Les professeurs du collège du Champ de Manœuvres 
(oct 1947-juin 1953)

par Georges Salessy

en 1949

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Dans ce temple virtuel de la mémoire qu’est Es'mma, je souhaiterais, tant qu’il est encore temps, honorer le souvenir d’hommes et de femmes à qui je dois beaucoup de ce que je suis devenu : mes professeurs au collège du Champ de Manœuvres de la 6ième à la 1ère entre 1947 et 1953.

Ils ne sont, sans doute, pour la plupart, plus de ce monde, mais, les évoquer ici, provoquera (peut- être) une pensée émue chez d’anciens enfants et adolescents qui les reconnaîtront et qui, comme moi, leur doivent sans doute beaucoup… et me donnera, peut-être, l’occasion de retrouver des amis d’autrefois…

A cette époque, très proche de la fin de la guerre, le corps enseignant différait énormément de ce qu’il est devenu aujourd’hui pour mes petits enfants : à part les professeurs d’anglais et d’espagnol, il n’y avait pratiquement pas de femmes professeurs, et quant aux hommes, sans doute par suite de la guerre, ils avaient tous plus de 35-40 ans ce qui induisait, de la part des élèves, un niveau de respect qui paraîtrait bien étrange aujourd’hui.

Je vais citer des noms et des éléments de souvenirs qui se préciseront en passant de la 6e à la 1ère.

De sixième en troisième (1947-1951)

Des profs de Français d’abord : 

M Privat puis en 5e, Mr Hanoun, très rigoureux pour l’orthographe et la grammaire : il avait organisé un prêt de livres dans la classe et m’a donné le goût de la lecture.

M Tavernier, dit Tatave, le seul prof vraiment chahuté dans toutes les classes où il officiait, malgré sa cinquantaine, son allure de notable aux cheveux plaqués et ses costumes trois-pièces. Il venait "de métropole" et était choqué par notre accent (que l’on n’appelait pas "pied-noir" alors)... et avait eu la maladresse de le dire… il en résultait des chahuts mémorables, même chez des petits de 5ième, chahuts dont je n’ai retrouvé l’équivalent qu’en math élem avec un prof de philo à Bugeaud.

En mathématiques, deux figures :

M Paillous, lui aussi grisonnant, petite moustache, costume cravate, un accent du midi, il m’a donné le goût de la géométrie et des constructions "avé la règle et le compas"

M Thomas, de 4ième en 1ère, peut-être un peu plus jeune - on disait qu’il avait fait la campagne d’Italie - trapu, chauve, grande gueule, qui nous (me) terrorisait, n’hésitait pas à jeter en travers de la classe les cahiers qui ne lui plaisaient pas… mais disait qu’en mathématiques, "la loi à retenir est la loi du moindre effort" !

En dessin, une figure sortie tout droit des années 30 : 

M Grignon au moins cinquante ans, petit, chauve, le crâne brillant, on disait qu’il le cirait( !), un pince-nez en or... il insistait pour que l’on travaille proprement et débutait l’année par plusieurs leçons d’écriture script à l’encre de Chine. J’ai essayé, avec des fortunes diverses, de faire passer ces principes à mes enfants et mes "grands" petits-enfants…

En sciences naturelles : 

M Schlafmunter, nous a fait découvrir le monde des insectes et la géologie

 ici sur la photo de 4ième 1 de 1949

En géographie, une terreur : 

M Deville, très maigre, on disait qu’il avait été prisonnier, n’était jamais satisfait des livres officiels édités avant la guerre (le Demangeon ?  à la poubelle ! )…à l’époque nos parents devaient acheter tous les livres !! Il n’hésitait pas à arracher les pages des cahiers qui ne lui convenaient pas… mais il m’a appris ce qu’est, et à faire, une carte de géographie.

Lors des leçons sur l’Allemagne, il nous faisait écrire "Achtung" sous le titre !

Les profs d’Anglais :

C’étaient les seules femmes du corps enseignant, elles étaient jeunes et belles ce qui faisait fantasmer notre bande de chenapans :

Melle Jacaud-Gras en 6e, petite, boulotte et charmante,

Mme Bellot, une belle rousse aux yeux verts,

Melle Laffitte, elle aussi très belle dans mon souvenir, je lui dois de parler anglais, qu’elle en soit ici remerciée. Je me souviens de deux sorties de la classe organisées par elle, l’une au cinéma pour voir Hamlet avec Laurence Olivier, l’autre, sur le port, pour visiter un navire de guerre anglais. D’entendre, là, parler anglais (à l’époque, la chanson, la radio, étaient en français et il n’y avait pas de télé) m’a fait décider de le parler moi aussi un jour !

De troisième en première (1951-1953)

Des personnalités qui m’ont beaucoup marqué :

MM Yacono, prof d’histoire et géographie, Grosborne, prof de physique, Neveu, prof de chimie, Camou, prof de français, Santamaria, prof d’espagnol

M Yacono rendait l’histoire passionnante et, malgré un œil en verre, objet de quelques plaisanteries, tout le monde le respectait.

Au début de ces lointaines années cinquante, il nous sensibilisait aux liens entre la démographie, l’économie et l’histoire… je me souviens d’un cours en 52 ou 53 où, après avoir présenté l’évolution des populations en Algérie, il a conclu en disant : "ça ne pourra pas continuer comme ça.. il va se passer quelque chose.." !!

Je ne l’ai revu qu’une fois par hasard dans le métro à Paris en 58 quand j’étais élève ingénieur.

M Grosborne : je lui dois mon goût pour la physique, on disait que tous ses élèves étaient sûrs d’avoir au moins 13 en physique au premier bac !

C’était un bourreau de travail, il imposait le respect à tous, vêtu d’une blouse grise, derrière ses grosses lunettes d’écaille, il ressemblait à un droguiste !

En seconde et première il fallait se mettre en rang pour monter en amphi.

Il exigeait des cahiers impeccables et du quasi par cœur, tout le programme était décortiqué et, effectivement toutes les notes de la classe au bac ont été supérieures à 13 !

M Neveu, rougeaud, nerveux, prof de chimie, était plus approximatif et s’apparentait plus au professeur Nimbus.

M Santamaria, prof d’espagnol, plus jeune que ses collègues, grand, placide, très fin, il nous donnait goût à la langue et à la culture espagnoles. Je regrette encore aujourd’hui d’avoir jeté les cahiers où il nous faisait copier des poèmes de Lorca Unanumo, et autres grands auteurs espagnols.

Enfin M Lucien Camou, professeur de français en seconde et première, le cheveu gris et rare, le regard vif derrière des fines lunettes, il avait des airs de Louis Jouvet.

Lui aussi avait une réputation de sévérité, mais son enseignement était d’une efficacité redoutable.

Il nous apprenait, sans jargon, à mettre nos idées en ordre, à les présenter en français, à porter des jugements étayés par des arguments et des citations.

J’ai appris sa mort dans France-Soir en 58 ou 59 quand j’étais étudiant à Paris, il s’était suicidé, déchiré par le drame de la guerre, son épouse, kabyle, était institutrice dans le groupe scolaire voisin…

J’aimerais retrouver cet article……

Georges Salessy - Mai 2005

 

M Roque professeur d'histoire et géographie

 ici sur la photo de 2ième 1 de 1951

 

M Staropoli professeur de français-latin

ici sur la photo de 6ième de 1956

 

à vous de compléter

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