CLIC-CLAC - PLANCHE 2

Les Nijinski du Rollei
Ballet-miroir en écho
des propos de J.P. Follacci


par Jean-Louis Jacquemin

" A l'affût sur les trottoirs..."

  Magie du verbe.. D'un simple mot Jean-Paul réveille des foules, et de danser devant mes yeux, automates ranimés par sa baguette magique, le ballet empressé des Nijinski du Rollei, au milieu de la foule qui soudain se réveille, sur les trottoirs oubliés de notre bonne ville ensoleillée.

  Bon photostoppeur, comme bon chien, chasse de race. A l'affût, certes ! mais, à chacun son flair et sa méthode pour séduire le client : question "broumitch" ils en faisaient des tonnes, les bougres !.. Enfin, pas tous..

  Il y avait les vrais "pros" : robots-experts dépassionnés qui tiraient dans le tas et mitraillaient à froid ; Ils tendaient le ticket sans même tourner la tête, cadrant déjà les successeurs ; Si impersonnels qu'on les croyait à peine : la photo, souvent, restait " poche-restante " avec le ticket négligé.. Dommage ! c étaient les meilleurs !.. Car ils triaient dans les clichés : voleurs privilégiés d'instants magiques..

  Les faux "pros" en faisaient beaucoup plus ; impérieux, fébriles, sourcil tendu par l'effort, ils reculaient devant vous pour " attraper le meilleur angle " et vous tendaient le ticket d'un geste sans appel, avec une mimique qui semblait dire : "pas de blague, surtout ! c'est un chef-d'oeuvre !"

  Les racoleurs y allaient "à la tendresse", faisaient ça au béguin, séduits par votre charme.Ils prenaient la "photo de leur vie" (par chance, c'était la vôtre !) et vous tendaient, d'un air contrit, le nécessaire viatique pour acquérir un tel bonheur, presque en s'excusant : il faut bien vivre, que voulez-vous !..

  Il y avait les petits malins, à qui on ne la fait pas, qui faisaient semblant de vous prendre en tournant la manivelle comme " de vrai " mais ne prenaient vraiment la photo que quand on avait dit "oui", ticket en mains (en vous faisant repasser, bonjour la spontanéité !) et demandaient en plus des arrhes, par prudence..

  Ils donnaient des idées aux vraies crapules, (carrément l'arnaque) : bon chic, bonne mine et Rolleiflex en bandoulière (pour faire sérieux), qui cadraient avec soin, (de par en dessus, on est Rollei ou on ne l'est pas..) et demandaient de payer d'avance, à cause des frais. Ils distribuaient des tickets bidons, recyclés de maisons sérieuses (où on ne les connaissait pas) et disparaissaient le jour même pour changer de quartier ou de ville, après un maigre butin.

  Il y avait aussi les méritants, les tristes, les besogneux et les timides, les humbles et les calamiteux (à Oran bien sur !). Ma mère, bonne âme les préférait aux autres et leur extorquait presque les clichés qu'ils n'osaient pas lui proposer en insistant par commisération. Ils se débrouillaient pour rater la photo (j'en ai de pleins tiroirs !) ou pour paumer la pelloche, rien que de l'émotion !

  A l'heure dite on passait chercher l'épreuve dans quelque bureau de tabac servant de relais ; On s'en amusait !.. Elle trônait une journée, sur le buffet de la salle à mangerÉOn la montrait aux amis.. On riait ensemble.. Le lendemain elle partait dans un tiroir : la vie c'est tellement mieux !

  Mais les vendeurs de rêves, faiseurs d'éternité, imperturbables et entêtés, continuaient à bâtir nos archives par ces instants volés, gravés dans l'éphémère légèreté du Temps.

C. Jean-Louis Jacquemin
Verdun sur Garonne, Mars 2003.

Tout est blanc dans la Ville Blanche
L'air est blanc,
Le haïk est blanc,
Les chemises, les chaussettes, les shorts sont blancs,
Tout est blanc...

(pris sur le trottoir des Faiseurs de rue Michelet)

13 octobre 1947, rue d'Isly
Lycéens de Gautier en vadrouille
(le postulant Pointer rajuste sa cravate !).

13 octobre 1947 : le même continue son chemin... Il est maintenant devant la Grande Poste (derrière lui, le début du boulevard Bugeaud).

2 "photostops" le même jour !

Ma mère et moi rue d'Arzew à Oran en 1950.
Au dos on voit le tampon

"Liberty - Film"
Place d'Armes
PAYÉ 30 F

Très émouvant pour moi...
En 1946 ou 1947 sur les trottoirs d'Oran avec "Adjane" (tenant dans ma main "Hardi présente Donald").

Fatma, qui était la secrétaire médicale et la femme de confiance de ma Mère était pour ma soeur et moi une sorte de nounou affectueuse et attentive, presque une grande soeur qui nous promenait volontiers. Nous l'aimions beaucoup.

Mon père, Pierre Jacquemin photographié "au posé" sur le port par un photostoppeur qui faisait systématiquement les arrivées et les départs. Chose curieuse il coupait toujours les pieds.

Voleur d'instant magique... et faiseur d'éternité

Place Bugeaud en 1947 : au sortir de son exposition le peintre Augustin Ferrando entre mon grand-père qui me donne la main (c'était son meilleur ami) et un autre peintre d'Alger. Ferrando a joué un grand rôle dans mon amour pour la peinture et les peintres.