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Les vacances là-bas, chez nous 

Par Anne-Marie Schneider




Fond musical composé autour de "Buon Giorno Principessa" de Nicola Piovani, dans le  film La Vita è bella


Nous allons quitter "la Redoute" quartier d'hiver, et prendre la route Moutonnière pour Alger- Plage, la Pérouse, en passant inévitablement par Fort-de-L'eau, nos stations balnéaires. Un petit cabanon - celui-ci avait un nom : "les Mouettes" - nous attendait chaque été. De Juillet à Septembre nous avions les pieds dans l'eau, notre "grande bleue".

 

Alger-Plage "les Mouettes"
Jean-Jacques mon frère  sur son radeau, il l'avait fabriqué avec quelques planches 
et en dessous, il y avait deux grosses chambres à air, 
et la voile, c'est maman qui la lui avait confectionnée, .
Derrière, on voit une partie du cabanon.
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Comme les crabes, la mer, la plage, les rochers, nous adorions ! D'Alger à Jean-Bart, nous avions une côte magnifique, sable fin, galets et rochers pour les coins plus sauvages. Les plages pour les bains et "la bronzette", les rochers pour "faire" des crabes ramassés avec une fourchette. Les poulpes, nous les attrapions à la fouine (trident), pour la soupe de poisson ! Le matin, à peine réveillés, les yeux chargés de sommeil, devant nous la mer d'un calme, de l'huile, à se confondre avec le ciel, Alger au loin à gauche, à droite Cap Matifou qui refermait la baie. À cette heure là, le soleil était doux. À partir de 10-11h, la mer se réveillait, sa couleur fonçait parfois comme de l'encre, tout dépendait du vent. Le Soleil devenait de plus en plus chaud, c'était l'heure de la baignade, sensation de grande liberté ! Nous apprenions très vite à nager, nous n'avions pas peur de l'eau ! La semaine, il n'y avait pas foule, mais le dimanche tout Alger arrivait ou presque !

Très tôt, les pêcheurs d'oursins, avec masque, tuba, crochet à oursins, arrivaient, et sur la surface de la mer, nous les repérions grâce à leur carreau et la cagette entourés de la chambre à air noire qui flottait ! D'autres pêcheurs en petites barques immobiles avec les filets, les nasses, les lignes, taquinaient le poisson ! C'était un tableau magnifique, nous ne pouvions nous en lasser ! Midi sonnait... la Kémia, nous ouvrions les oursins, les tranches de saucisson, la soubressade, le petit vin blanc bien frais, le pain, le bonheur ! C'était bien les vacances ! Nous, enfants, nous pêchions à la ligne ou alors avec des bouteilles. Une bouteille bouchée avec le bouchon, du verre clair, surtout pas à fond plat, nous cassions le fond, nous mettions de l'appât, pain pétri avec un autre aliment d'odeur un peu forte, tout ceci dans la bouteille, celle ci le goulot enfoncé dans le sable au fond de l'eau et nous attendions. Nous relevions la bouteille avec précaution et à notre grande joie, un sar, une girelle ou tout bêtement un mulet "étaient pris au piège". Mon père, mes frères, heureusement complétaient, ils chassaient au harpon et mettaient la nasse, car la bouillabaisse aurait été un peu maigre.

Le dimanche, au loin vers le cap Matifou, nous pouvions suivre les régates, une série de petits voiliers se disputait la course. Les voiles de couleurs différentes nous offraient un joli spectacle. Moins accepté, le ski nautique était arrivé sur nos côtes ! Juste devant notre cabanon, le club de ski ! L'odeur d'essence, les taches grasses sur l'eau, les plages devenaient bruyantes, les bains plus risqués, fini les vacances tranquilles, les dernières années !

Dans la journée, le sable était brûlant, le soleil nous "cuisait le dos". Chapeau, sandalettes en plastique imposés par notre grand'mère, mais le dos tourné, nous désobéissions ! Nous étions pieds nus, et en maillot tout l'été. Je ne me souviens pas d'avoir été "tartinée" de crème solaire, l'habitude d'année en année ! Le bronzage était naturel !

Après déjeuner sieste obligatoire, c'est vrai que l'air devenait parfois irrespirable... "le siroco"... Il fallait attendre bien 16-17 h pour le bain de l'après-midi. C'était long. Les aînés échappaient à la surveillance, passaient par la fenêtre pour commettre parfois quelques bêtises ! Nous les filles, nous avions quelques jeux pour l'intérieur. Parfois, les frères et le cousin étaient punis, privés de bain, la grande punition. Mais tout en se baladant sur les rochers, combien il était facile de dire "j'ai perdu l'équilibre" ou "il m'a poussé à l'eau!". C'était fait ! Tout l'été était au même rythme. Nous étions nombreux, cousins, cousines, quelques sorties en mer avec une barque à voile, "Pirouette", de longues promenades le long des plages, sur la promenade Servajean pour aller également à l'épicerie "Marie" jusqu'à la pointe Pescade. Nous admirions toutes les jolies villas de style différents, les jardins avec des fleurs et plantes. Nous changions de plages, les Ondines, Aïn-Taya, La Pérouse, Surcouf...

 

Alger-Plage promenade Servajean 
Il y avait la Grande-Plage avec sa promenade et nous, nous étions juste la plage avant.

 

Notre barque à voile "Pirouette", elle appartenait à mon oncle Jean Pierre.
On voit au loin les fameux rochers où nous allions chercher les crabes, entre la Pérouse et Alger-Plage.
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Typiques de chez nous, les alloues, les doigts de fatma avec des fleurs violettes, les cactus, les bougainvilliers, la bourrache, les tamaris, les lauriers roses. En 60-61 les premières "pin'up" étaient là à se montrer sur les plages, les premiers bikinis à petits carreaux Vichy, les rondeurs étaient un peu plus exposées. On commençait à oublier le maillot "une pièce", il y avait déjà eu un net progrès avec celui de nos mères, le maillot à bretelles ou même avec manches qui recouvrait bien avec les jambes raccourcies! Pour elles, la "belle époque", les pionnières ! Il y a les photos qui en témoignent !

Au fil des mois, hélas, nous sentions la fin de l'été, septembre était moins beau, les bains plus froids, la "bafane", terme de là-bas, les tempêtes venaient déposer toutes les algues en monticules, les déchets de la mer, les plaisanciers en bateau les avaient jetés au large par-dessus bord. La mer était démontée, parfois elle arrivait à faire presque le tour du cabanon. Nous ne pouvions prendre de bain, les algues, les poissons morts, et les boudins de mer flottaient, et ne nous donnaient plus envie de plonger. Certains courants nous ramenaient des méduses, leur piqûre provoquait des brûlures, nous mettions du vinaigre. Ah ! Et les oursins échoués avec les algues, nous étions pieds nus : pour extraire les épines, on nous "charcutait" avec une aiguille, une pince à épiler ! Rien de très drôle ! Nous aimions bien nous rouler dans les algues, une très forte odeur d'iode s'en dégageait, je la respire encore lorsque je l'évoque ! Les frères aînés faisaient des pièges, un trou creusé dans le sable mouillé, et en surface, ils mettaient des morceaux de roseau, et par dessus, ils camouflaient avec des algues ! Ils attendaient, et riaient lorsqu'un promeneur tombait dedans ! Il n'y a jamais eu d'accident.

Il fallait trouver des occupations, les concours de "châteaux de sable" nous amusaient.

Avec le sable mouillé "on construisait", et tous les petits déchets de la mer nous servaient pour faire la décoration, petits cailloux, petits morceaux de verre usé par les remous des vagues, les différentes algues séchées, coquillages échoués, les roseaux et les pompons, tout était bon à ramasser.

Vers la fin septembre, il fallait enfiler à nouveau les chaussures, et le coeur gros songer à la rentrée des classes, retrouver l'appartement de la Redoute, où bien sûr nous nous retrouvions à l'étroit. Nous faisions les valises, hop, tous en voiture, nous passions devant Fort-de-L'eau, où les dernières émanations, ô combien odorantes, de merguez, brochettes nous chatouillaient les narines. Il fallait songer à la rentrée des classes.

Mais rien qu'à la pensée des cahiers neufs, l'odeur du papier, de la colle blanche qui sentait l'amande, acheter les fournitures scolaires, vérification de l'état du cartable. Toute cette effervescence nous consolait un peu. Et c'était le moment des premières bonnes résolutions !

C'était les vacances d'été simples mais pour nous c'était le paradis.

Merci à ma grand-mère qui nous accueillait chaque année... Son bonheur, avoir les siens tout autour d'elle. Elle était gâtée, car nous étions une ribambelle d'enfants "La smala"...

 

"La Smala" : nous étions 9 enfants et 3 cousins et cousines
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43 ans après, comme il est encore doux de se le rappeler, de s'en souvenir, le passé permet de construire l'avenir, sans passé, on ne peut pas être "bien né" !

Récit modeste, mais extraordinaires et riches souvenirs pour Anne-Marie Schneider (La Redoute 1947)

Gourdon Avril 2006

 

Ce coucher de soleil a été pris de la plage devant les Mouettes.
C'est Alger qui se trouve au loin. 
D'un côté Alger, de l'autre le cap Matifou qui fermait la baie.
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