LES CLOCHERS DE CHEZ NOUS




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Sainte-Marcienne
Par Betty Reybaud, depuis Florence


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Moi sur mon balcon avec au fond
le clocher de Sainte-Marcienne et le palmier,
je dois avoir dans les 7/8 ans




   L'église consacrée à Sainte Marcienne ç'était ma paroisse à Alger. Je voyais son clocher et une de ses facades de la fenêtre de ma chambre tous les matins, quand j'ouvrais les persiennes.

   C'est là que j'ai été baptisée, que j'ai suivi le catéchisme, que j'ai fait ma communion et ma confirmation (regardez les photos ci-contre !).

   Si l'histoire avait pris un autre cours, c'est là sans doute que je me serais mariée et qu'on aurait célébré mes funérailles. C'est la vie... Mais le sort en a décidé autrement : le vent de l'Histoire a souflé, un drôle de vent soulevé par de drôles de ventilateurs...

   L'église s'élevait au fond d'un des larges anneaux que le boulevard du Télemly, tel une grande couleuvre paresseuse, créait sur son parcours. Devant l'église, s'arrondissait une petite placette où on pouvait s'asseoir sur des bancs pour bavarder en sortant de la messe. À quelques pas de là, en se promenant, on arrivait aux Sept Merveilles. Avant la construction de l'immeuble du Viaduc, de son grand garage et du pont qui mettait la place des Sept Merveilles hors jeu, nous, les ouailles de la rue Duc des Cars, nous arrivions à l'église en traversant un terrain vague qui partait en contrebas et montait jusqu'au niveau du Télemly. Quand il pleuvait, nous nous remplissions les souliers de boue et les dames de l'église, devant le portail, nous faisaient nettoyer nos chaussures.

   De l'extérieur, l'église était (est ??) en style mauresque. L'édifice, pas trop grand, orientait son portail principal, flanqué de deux tourelles rondes, vers le boulevard, et de l'autre côté sa nef vers un parc planté de palmiers et d'eucalyptus.



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   À l'intérieur, il régnait une atmosphère de profond recueillement favorisée par la pénombre. Sur le fond du choeur, au dessus du maître- autel, s'élevait une statue de la Sainte enveloppée d'une grande pélerine bleu ciel qu'elle retenait pudiquement d'une main sur sa poitrine. Elle serrait une palme de l'autre main et levait des yeux implorants vers le ciel. À ses pieds, s'allongeait une bête féroce qui aurait bien voulu être un léopard mais dont nous ne comprenions que les intentions... pas pures du tout...

   L'histoire de la Sainte est connue. On la confond souvent avec une autre sainte de Tolède, martyrisée elle aussi pour sa foi. Notre Sainte Marcienne était née à Dellys, en Mauritanie d'alors (l'actuelle Algérie) dans une famille aisée. Elle était chrétienne, comme une grande partie de la population berbère du nord de l'Afrique avant la colonisation arabe au 7ème siècle. La colonisation romaine avait apporté aussi dans tout le pays ses dieux et son Olympe. Marcienne, qui s'était consacrée très jeune à Jésus-Christ, brisa un jour une statue de Diane sur une place publique. Pour la punir, on la livra à des gladiateurs, qui eurent miraculeusement pitié d'elle et ne la touchèrent pas. L'atteinte à la pudeur était alors pire que la mort. On la jeta donc dans l'arène. Un lion l'épargna mais un taureau la blessa et le sang attira un léopard qui l'acheva. Elle est souvent représentée entourée de ces animaux. Cela se passait en l'an 303 à l'époque des persécutions de Déce à Césarée.


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Le Martyr de la Sainte, en trois rounds...
En attendant de retrouver (on peut rêver) une image du vitrail de l'église qui la représentait,
c'est une miniature du XVème siècle conservée à la Bibliothèque Nationale.


   Le père Dubesquois (si quelqu'un se rappelle comment on écrit son nom je lui envoie une confection de "Mon Chéri Ferrero") était le maître absolu des lieux. Je ne sais pas quel était son âge car je l'ai toujours connu comme vous le voyez sur la photo de mariage, très vieux et avec une grande barbe blanche en pointe. Son attitude préférée, quand il parlait à ses paroissiens, était de la caresser lentement, l'air méditatif, ce qui donnait à ses paroles, quand enfin il les prononçait, une grande solennité.

   C'était un gardien sévère de la pureté des rites et de la tradition simple des premiers chrétiens. Il ne comprenait pas les débordements paiens des manifestations populaires qu'il balayait du geste et de la voix comme "adoration du veau d'or". Qu'aurait-il dit aujourd'hui? Durant ses sermons, le dimanche matin, il donnait le meilleur de lui même et tel un Savonarole fustigeait les pratiques baroques qui nous venaient d'Espagne en passant par Naples. Comme, par exemple, le jour des Rameaux, il n'appréciait pas, et ne manquait pas de le dire, l'étalage de friandises qui donnait à l'église une odeur de confiserie et la transformait en une foire de village. Ma mère partageait ses convictions, digne fille de montagnards alpins qui faisaient 20 kms à pied pour aller le dimanche matin à la messe au sanctuaire de La Salette (Hautes Alpes). Elle ne me permettait d'apporter à la messe qu'un simple rameau d'olivier, que nous conservions ensuite pendant un certain temps jusqu'à ce qu'il devienne sec comme une momie et ne se brise comme une fragile porcelaine au moindre choc.

   Un soir de Noël, à la messe de minuit, j'ai entendu le Père Dubesquois demander: "Kescekça, kescekça (qu'est-ce que c'est que ça) père Noël, père Noël ???!! C'est l'Incarnation de notre Seigneur que nous célébrons ce soir !". En parlant, il regardait son auditoire, les yeux grands ouverts, la barbe blanche pointée vers les fidèles comme un index dénonciateur. Nous en avons parlé pendant des années, chaque Noël...

   C'était une forte personnalité et même s'il apparaissait bougon, il s'occupait à sa manière de son petit monde et donnait de ses écus et de sa personne pour soulager les misères du monde.

   Autour de l'église, le patronage regroupait beaucoup de jeunes du quartier. Quelques-uns d'entre eux ont ensuite continué, pendant des années (sûrement jusqu'en 1997), à publier un journal "Patro, quand même" (fondé par Marcel Jauffrès) que ma mère me faisait lire quand j'allais la retrouver.

   Le père Dubesquois avait organisé le dimanche soir au presbytère des séances de cinéma où se retrouvaient les gens du quartier. Les films projetés étaient en gènèral des Westerns, des films de Tarzan (avec l'athlétique Johnny Westmuller) ou de Laurel et Hardy que nous regardions assis en équilibre sur des chaises dont le moins qu'on puisse dire est qu'elles n'étaient pas confortables du tout. Quand j'ai vu le film "Nouveau cinéma Paradis" j'ai eu dans un flash l'impression de me retrouver là-bas...

   Et puis, pour intéresser ses paroissiens, notre curé organisait, avec l'aide des jeunes du patronnage, des spectacles dans la grande salle du presbytère. Des volontaires se donnaient du mal, comme acteurs, chanteurs et danseurs pour animer ces manifestations. J'ai participé à quelques-unes de ces représentations pendant un certain temps. C'était une manière de socialiser très efficace.

   J'ignore ce qu'il advint après 1962, est-ce que le bon père est parti pour une autre destination ? Ce qui est sûr, c'est qu'il nous a laissés un peu plus pauvres sans ses enseignements.

Florence, mars 2005.
Betty Reybaud


Alger, 195 ?




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Après mon baptême sur le banc devant l'église... De gauche à droite : mon parrain, Michel Pascal (il sera interné peu après dans un camp de concentration en Allemagne à Buchenvald dont il reviendra marqué pour la vie avec un numéro tatoué sur l'avant bras), ma soeur Ghislaine, moi, et ma marraine Maryvonne Tremelat, une bretonne)






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Après la communion solennelle, notez la pancarte !






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Là c'est à Notre Dame d'Afrique. Je suis au milieu, les autres, c'est Geneviève Perségol (à gauche vue d'où vous êtes) et Claudette Delmas (à droite).






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L'église, toujours vue de mon balcon après la construction d'un immeuble blanc sur la gauche passage Marcel Palat.






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Le père célébre un mariage...








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Les représentations théâtrales, moi c'est la première à droite... Oh, pardon, cette photo est coupée, je suis hors champ, cliquez pour me voir, tout à droite... Oui, c'est moi ci-dessous... Une fois la photo agrandie, vous pourrez découvrir, de gauche à droite : X - Anne-Marie Jauffrès - ? Loubières - Jeannine Salvi - X - Andrée Chouat - Andrée Saupagna - Et moi, Betty Reybaud.




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... Andrée Saupagna - Et moi, Betty Reybaud. À juger au buste plat, je dois avoir moins de 10 ans.