ALETTI, MAI 1953

Es'mma lève le rideau sur la question qui nous brûle tous les lèvres…

Comment passer l'été à "la Ville dans la Ville" ?


"La terrasse (du Cintra),
avec la brise qui se lève vers onze heures et vers dix-huit heures,
avec son prolongement de jardins en pleine floraison,
au carrefour le plus animé d'Alger, deviendra pour vous une habitude.
Vous y écouterez, de 18 h. à 20 h. et de 21 h. à 22 h.
l'excellent "Orchestre Symphonique du Casino".




   Maintenant que nous y arrivons, je vais vous faire un aveu : la meilleure saison, pour habiter "la Ville dans la Ville", c'est l'Eté ! Au premier abord, cela vous semblera un peu paradoxal. Mais si vous réfléchissez au temps qui a été mis à découvrir le charme de la Côte d'Azur l'Été, vous ne serez pas surpris que celui de la côte Nord de l'Afrique soit resté longtemps incompris. C'est une simple question de distance, par rapport à Paris. Les distances allant en s'amenuisant, avec les moyens actuels, le fait d'être à quatre heures de la Capitale, au lieu de deux, ne change pas grand chose aux possibilités d'un déplacement. L'essentiel est de pouvoir compter sur le même climat, à Alger qu'à Nice : ce dont je puis vous assurer. Reste à être certain du même confort : nous allons vous en donner une idée.

   Il y a d'abord une position géographique, pour l'Aletti, absolument imbattable. Il est ouvert, en pleine rade, à la brise du Nord et de l'Est ; il est protégé des vents du Sud et de l'Ouest par la ville d'Alger et ses collines.

   L'hôtel est au centre de tout un réseau de plages, au bord de toutes les distractions qu'offre la mer : yachting, canotage, pêche, etc. Enfin et surtout, la "Ville dans la Ville" a une organisation d'Eté, longtemps étudiée, mise réellement au point à partir du 1er juin de cette année, que nous allons détailler.

   Commençons par l'hôtel. Bien n'est changé quant à son confort d'hiver si ce n'est que les courants d'air y deviennent bienfaisants. Même service permettant à toute heure, jour et nuit, d'obtenir ce que l'on désire dans l'appartement. Mêmes facilités, quant au bureau de voyages, en s'adressant aux concierges, de même que pour une location d'automobile, avec ou sans chauffeur. Si vous avez l'esprit vraiment original, désespéré de ne pouvoir ressentir une impression d'Afrique, à l'Aletti au mois de juillet ou bien d'août, vous pourrez louer une voiture pour Biskra. Vous en reviendrez convaincu.

   D'alleurs, on parle souvent du "Soleil d'Afrique". Cette appellation laisserait entendre qu'il y a plusieurs soleils, Nous tenons à rappeler qu'il n'en est qu'un, quant à la terre et qui "luit pour tout le monde", suivant l'expression consacrée par l'usage. Mais seules les personnes spécialement douées savent l'apprécier en Afrique. Elles l'y recherchent justement l'Eté, parce qu'il y est plus constant que dans la métropole et favorise, par exemple, les entreprises cinématographiques.

   Passons à la "restauration", comme dit notre directeur général, en ajoutant : "Je ne veux pas parler de celle de 1815, parce qu'ici nous ne faisons pas de politique !".

   Le "Chantecler" sera fermé le 16 mai. Pleurs et grincements de dents, chez quelques-uns. Il n'y a vraiment aucune raison. Le même jour, ouvrira le "Grill-Room-Cintra". Je ne vous conseille pas d'y venir en short, bien que vous soyiez absolument libre d'y accéder ainsi. Mais je vous préviens qu'il est puissamment réfrigéré. L'organisation de l'année dernière y est perfectionnée, dans tous les domaines. Le grand bar aura, le matin, une cuisine de la qualité identique à celle du "Chantecler". Grâce à des progrès d'ordre intérieur, qui ne vous intéressent pas, vous y trouverez le même excellent service. Très rapide, pour les hommes d'affaires ; aussi lent que le désireront les amoureux, qui recherchent la fraîcheur, l'Été.

   Avec cela, le Cintra reste le plus grand bar de la maison. Les environs en sont charmants.

   La terrasse, avec la brise qui se lève vers onze heures et vers dix-huit heures, avec son prolongement de jardins en pleine floraison, au carrefour le plus animé d'Alger, deviendra pour vous une habitude. Vous y écouterez, de 18 h. à 20 h. et de 21 h. à 22 h. l'excellent "Orchestre Symphonique du Casino".

   - "Mais où mangera-t-on le soir ?"

   - "Enfin, voyons ! Au Baccara !"

   - "Je déteste le jeu !"

   - "Qui vous demande de jouer ?" Personnellement, je n'aime pas le jeu non plus, sauf le bridge et les courses, bien entendu. M'avez-vous vu jouer au baccara ou bien à la roulette, à Alger ?"

   - "Non c'est vrai ?"

   - "Et où vais-je dîner, presque chaque soir ?"

   - "Au Baccara ?"

   - "Naturellement ! Où voulez-vous être mieux, l'été, que dans cette magnifique salle réfrigérée, avec ses rideaux qui évitent la réverbération ? La nuit, vous aurez le spectacle grandiose de la rade d'Alger. La cuisine sera la même que l'hiver au Chantecler, l'été au Cintra : c'est-à-dire, la première de l'Afrique du Nord. Et rien ne nous fera plus de plaisir, devant cette affirmation orgueilleuse, que lorsque vous irez ailleurs chercher un point de comparaison…"

   - "Oui, mais il y a des formalités : il faut remplir une fiche…"

   - "Ne vous inquiétez pas de cela : les règlements seront respectés, tout en vous évitant la plus légère des peines. Je suis partisan de la protection des non-joueurs. Dans un autre Casino Municipal, un aveu de cet ordre pourrait m'attirer des ennuis… Mais ici, où les Jeux "tournent" du 1er janvier à la Saint-Sylvestre !"

   - "Et le Studio, il reste ouvert ?"

   - "Bien entendu ! En tout cas jusqu'au 8 Août. Ensuite, vous aurez le Colisée. Vous l'aurez d'ailleurs en même temps aussi et également réfrigéré. Les gens s'y sont plaints du froid au mois d'août dernier".

   - "Et les Clubs ?"

   - "Devant l'éclatant succ&eagrave;s du Club des Indépendants, notre conseil d'administration a décidé de ne pas le fermer l'Eté. Mais ses quartiers d'Hiver étant incompatibles avec la saison, le Club des Indépendants s'installe au Nord-Est, dans le cadre merveilleux du Chantecler et de son nouveau bar".

   Enfin, une alliance ayant été conclue avec l'Aletti-Sporting-Club, les bridgeurs occuperont une partie de notre grand restaurant saisonnier. Il y aura une séparation, malgré laquelle on prévoit que bien souvent on entendra le barbarisme classique :

   "Bridge veut dire silence !"

   Soyez donc assurés de voir légitimer, avec le souci d'une mise au point parfaite, notre devise d'été :

   "Panem et circenses !"

   Il me reste à attirer l'attention, en particulier masculine, sur certains points qui rendent le séjour de l'Aletti, l'Eté, préférable à l'Hiver.

   D'abord, on ne s'habille pas. Ce n'est pas que j'apprécie particulièrement le port de certaines chemises, pendant sur le pantalon, comme un drapeau en berne. Mais il en est qui sont esthétiques et, en tout cas, si agréables à porter !

   Ensuite, il n'y a plus de vitrines. Diminution évidente d'un certain risque pour les maris qui ne sont pas encore en vacances, c'est-à-dire qui restent en compagnie de leurs femmes.

   Au sujet des vitrines, que l'on me permette d'ouvrir une parenthèse. Le dessin de Jean Brune vous montre, messieurs, certains de l'impunité quant aux dépenses féminines et devisant avec désinvolture en fumant, égoïstement d'énormes cigares. Croyez-moi, c'est reculer pour mieux sauter. Des indiscrétions font prévoir une offensive, préparée soigneusement à Paris en ce moment ! À l'automne, messieurs, vous ferez moins les malins. Les vitrines, comme la nature, ont horreur du vide. Ce sera votre tour de vous réjouir, mesdames.

   Pour en finir avec les avantages de l'Été, qu'on me pardonne d'avouer l'immense satisfaction personnelle que j'y trouve :

   II n'y a plus de " Revue AIetti ".



Avec nos remerciements à l'auteur de ce texte.

Dessins originaux de Jean-Brune