fumée commençait à s'élever du bureau. La suite n'est pas difficile à imaginer : trouvaille du mégot au milieu des carnets de notes qui commençaient à se consumer. L'horreur totale. Pour couronner le tout, une surveillante vint cafter que des parents (outrés) avaient vu des élèves fumer accoudées à la fenêtre. à la suite de quoi, il y eut une pénible enquête consistant à déterminer les fautives : - Qui avait amené les cigarettes ? - Qui avait fumé? - Qui avait été à la fenêtre ? = Personne ! (évidemment personne, nobody, nessuno). Alors, passage en revue des poches et cartables : "l'anniversaireuse" de la veille fut donc découverte et durement réprimandée (nul doute que ses parents furent également tancés) mais, pour faire bonne mesure, tout le monde écopa d'une punition collective ad hoc : convocation express des parents, zéro de conduite retentissant sur la moyenne générale et avertissement… (au 3ème avertissement c'était le renvoi pur et simple).



V

Danièle Roussel (Alger/Paris)
11/09/2008 23:16 18:45

    Très juste Gabriel : j'étais bien "Guide" - 1000 excuses - mais il s'agissait tout de même bien de scoutisme (non?) au féminin certes (vilain macho que t'yé) mais les principes étaient bien ceux de Baden Powell. Et pour te le prouver, je te signale que j'ai l'insigne honneur d'avoir appartenu à l'équipe qui fut sélectionnée "meilleure équipe d'Algérie" (hé! hé! Foin de fausse modestie) et de ce fait, participa au Jamboree (1). Hélas pour les grands horizons dont je pouvais rêver à cette occasion, ce grand rassemblement avait lieu cette année là (1952) en France.

(1) Pour les non-scouts : les Jamborees étaient des réunions mondiales de délégations de scouts venus de tous les pays. Ils avaient une résonnance bien au delà des sphères religieuses. Que même dans la presse pour jeunes non-catholique ni même religieuse (dont Spirou, bon, même si la "Parouille des Castors" y avait ses aventures), il leur était donné un grand retentissement. (note en 2018 du GDLLDB)



VI

DanièLe Roussel (Alger/Paris)
12/09/2008 18:45

"Dans les années 50" cela veut bien dire ce que cela veut dire pourtant !
I.e. "dans le courant des années 50". En d'autres termes : de 1950 à 1959…
Ca capiche Zaouitch?

VII

Danièle Roussel (Alger/Paris)
13/09/2008 17:31


Sainte Elizabeth (addendum)


    Qui se souvient, parmi les anciennes de Sainte Elisabeth, des cours de chant ?

    Certes, il y avait les élèves concernées et appliquées mais pour moi, qui n'était décidément pas sérieuse à 16 ans, c'est le souvenir d'un fou-rire homérique qui me tint une heure durant à la porte du cours hoquetant(e) et pliée en deux. Au désespoir de Madame Tissot qui sortit deux fois pour me prier d'arrêter, me traitant même plus ou moins sous cape de "malade".

    À Sainte Elisabeth, mes Professeurs (très méritants) furent :

• Madame Tissot : Latin Français Littérature. Directrice et seule trinitaire à donner des cours dans le secondaire (?)

• Mademoiselle - ? - : Mathématiques (la rumeur courrait qu'elle allait devenir trinitaire). Je suis impardonnable de ne pas me souvenir de son nom dans la mesure où c'est grâce à la qualité de son enseignement que, pour la première fois de ma vie, les mathématiques son devenues limpides pour moi.
Encore que, cela devait aussi tenir du miracle car cette aptitude n'a pas fait long feu sans elle…

• Madame Lapoussière : Physique-Chimie (surnommée par moi "molécule" : elle ne l'a jamais su).

• Miss Thorston anglais : grande comme un jour sans pain dans mes souvenirs. Un peu "spéciale" dans son enseignement mais efficace. À son grand étonnement, j'étais "bonne" (la raison : l'été de mes 15 ans passé en Angleterre, elle ne l'a jamais su non plus, de crainte que, le sachant, elle ne m'assène un coefficient négatif !)

• En Histoire-Géo -???- : à mon époque, de jeunes profs de passage dont je n'ai hélas pas retenu grand chose.

Qui pourrait me rappeler le nom de ces profs que ma mémoire infidèle autant que volatile ne me restitue pas ?

Pour clore la tranche de vie "Sainte Elisabeth" (si, si : finito!), un appel :

La seule photo que je détienne de mon passage à Sainte Elizabeth : la classe de CE2 ou CM1 année 1947-1948 (je confuse entre les 2, étant passée de l'une à l'autre en cours d'année). Hélas, cette photo est quasi-illisible par de grosses taches d'encre violette (énormes pâtés : certainement consécutifs à "un accident" d'encrier).

J'aimerais bien en récupérer un double (avis aux anciennes).
Dans cette classe, il y avait : Elizabeth Renaud, Anne Morère, Denise Maury, Annie Daumas, Elizabeth Vigneron, Chantal Guglielmi, Roselyne Villeneuve…

J'aurais bien aimé avoir aussi celle de cette fameuse Seconde 1956 qui comptait parmi ses élèves :

Anne-Marie Yvorra, Joelle Nicoll, Danielle Bové, Anne-Lise Rollet, Elizabeth Cardonne, Marie-Thérèse Iba-Zizen, Vera Albertini… et tant d'autres dont les noms m'échappent.

Voilà, j'ai lancé ma bouteille à la mer mais cela vaut mieux que de jeter des pierres non? ("hors sujet" comme dirait Lady X)



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