Jacques Burel et la 6ième A2 




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par Georges Lévy 

Ces jours derniers, j'ai retrouvé, à ma grande joie, une peinture à la gouache, datant du Lycée Gautier, année 1949, classe de 6iàme-A2. Presque hier...

C'était un choix libre de travail de maison, qui m'avait été inspiré par un marchand de beignets, qui était pour mon frère et moi, revenant le soir des Groupes Laïques, la récompense après l'effort du sport.

Peut-être était il situé rue de Lyon, du côté du Champ de Manœuvres, j'en suis incertain. Par contre ma mémoire gustative est encore imprégnée du miel de ces "makrouds" fourrés à la pâte de dattes, et surtout de ces brûlants beignets sortis du feu du four, comme dans ce dessin.

Jacques Burel, notre professeur, et surtout notre ami, fut enchanté de ce modeste travail, et donc, comme il en était de règle, l'épingla au mur, pour toute la semaine. C'était une grande récompense.

Je le revois, participant à nos créations enfantines, s'asseyant derrière nous sur le chevalet, et corrigeant ça et là, un trait gauche, ou une couleur dissonante, de ses longs doigts jaunis de nicotine.

Dans les années du bac, il me confia la clef de cette grande classe baignée de lumière, pour me permettre de dessiner des plâtres à volonté, en dehors des heures régulières. C'était un grand privilège. Les chevalets, alignés en rangs, face à l'estrade, le sujet à dessiner ou peindre, sur un piédestal, recevait sur la gauche l'éclairage naturel des grandes baies vitrées, qui faisait ressortir les ombres.

Un jour, il décida que ce serait la Compo de dessin, s'assit, la chaise sur l'estrade, croisa les jambes, et les mains sur les genoux, fut le modèle pendant une heure, sans bouger.

Ce dessin, je le cherche mais en vain. Encore une victime de la guerre. Ce fut le plus réussi de ma vie scolaire.

Burel, en pantalon de velours couleur tabac ,le front dégarni, et les cheveux blonds coiffés en arrière à l'artiste, les yeux bleus, les pommettes saillantes, un vrai fils de la Bretagne, le regard tourné vers Ouessant, devant une classe de sixième attendant la recréation.

Lors d'une visite chez un camarade, Jean Boasis, dont le père était Chirurgien-dentiste, et habitait aussi rue Sadi-Carnot, presque en face de chez nous, je vis accroché dans la salle d'attente, deux petits tableaux, portraits à l'huile de son père, et l'autre de sa mère, bien sûr très ressemblants, mais tellement conventionnels et différents de sa peinture imaginative. Mais il lui fallait vivre...

Sur Internet, il y a plusieurs sites commentant ses expositions, et ses livres illustres, mais évidemment, le travail de Georges Busson sur E'smma est le plus émouvant.

Ce dessin, que j'avais surchargé de plusieurs couches de Pebeo, je vous le confie en souvenir de ce véritable ami.

 

J'ai appris, par le livre d'Or, que notre bon ami Jean Boasis est décèdé en 1982,apres une grande lutte contre la maladie. Nous sommes un peu comme le carré d'Austerlitz, à qui Napoléon, à chaque brèche qui laissait un vide ,criait "SERREZ LES RANGS".


Georges Lévy - Tel-Aviv - Janvier 2006

la photo portrait de fond de page datant de 1956 nous a été communiquée par Georges Busson

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