BONNE ESMM'ANNÉE 2008
À TOUS LES ES'MMAÏENS


de
Jean-Louis Jacquemin


Promenade virtuelle en Esmmaïe, en guise de voeux,
avec une illustration de Jibé en guise d'étrennes



   L'Es'mmaïen s'enhardit chaque jour davantage. Le Paysage de l'Es'mmaïe y gagne en couleur, en odeurs et en saveurs. Promeneur centrevillois nonchalant et rectiligne, voilà qu'il arpente maintenant Belcourt et le connait comme sa poche. Il découvre que les bovidés, comme le gaz, y sont à tous les étages et que des pastéras fleurissent dans la pénombre de salles à manger désormais fort utiles. Rentrer du "Travail", qu'on respecte bien trop pour l'appeler boulot, y expose à plus de tribulations, d'accolades et d'embrassades qu'un premier Janvier d'année bissextile à Paris. Je ne parle même pas des effluves de cuisine... Ils ont traversé la Méditerrannée sur des paëllas qui ont la taille de soucoupes volantes et surfent à tout va sur le Net. Comme des fourmis obstinées les fantômes tétus et joyeux de notre jeunesse passent et repassent à nouveau devant nos commerces et nos boutiques, font la causette à nos coiffeurs et se délectent devant les affiches de nos cinémas qui sentent bon les années cinquante. Un air délicieusement frais flotte à nouveau dans ces rues réouvertes à la circulation où badauds, chalands et bateleurs de tout poil ont repris du service par la magie d'EsmmaJibé. Ce petit monde grouille de vie. Le Génie (breveté SGDLLDB) apporte une eau généreuse à tous ces moulins qui ne demandaient, depuis bien longtemps, qu'à tourner et, croyez moi, il ont du grain à moudre.

   La vieille carte postale en passe de jaunir y reprend plus que des couleurs.

   A l'autre bout de la ville, tout près de Bab'el Es'mma, la terrasse de "Chez Gégé" supplante, au bord de l'eau, l'Otomatic, le Novelty et même ce bon vieux Tantonville. Nouveau rendez-vous incontournable, c'est la foule dans ce Bar du LO : on s'y presse de toutes parts, on accourt des quatre coins de l'Europe avec des sourires ravis et même des lointaines Amériques avec des dents de crocodile et les sourires idoines. Tout ce petit monde débordant de vie se hèle, s'apostrophe, s'interpelle, se tape sur l'épaule ou dans les mains, s'exclame et même parfois se déclame à qui mieux mieux. Le ton est vif mais bon-enfant : les répliques sonnent et se croisent dans le désordre de voix qui fusent bien plus souvent au bénéfice de la Cantonade (cette vieille amie), qu'en réponse à telle ou tel. Ce carrousel est permanent et il est addictif. Essayez de vous en arracher ne fût-ce qu'un week-end : vous vous ruez Lundi matin sur le clavier pour découvrir que vous manquiez déjà et qu'on s'y inquiète énormément. Le Patron est heureux de tout ce tintouin et il est magnanime. Passée la kémia, voilà qu'il se met maintenant à servir, et à gogo, de la Tranche Grosoli (1) qu'on peut manger par les deux bouts et même en commençant par le milieu ce qui en fait un bonheur sans mélange.

   Fantômes ? Pas tant que ça ! La boîte à joujoux qui s'est réveillée sur la toile n'a rien de cet éclat sans tain que filtre la litanie des souvenirs figés. Les marionnettes qui ont notre visage "d'avant" ont échappé au Deus ex machina qui les a ramenées à la vie. Elles pétillent de plaisir et d'envies. Et puisque l'abstraction du net permet toutes les folies, elles s'en donnent à coeur joie. C'est la vie même et comme la Vie, elle crée. Elle en reveut, la foule, de sa ville d'Ys et de son parfum de jeunesse ! Ce monde bien réel qui a attendu 40 ans au fond de l'eau a ses règles dites et non dites, ses codes d'honneur très ombrageux et même son garde-champêtre qui serre l'Avisse à tout le monde. Juste pour se souvenir qu'on est passé de l'autre côté du miroir, un Robot sécateur au parler métallique et à la démarche saccadée coupe le sifflet à bon escient et même parfois à son bon plaisir, histoire de bien prouver qu'il en a dans le delco et qu'il ne faudrait pas trop lui caler les manettes.

   Le miracle d'Es'mmaïe est un miracle têtu. Ce parfum a retraversé la mer et, sur place, il réveille les envies de quelques narines désabusées qui se demandent si elles ne sont pas descendues du céféra au mauvais arrêt. Il y a désormais deux Alger qui se regardent dans les yeux et bien malin qui dira lequel fait les yeux les plus doux à l'autre.

   Es'mmaïens, ne doutez jamais de vous ni de l'Es'mmaïe. Vous avez rouvert la boîte de Pandore et, au XXI ème siècle, la facétie du virtuel empêche les délectations de l'âme de repartir dans la fumée des songes. Vos petits ou arrière-petits enfants pourront demain mettre, à la carte, les cassettes Cyber-Es'mma sur leur play-station et s'en donner à coeur joie. Ils iront se faire une toile à l'Alhambra ou à l'Empire, ou selon l'âge faire un tour sur les ânes du Square Bresson ou une virée au Mont Riant. Ils musarderont plus tard rue d'Isly, s'attableront à l'Otom ou à la Cafet', et rêveront à la sortie de nos lycées tandis que les pères sourcilleux surveilleront leurs lycéennes du coin de l'oeil et de l'autre trottoir...

   Cette play-station nous l'avons, nous, dans la tête. Elle nous permet une délicieuse schizophrénie.

   En attendant, regardons quand même autour de nous. La France est si belle, elle aussi, et nous l'avons tant aimée ! (mais si, souvenez vous, nous l'avons même chanté à en défaillir d'émotion...). La seule différence c'est qu'avant on y partait en vacances tandis que maintenant quand on part en vacances, c'est sur Es'mma et c'est nulle part ailleurs.

   Je vous souhaite à tous une excellente année 2008, à commencer par l'indispensable santé qui est priée de nous "fiche la paix". Pour le reste et pour la joie de vivre je ne me fais aucun souci : l'élixir du "Bon Jeanjean" (2) est en vente libre sur Es'mma et ça dériderait même les plus récalcitrants.

   Avec mes voeux les plus chaleureux de bonne esm'année à tous,

   Jean-Louis Jacquemin, 15 Janvier 2008





   (1) Oui, le patron m'a déjà fait goûter à sa nouvelle spécialité, patience, il l'inscrit à sa carte d'ici quelques jours...

   (2) Je viens de découvrir avec amusement que le sympathique et éprouvé "Elixir Bonjean" bien connu des ripailleurs et les dyspeptiques, existe toujours en pharmacie et en vente libre. Cette savante décoction de mélisse, d'orange amère, d'anis, de cumin et de cachou, qui titre tout de même ses 18° d'alcool, n'a pas son pareil pour faire passer les lourdeurs d'une trop copieuse digestion avec toute la bonne conscience d'une mesure réputée médicale !