Le texte suivant est extrait de "Votre semaine à Alger", n° 4, semaine du 22 au 28 novembre 1946.
(toutes ponctuations et toutes mentions respectées)
 - Tiens, regarde cette plaque "Boulevard Camille Saint-Saëns, compositeur 1935-1921". Eh bien, il faudrait que toutes les plaques de rues d'Alger soient aussi explicatives. Et j'ai remarqué qu'il y a souvent une explication après les noms universellement connus. Peu de gens ignorent en effet que Victor Hugo était poète ou Franklin D. Roosevelt président des Etats-Unis. Mais tout à l'heure, nous avons traversé la rue Drouillet, et j'avoue franchement ignorer qui était Drouillet.  - Remarque que tu ne dois pas être le seul. Mais il y a les curieux et les autres, et puisque tu es un curieux je vais te dire tout de suite que Drouillet était pompier; il mourut victime de son dévouement lors de l'incendie du vélodrome de l'Agha supérieur en 1898. Maintenant je te ferai remarquer que toutes les nouvelles plaques portent en général la mention explicative, ce sont les anciennes qui en sont dépourvues. Ainsi ce n'est que lorsqu'on transforma le petit lycée de Mustapha aujourd'hui lycée Emile Félix Gautier, que j'appris que la rue Courbet était la"Rue Courbet Peintre 1819-1877", et non la "Rue Courbet Amiral 1827-1855".  - Et il y a beaucoup d'autres noms de rues qui me sont inconnus. Ainsi, pourrais-tu me dire, je te les cite au hasard de ma mémoire, qui étaient Warnier, Durando, Edouard Cat, Pirette, Ménerville, Rigodit ?  - Warnier fut préfet, puis député d'Alger; Durando était professeur de botanique, Edouard Cat, professeur à l'école de lettres, Pirette était colon; il s'illustra par sa belle défense dans sa ferme Ben Seman en 1839. Pinson de Ménerville, éminent juriste qui donna aussi son nom à une ville, fut Premier Président de la cour d'Appel d'Alger. Quant à Rigodit, c'était un marin, il commandait la station navale d'Alger au temps du maréchal Bugeaud. Mais il est plus intéressant encore de savoir l'origine du nom de certaines rues. Ainsi, sais-tu d'où tire son nom la rue des Trois Couleurs ?  - Du drapeau, sans doute.  - Oui et non. Je m'explique. En 1830, les Français furent déconcertés par l'enchevêtrement des ruelles de la vieille ville. IIs ne s'y reconnaissaient pas, aussi pour se diriger, ils firent ce que l'on fait généralement pour les sentiers de montagne. Ils utilisèrent des traits de couleur. Telle couleur apposée sur les murs et renouvelée tout le long du chemin à suivre conduisait au Service des Finances, telle autre à celui de l'Intendance. Le hasard fit se rencontrer dans une même rue les couleurs nationales. On appela désormais cette voie la rue des Trois couleurs. (FIN)
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