Mars 1960, je termine mon service militaire à Air de
France.
Il me faut trouver un emploi, et une annonce dans TAM,
proposant une embauche dans une société pétrolière pour un spécialiste des
transmissions, semble me convenir parfaitement.
Depuis mon arrivée en Algérie, j’ai en effet su que j’avais
trouvé le pays ou je désirais vivre.
Et puis, j’y croyais, j’y croyais ferme à cette
Algérie française…
À ma libération, je
rejoins donc l’effectif de cette
société chargée de la pose et de l’exploitation des pipe-lines
entre Hassi Messaoud -Bougie et Hassi r’mel -Arzew.
Après quelques mois passés à Alger (Hydra) et Port aux
Poules (Oranie) je pars pour les chantiers du Sud.
Je fais donc maintenant partie de ces techniciens un peu
aventuriers dont la vie est rythmée par des périodes de trois mois sur les champs pétroliers
suivis de périodes de récupération d’un mois à Alger ou en métropole.
Pendant les séjours dans le Sud, ce sont les passages de
l’avion transportant les équipes montantes et
descendantes et surtout le courrier qui marquent la vie.
Les équipes se croisent sur le taxi way.
Il faut entendre les boutades adressées à ceux qui
rentrent, concernant les épouses qu’ils n’auraient jamais dû
abandonner si longtemps à leurs copains en
récupération !
Selon la teneur du courrier, les visages sont radieux ou
fermés.
Les relations de travail s’en ressentent.
Hassi Messaoud est déjà un petit paradis !
Maison Verte a de nombreux jardins potagers et des
parcelles de gazon.
Tous les chantiers ne sont pas aussi confortables.!
Hassi R’mel est plus récent et la
"base vie" se résume
à des préfabriqués ascétiques et à un bar- foyer
La nourriture, amenée d’Alger est par contre plus que
satisfaisante.
Il fait froid la nuit et très chaud le jour.
Le vent souffle parfois sans discontinuité pendant une
semaine et plus.
Les torchères brûlent en permanence et font un bruit de
réacteur.
Elles illuminent le site
Parfois, un avion spécial amène des visiteurs,
collègues de travail du siège parisien de notre société ou des privilégiés curieux qui rêvent de
trouver un peu d’aventure dans ce voyage.
Parfois nous recevons la visite d’une troupe de
théâtre ou d’un cinéma en plein air.
Normalement nous sommes de service ou d’astreinte, mais
nous nous débrouillons pour aller à Laghouat, Bériane
ou Ghardhïa.
Le bar de l’hôtel saharien et sa barmaid blonde
attirent les camionneurs de passage et les célibataires géographiques du coin !
Certains originaux ont fini par ne plus prendre leurs
congés pour je ne sais quelle raison.
Leur éloignement avait peut-être détruit leur couple ?
Je me souviens du responsable de la centrale électrique
qui entretenait son matériel avec grande méticulosité pour
ne pas dire amour, mais qui avait fini par loger avec ses chiens
dans la caisse qui avait servi à livrer un transformateur !
J’ai vu aussi des phénomènes surprenants, lorsque je
participais à des vols de contrôle des installations : le désert était devenu vert en une journée de pluie !
J’ai quand même aimé cette vie de chantier.
Je ne pense pas avoir été le
seul car plus tard lorsque j’ai rencontré, au hasard de mes affectations, des gens qui
avaient participé à l’aventure, nous nous sommes tout de suite trouvé des affinités !
JV
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