CHAPITRE IV

Natation et Danse, vive les sports de Duo


La P'tite Caille au RUA (dessin humoristique de Sancy)


La P'tite Caille, dès l'annonce des beaux jours à Pâques, et en particulier l'été, en l'absence d'une résidence secondaire (à Sidi Ferruch : plage ouest ou à Moretti plage Est, ou encore vers Alger-Plage ou Surcouf), émigre quotidiennement à partir de 14h vers le RUA.

La promenade avec "Negro", offre une première occasion à la P'tite Caille de mesurer le degré de bonne éducation des Pointers présents dans la chaloupe.

Car une P'tite Caille digne de ce nom a besoin d'en rajouter (un peu), afin d'être aidée (beaucoup), pour embarquer ou pour descendre de la barque.
Elle met aussi à profit cette courte traversée pour scruter vers l'oasis bleue du côté des blocs ou sur le toit du bar-restaurant, si quelques pointers connus sont déjà arrivés.

Après l'accostage et les civilités d'usage envers les heureux qui ont eu l'honneur et l'avantage de lui tenir la main pour descendre de la barque, la P'tite Caille se dirige alors vers les vestiaires sous les gradins (on ne sait jamais... ça peut servir !)

Elle y rencontre d'autres P'tites Cailles connues, et ensemble se dépêchent d'échanger leurs premières impressions instantanées sur les Pointers présents, ou sur la dernière mode des bikinis deux pièces avec balconnet et de l'avantage de certaines couleurs.

    - "Le blanc, tu crois ?
    - Oui quand tu es bronzée c'est magnifique !
    - Mais quand il est mouillé le blanc devient très transparent !
    - Ah !!! ... Parce que tu viens ici pour te baigner toi ?".

Au RUA, il n'est pas trop question de nager, mais surtout de se faire voir, de plaire et de bronzer, of course !

Du vestiaire, la P'tite Caille et ses copines se dirigent tout d'abord vers le terrain de volley, où les plus beaux spécimens de Pointers, nu-têtes, les muscles brillants de sueur, échangent infatigables, smash, passes et services, sous les yeux gourmands de P'tites Cailles déjà installées sur le muret à l'ombre des canisses.

Si le Pointer de son coeur est là, jouant la partie de sa vie, il est ab-so-lu-ment nécessaire de surveiller les autres Cailles afin qu'elles ne se montrent pas trop empressées lors des félicitations en fin de partie
!



Au bonheur des blocs


Ensuite, hop ! Grimpette par l'escalier en fer, soudé dans le mur, jusqu'aux blocs. Pour la P'tite Caille cette escalade est un moment de martyr pour ses pieds nus ! Mais quelle récompense lorsqu'elle émerge au sommet. Là, c'est l'apothéose : vue sublime vers le grand large, et semblant d'indépendance totale, puisque les P'tites Cailles échappent aux regards de leur chaperon.*

Son retour annoncé, il fallait se résigner à espacer les serviettes de bain sur le bloc, et se contenter de partager un coca à la paille !....

Le Pointer, très averti a déjà choisi le bloc où il va conduire sa P'tite Caille. Au soleil, et judicieusement incliné pour ne pas subir les regards indiscrets.
Allongés sur le ventre, le regard vers le l'horizon, ils vont longtemps converser autour de banalités.
Puis s'étant assuré qu'ils étaient tranquilles, ou qu'autour d'eux tout le monde en fait autant, le Pointer, glissera une main sous le visage de la P'tite Caille, la rapprochera de lui, et les yeux tournés vers l'éternité, la P'tite Caille laissera tomber le barrage qu'elle avait moralement installé pour se protéger.

En fin d'après-midi, le soleil et les beaux yeux de son Pointer ayant fait leur oeuvre, la P'tite Caille et ses copines songent à rentrer à la maison, changer de peau, et obtenir l'autorisation de "faire juste une fois" la rue Michelet.
La température est plus clémente, la P'tite Caille sent les bienfaits du soleil sur sa peau, et veut finir... en beauté cette belle journée, car "il" la rejoindra, et cela leur fera une heure de plus de grand bonheur.



* Le mien était mon frère Franck, de 19 mois mon aîné, qui venait surtout pour s'entraîner à la machine à ramer de la section aviron. Ensuite, il sortait dans le port avec un copain sur un double sans barreur, s'entraîner jusqu'au Rowing Club situé à l'Amirauté. Cela me laissait deux bonnes heures de répit, sans comptes à rendre.




Au retour : Moto ou Roadster ? Tout sauf à pied !






Seule concession à la marche, sport dit complet, c'est lorsque la P'tite Caille aperçoit un Pointer en voiture.
La plupart du temps de marque étrangère et décapotable ! Là, nos chers pointers pedibus ne font plus le poids. Momentanément.
Le Pointer au volant d'une décapotable MG, ou Triumph, ou encore Alpha-Romeo "Gullieta" s'il vous plait, dame le pion à celui chevauchant une Puch, une Vespa ou un Rumi, et laisse loin derrière le Pointer lycéen qui n'a pas encore l'âge de conduireŠ



Qu'importe le véhicule pourvu qu'on ait...


En fait la P'tite Caille sait que l'important est dans la motorisation : deux roues, quatre roues pas de mégotage ! Car un Pointer motorisé c'est la promesse de dimanches en bande, hors de la famille. Il emmènera sa P'tite Caille à Zéralda, ou faire un slow au "Robinson" de Sidi Ferruch.
Quelques instants d'ivresse qu'il faut vivre intensément, de crainte qu'ils ne se reproduisent plus !

(de l'or en barre, je vous dis !)



La P'tite Caille aime aussi la Danse...





En surprise-partie


Souvent l'hiver, la distraction favorite reste la surprise-party.
Celle-ci est souvent improvisée. On apprend par hasard que les parents s'absentent toute l'après-midi, et c'est le téléphone arabe :"tous chez X !".
Pour faire partie des privilégiés qui vont se rendre à cette surprise-party, la P'tite Caille va devoir, une fois de plus, convaincre qu'elle n'a pas besoin d'un chaperon, et pour cela décliner à ses parents, le lieu et l'adresse exacte des réjouissances, si possible le numéro de téléphone, et répondre au traditionnel interrogatoire :
    - Que font les parents ?
    - !......
    - Ils seront là ?
    - Bien sûr !... c'est obligatoire !

Oui, obligatoire pour les parents... pas du tout pour les participants !

Chacun amène quelque chose, généralement ce qui lui tombe sous la main : des petits gâteaux, une bouteille de Coca, d'Orangina ou de Pschitt pour les plus argentés une bouteille d'une boisson alcoolisée.*
La P'tite Caille n'a pas peur d'innover, d'oser, c'est la règle. Elle goûte au whisky. "Black and White", "Vat 69", "Johnny Walker", elle essaie tout, y compris les cocktails les plus extravagants, qui laisseront dans sa mémoire des souvenirs épiques.**

Parfois les renseignements obtenus ne conviennent pas à la famille de la P'tite Caille, ou bien son frère ne peut l'accompagner, alors elle essuiera un refus.
La P'tite Caille ne se laisse pas démonter pour autant : elle cherche alors à obtenir au moins, l'autorisation d'aller faire "seulement une fois" la rue Michelet.
Munie du laissez-passer au timing très serré, elle se précipite à bout de souffle à la surprise-party, vers son Pointer préféré :

    - 'peux pas rester, ma mère veut pas."

Alors, après un unique slow, très-collé-très-serré, "I want you, I need you... I love you..ou... ou..", et après avoir obtenu de son Pointer (à l'arraché), la promesse d'être sage, la P'tite Caille regagnera la mort dans l'âme son nid familial.


* Pub : "Pour toi mon ange : Pschitt Orange, pour moi garçon : Pschitt Citron"

**Maintenant elle boit toujours du whisky, et pense très très souvent à son premier verre, là-bas...




Surprise-partie n'est pas bouffa


La P'tite Caille a entendu les Pointers dire "bouffa".
En fait, la P'tite Caille n'aime pas trop cette expression.
Elle s'efforce de continuer à dire "surprise-party", certaine de montrer ainsi, à ses parents surtout, que la surprise-party est une réunion très anodine qui sert ex-clu-si-ve-ment à danser !

Lorsque les Pointers disent "bouffa", la P'tite Caille sent bien, secrètement, qu'il y a là quelque chose de plus que dans une surprise-party.

Dans le terme"bouffa" il y a quelque chose de rabelaisien, comme une envie goulue de consommation. C'est un "plus" indéniable pour les Pointers.
C'est justement à cause de tout cela, que toutes les P'tites Cailles ne vont pas en Bouffa.
L'éducation judéo-chrétienne d'une P'tite Caille lui impose des limites à ne pas dépasser (Vivement ses 21 ans, pour vivre enfin !)

Mais celles qui y vont, ont des tas de choses à raconter lundi matin aux copines, déclanchant ainsi des séries de "Ou la lahhh !" et de "Ahhhbooon ?" admiratifs.



Cailles de Bal


Il n'y a pas que les surprise-party.
La P'tite Caille va aussi au bal.
Ils sont de plusieurs sortes : d'abord ceux de la Maison des Etudiants Bd. Baudin, le dimanche après-midi, au rez-de-chaussée.
Traînée par une de ses copines dans cette salle immense, la P'tite Caille n'y trouve pas ses beaux Pointers. Mais surtout des pathos de passage à Alger, ou des militaires qui, malgré leur tenue civile, sentent la France profonde à plein nez. Un bal musette pour amateurs d'accordéon.
Une vraie P'tite Caille doit sauvegarder sa réputation.
Aussi, elle n'ira pas plus d'une fois dans ce lieu inintéressant.
L'orchestre est bon, la chanteuse très belle, mais elle n'aime pas l'accordéon.
De plus, la P'tite Caille fait tapisserie !
Une pédante, qu'ils disent !

Il arrive qu'un vrai de vrai Pointer, authentique étudiant, lui, sachant l'attrait que la P'tite Caille éprouve pour le jazz, ait la bonne idée de l'amener au sous-sol cette fois.
C'est une cave où le Jazz est roi, la piste minuscule, ambiance sombre et enfumée, tout à fait semblable aux caves de St Germain des Près *

*Je te remercie toi, Jacques Frasse, de m'avoir fait faire des rocks endiablés, et des slows enivrants au son de la clarinette de Claude Luther.



Les Grandes Occasions


La P'tite Caille se doit aussi d'aller aux bals des Prépa aux Grandes Ecoles, donnés généralement au Saint George, ou dans les salons de l'Aletti.

Pour la préparation à cette soirée la P'tite Caille mobilise sa famille pendant les semaines précédentes.
Rien n'est laissé au hasard :
Le chaperon sera-t-il libre ?
Quelle robe porter ?
Avec quelles chaussures ?
Ne pas oublier de prendre rendez-vous chez le coiffeur*
Ne pas oublier d'acheter le petit diadème qui viendra couronner le chignon vertigineux...
Penser aux accessoires : pochette du soir, gants, bas... avec couture ou sans couture ? Quel dilemme !...car si le bas tourne, cela se voit comme... le nez au milieu de la figure !**

Les bals au Saint George, à l'Aletti, ou lorsque l'Escadre de Méditerranée passait, sont pour la P'tite Caille des occasions immanquables pour trouver un... mari.
Là, la P'tite Caille succombe au prestige de l'uniforme blanc, les galons elle ne connaît pas, mais cette belle vareuse immaculée, sur un pantalon au pli impeccable, ces décorations, ces insignes or, là franchement... Impossible de résister.

Oui la P'tite Caille succombe... Elle rentrera à la maison, des paillettes dans les yeux.
Mais demain, elle rejoindra les Pointers.


* Merci à mon coiffeur : Monsieur Netz, dans les escaliers aboutissant rue Colonna d'Ornano vers l'hôtel Aletti, de m'avoir confectionné pendant des heures, des coiffures remarquables et hyper-classe.

** Ma mère, veuve de guerre, avait appris la couture, et confectionnait toute ma garde-robe. Je me souviens pourtant qu'en 1960 ou 61, elle avait du avoir recours à une couturière de la rue Duc-des-Cars : Mme Gardiola, pour le bal de l'X.
Je voulais absolument porter la copie d'un modèle de Chanel, devant lequel j'ose l'avoue, chers Pointers, vous n'avez pu résister, m'offrant ainsi une des plus folles nuits de danse de ma vie. (Soyez-en ici chaudement remerciés).




Pointers, si vous aviez su...


Chers Pointers, beaux, charmants, galants, toujours respectueux de nos étonnements (ou de nos refus), si vous aviez su ce que vous nous avez procuré d'émois, de fantasmes inassouvis, de rêves agités et de réveils pleins d'espoirs...

Si vous aviez su !...

Geneviève Bordier
13 juin 2005