RUBRIQUES "NOS CHAMEAUX" ET "NOS CIGOGNES" RÉUNIES

L'UN DE CES CHAMEAUX EST UNE CIGOGNE !

FOIRE D'ALGER, 23 AVRIL-12 JUIN 1921



Publié dans les "Kémias XV" (10/02/07)




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   Voilà quelque temps, j'avais acquis sur l'Internet quelques cartes postales représentant des vues de la première grande Foire-Exposition d'Alger d'après la grande guerre, en 1921. Deux de ces cartes représentent des chameaux destinés à promener des visiteurs dans l'enceinte de la Foire. Je m'étais dit qu'elles viendraient avec bonheur alimenter la rubrique "nos chameaux", le principe de nos rubriques étant que l'on y parle, si possible, seulement de ce qui est algérois, et, comme vous le savez, le chameau algérois est un ingrédient assez rare. Mais c'était sans grand enthousiasme, parce que ces cartes ne racontaient pas grand'chose sur la vie des gens.

   Je me suis donc décidé à aller fouiner dans les archives de l'Écho d'Alger, histoire de vous raconter un jour comment se déroula cette Foire-Exposition de 1921, où, vous pouvez en être certain, vos parents ou vos grands parents se sont rendus. Elle fut l'ancêtre de celles où mes parents me conduisaient dans les années 50, et dont je revenais émerveillé, encombré de visières en carton, de buvards, de prospectus, fleurant bon l'encre et le vernis tout frais, que mon frère et moi ramassions sur les stands avec pour seul objectif d'en accumuler un maximum... Et voilà que je tombe sur un fait-divers qui à la fois nous parle de ces chameaux, et nous raconte une assez jolie histoire...

   La Foire a ouvert depuis déjà presque un mois. Quotidiennement, sous le titre "Foire-Exposition d'Alger", l'Écho d'Alger rend compte des multiples activités qui s'y déroulent. Et voilà que le 18 mai 1921, après avoir abordé les épreuves d'équitation, les prestations de l'Orchestre Metot-Verkerk (qui aujourd'hui va interpréter une douzaine de pièces musicales), le concours de bébés et de beauté enfantine, le grand concours de chant, celui de tir, celui de "la plus jolie femme d'Alger", après avoir rappelé qu'un auto-car est mis à la disposition du public au départ de la rue Waïsse et de la Foire, que "la soirée des dames" (accompagnées d'un cavalier) c'est ce soir, au prix d'un seul ticket pour deux, le compte-rendu se termine par ceci :

   Non, pas plus que vous je ne sais qui est cet Albert... Un autre bébé né dans l'enceinte de la Foire quelque temps plus tôt ? Peu importe. Bon, à partir de là, il n'y avait plus qu'à scruter les compte-rendus des jours suivants afin de savoir si le journaliste allait tenir sa promesse, et allait bien nous donner une suite. LA SUITE, LA SUITE, LA SUITE !!! Eh bien oui, la suite a fini par arriver. Dans l'Écho d'Alger du 2 juin, je vous laisse lire :

   L'un des deux chameaux que l'on voit sur la carte postale du "stand kabyle" aura donc bien été la sage-femme qui, du fait de ses "mouvements gigantesques" (comme dit l'article), mit au monde Mauricette. Un chameau qui fait la cigogne pour apporter un petit Taureau (oui, c'est le signe astrologique de Mauricette), c'est un zoo pas banal.

   Ce fut un évènement charmant, dont on peut tirer : 1/ que les promenades à dos de chameau sont à déconseiller fortement aux femmes enceintes de trop de mois, 2 /qu'il vaut mieux ne pas tomber aux mains de braves gens trop pleins de bonne volonté quand on est un bébé abandonné, on risque vite fait-bien fait de se retrouver, et de un, baptisé (chrétien ou pas), et de deux, baptisé "Mauricette" pour le reste de ses jours ; 3 / enfin que "dans la vie faut pas s'en faire", comme ne cesse de le seriner la chanson avec laquelle triomphe Maurice Chevalier en cette année 1921, ce qui n'est sans doute pas étranger au prénom dont on affubla la petite lors de son "ondoiement".

   Mais oui, Mauricette, "ces petites misères sont bien passagères ! Aujourd'hui Mauricette doit avoir... 86 ans. Sa vie, commencée comme une comédie légère, et sous les feux des médias, se sera t-elle passée sans trop de petites misères ? Le saura t-on jamais ?

Le GDLLDB.



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