Vous êtes quelque part entre 1900 et 1910, place Général Sarrail (mais elle ne porte pas encore son nom, le général est encore vivant, il le sera jusqu'en 1929). Vous tournez le dos à l'immeuble où bientôt, en 1915, va habiter Henri (le n° 2 rue de Lyon), et vous regardez la rue Sadi-Carnot, en direction de l'Agha. Sur la droite, un dédale de ruelles, de cours, d'impasses (cité Barthe, cité Larade), le coeur de la commune de Mustapha récemment annexée à Alger. Là prospère humblement tout un petit peuple d'artisans et de commerçants, industrieux et cosmopolites. Un monde que cinquante ans plus tard nous ne connaîtrons plus. Le futur "petit lycée de Mustapha", futur lycée Gautier, est quelque part un peu plus loin sur la gauche. Le parc à fourrage est à gauche de la placette, et juste après c'est l'hôpital civil. Pour monter à l'hôpital, vous prenez l'avenue Maillot (plus tard avenue Battandier), c'est la première à gauche dans la rue Sadi-Carnot. Vous pouvez pas vous tromper...
Plan de 1917
le café de la Bourse;
le n° 2 rue de Lyon où habita Henri;
notre lycée, pas encore Gautier. Devant le café de la Bourse, on voit bien le point noir qui matérialise le petit "kiosque" au rond-point où se séparaient les lignes de tramways en provenance de l'Agha, vers Belcourt par la rue de Lyon, vers le Hamma et Hussein-Dey en suivant la mer. A noter que l'avenue Battandier s'appelle encore avenue Maillot. En "78" : le marché de la rue des Colons. En "79", l'ancienne mairie de la commune de Mustapha.
Plan de 1957
A droite, faisant l'angle, le "Café de la Bourse". Le tram qui en face de nous arrive en haut de la "côte de Mustapha" a pour destination la station "Nouvel Ambert" à Hussein-Dey. Il va donc tourner devant nous et partir vers notre droite. Et suivre le front de mer par la rue Sadi-Carnot. Sur la placette à gauche, une cahutte plutôt indistincte, puis une guérite genre factionnaire, et un édicule-réclame à toit en pomme de pin "Chocolat Menier". Au mileu du carrefour, une drôle de tonnelle circulaire, comme un chapeau chinois, qu'on retrouvera sur la carte postale n°6. |
Carte postale 1
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Le même endroit, à une époque différente. Sur la placette, l'édicule en pomme de pin "Chocolat Menier" est toujours là, ou déjà là ? A gauche, l'entrée d'un dépôt, surmontée d'une enseigne : "Koppel, chemins de fer portatifs et fixes". Le tram de gauche, ligne 15, a pour destination "Platanes" (?). Celui de droite, ligne 504, porte sur le toit une réclame pour le chocolat Menier. La carte a été postée en 1914. Leopold, son expéditeur, écrit : "Lévy est amusant. Il se figure qu'avec l'adresse qu'il m'a donnée, on peut trouver une personne à Alger où il y a 180.000 habitants. Des cinémas en plein air, il n'en manque pas ici, à toute terrasse de café il y a cinéma. Il y a aussi les jardins cinémas". Léopold a-t-il retrouvé celui ou celle qu'il recherchait? Jamais on ne le saura... |
Carte postale 2
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C'est à gauche le même immeuble que ci-dessus, le n° 76 rue Sadi-Carnot. Au rez-de-chaussée, sous la hampe au drapeau, c'est le bureau des Postes et Télégraphes (c'est écrit au fronton et sur le verre de la lanterne). Juste après, dans le même immeuble, c'est (en 1922 en tout cas) la "Pharmacie populaire" (tél . 12-40, d'abord E.Guisini, puis Sobolewski). Transition grâce à l'auvent à rayures plus loin sur le trottoir de gauche... |
Carte postale 3
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...l'auvent à rayures du trottoir de gauche : vraisemblablement celui du "Café des amis" de Fernand Dieudé, au n° 72. A l'angle, juste avant de traverser l'avenue Battandier (encore avenue Maillot) : P.Débernardi, "Droguerie de la Poste" (au 70 bis). Et au n° 70 (à l'autre angle avec l'avenue Battandier), la pharmacie Surleau (Léon de son prénom). Sur le trottoir de droite, côté impair...
Un peu plus loin, au n° 79, le "Café de la Poste", de Jean Spenato, le restaurant populaire" de M. Chiche, et les locaux de deux "sociétés" : "L'Union Sportive Algéroise" et "L'Avant-Garde". Toujours au n° 79 : "Aux Caves Populaires", vins et liqueurs (G.Boulle). Au n° 77 signalons un coiffeur, G. Leuwers. Au n° 75 le "Restaurant des Postes et Téléphones" (J. Bénéjean), et aussi l'entrée de la cité Larade, plus tard "Impasse Vergniaud" (selon Henri, mais le guide la donne au n°69). C'est en 1891 que Démétrio Garcia, l'industrieux et entreprenant papa d'Henri, a créé, cité Larade, un petit atelier de serrurerie. Lui et sa femme Grace Marie, épousée le 16 juin 1894, ont d'abord habité ici. Au n° 71 : la "Grande Pharmacie de Mustapha" (tél. 27-51, Aguilar, puis M. Porte). Au n° 69, faisant l'angle avec la rue du 4 septembre, Oliver |
Carte postale 4
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Henri Garcia. |
Petit coup de zoom arrière, et revoici, à droite sur la carte, la Brasserie-Café de la Bourse. La carte est datée du 1er janvier 1905. Il n'y a pas un an que la commune de Mustapha a été réannexée à Alger. La carte a été achetée par son expéditeur "à un brocanteur, au café-glacier". "Serait-ce trop vous demander, écrit-il à sa correspondante, madame Armandine Bouquier à Bévarieux, dans l'Hérault, que vous prier de m'envoyer au plus tôt deux ou trois serviettes de toilette, en un ou deux paquets, par la poste". Sur le trottoir de droite, au troisième immeuble après le "Café de la Bourse" (au n°81 de la rue Sadi-Carnot), juste derrière les deux premiers arbustes, l'auvent de toile porte la mention "COIFFEUR". Il s'agit du salon de G. Leuwers. Devant le premier immeuble après le "Café de la Bourse", sur le trottoir, des tables et des chaises, c'est le "Bar des amis" de Jean Ferrandis. Encore un peu plus loin sur le trottoir de droite, on traverse l'impasse Vergnaud puis la rue du 4 septembre, et c'est l'ancienne mairie de Mustapha (aujourd'hui en 2001 : une école). |
Carte postale 5
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Zoom arrière à nouveau, on se sert comme axe du kiosque des trams de la carte n°1 ci-dessus, et on pivote sur la droite pour découvrir la suite de la rue Sadi-Carnot qui se cintre autour de la Brasserie de la Bourse (à l'extrême gauche de la carte) avant de se lancer vers le Hamma et vers Hussein-Dey, par la route du littoral. Les deux trams sont ceux de la ligne 41. Celui de gauche indique sa direction : Alger.
Le "Café de la Bourse" est au n° 83. Au même numéro, le détaillant de tabacs, c'est D. Hattfoud. En continuant sur le trottoir de gauche, on trouve successivement (et sans pouvoir tous les citer) : le "Salon Ideal" (Padonavo, coiffeur ET tabacs), et le "Bar des Trois Frères" d'Antoinette Di Pizzo au n° 85. Au n° 89 : Céleste Principato, coiffeuse, l'épicerie de Bayoul ben Brahim, surnommé "Bayot", et la "Quincaillerie des Industries" (Sauzay et Weddell, tél 2.39). Au 91, le "Bar des Boulomanes" de Jules Decocq, et le "Salon du Printemps" salon de coiffure de L. Padovano (oui, encore). C'est juste après le n°91 que débute la rue des Colons. Les impasses Locquimbert puis Warot partent un peu plus loin à gauche. Au 93: le "Café de France" de Clément Forest; au 95 c'est la boulangerie de Vincent Brionès. Au 97: "Café de la Nouvelle Garnison" de François-Brinès. Au 99, un épicier (J. Banus); au 101 un cordonnier (F. Parraléja). On pourrait encore continuer comme ça longtemps. Aux gens, aux lieux qui ont disparu, on aime bien redonner leur nom. Si on continue, au n°133, on sera à la hauteur de la rue Général Farre (actuelle rue Attar Bachir), longeant le mur de l'Arsenal, à peu près à la hauteur des Bains Tivoli. Au-delà, c'est le Hamma, on n'est plus au Champ-de-Manoeuvre. Pour aller plus loin, rendez-vous sur le site Internet de nos amis du Hamma ( http://aparte.com/lehamma). |
Carte postale 6
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La mémoire d'Henri, plus l'annuaire Fontana Frères de 1922, ont permis de resituer commerçants et habitants du début du XXème siècle. Il peut y avoir à cause du temps qui passe, des inexactitudes dans les attributions des commerces, on verra à corriger par la suite...