Georges Godard







Suite à l'évocation, par Alain et Gérald,
de la notion de nostalgie à propos d'un article du Figaro,
on a extrait des archives du Cercle algérianiste de Nice,
une réflexion illustrée de Jean Brua sur la " nostalgérie française ".



    N'en déplaise à S.E.
            le Premier ministre…


La nostalgie, et notamment la nostalgie de l'Algérie française,
n'apportera rien de bon.

                                                            Manuel Valls (14 mars 2015)


    En cela, il ne fait que reprendre à son compte l'étrange glissement de sens imposé à l'un des plus beaux mots du vocabulaire poétique, qui évoque la mélancolie, le regret, la tristesse. C'est-à-dire les sentiments les plus éloignés des notions de violence et de vengeance auxquelles l'associent par ignorance, suivisme ou mauvaise foi, ceux qui l'ont inscrit au double pilori du politiquement incorrect et de leur répertoire d'injures :
   "- Espèce de nostalgique ! ".
    Ce qui pourrait appeler, de la part de l'offensé : - " Nostalgique vous-même ! " ou - en cas de procès en diffamation : "Nostalgique, nostalgique ! Est-ce que j'ai une gueule de nostalgique ? "
    Frères en nostalgérie (le néologisme, tout le monde ne le sait pas, est du poète Marcello Fabbri) ne vous sentez pas insultés, même si l'intention y est, par une telle apostrophe. Au contraire, elle doit vous inciter à penser davantage aux beautés, non seulement de l'Algérie, mais de l'aventure humaine qu'y ont vécue ceux qui n'en gardent pas que des souvenirs de guerre et d'exode.
    Ma chère tante Rose Celli (1), qui l'avait quittée pendant la Grande guerre pour entrer à l'école normale supérieure de Sèvres, en a été nostalgique de toute son âme, jusqu'à sa mort, et sans l'ombre d'une quelconque culpabilité :

    Vous aurez beau faire, cette Algérie, la nôtre, restera française, comme Athènes est restée grecque. Quand nous dirons "l'Algérie", nous dirons "province de France", même s'il ne reste plus un seul Français dans l'autre Algérie, même si un seul mot français n'y sonnait plus. Nous avons fait l'Algérie française dans un morceau du temps, pas seulement dans un morceau de l'espace. On peut défigurer l'espace mais on ne peut plus toucher au temps.

    Pour ma propre réplique : un dessin de titre qui évoque l'Algérie d'arrière-arrière-grand-papa et un couplet adapté du vénérable "tube" de Noël, Let It Snow ("laisse neiger") :

Si, dehors, il pleut des injures,
notre mémoire n'en a cure.
À la chaleur du temps passé :
- Laisse pisser ! Laisse pisser ! Laisse pisser !




(Texte et dessin de Jean BRUA)        




        (1) Soeur d'Edmond Brua. Écrivain et traductrice.