VERTE-RIVE, SAMEDI SOIR, DIMANCHE MATIN
Par Jeanjean Llorens (de Belcourt !)
Dessin de Jean Brua
Sur le Livre d'Or d'Es'mma, le 14 avril 2009.
Llorens Jeanjean 1934 (Alger Belcourt Les Halles)
14/04/2009 18:34
Comme tous les samedis soirs, après souper, j'ai pris ma vieille couverture américaine toute trouée, un paquet de petits beurres, vous savez ceux qu'on commence à manger par les quatre coins, et après le reste. Et je suis descendu sur la plage rejoindre la "Bande" à Velpo, ils sont déjà nombreux, mais il en manque encore quelques uns, les retardataires comme toujours, mais ils ne vont pas tarder à rappliquer. Je me fais une petite place dans le cercle à côté de Claude et Guy, adossés au bord d'une pastera retournée. Pas besoin de saluer, on a déjà passé l'après-midi ensemble.
Mais le samedi soir c'est spécial, nous avons droit à un récital d'ocarina et de pipeau de notre "grand" ami Georges, maître en la matière, en plus il est instituteur dans une école de l'Arba, pas trop loin de la Verte-Rive. C'est l'aîné de la "Bande".
Il fait une soirée splendide, on entend les petites vagues de notre magnifique Mer qui viennent mourir à nos pieds avec juste un petit bruit. La lune est superbe avec des milliers d'étoiles pour lui tenir compagnie.
Tous les samedis soirs c'est le rituel, nous avons la permission de minuit qui en principe dure jusqu'à deux heures du matin, et même plus.
L'ami Georges est un "cas d'or", il connait un tas de vieilles chansons et ballades qu'il nous joue pendant des heures, tout le monde l'écoute religieusement, et des fois on chante doucement pour l'accompagner. Et dans cette nuit magnifique, ça fait un effet terrible. Les airs vont de Ramona, en passant par voulez vous danser grand-mère, les roses blanches, et bien d'autres.
Entre deux chansons, j'entame mon paquet de biscuits et le passe aux copains, en lui disant adieu, car je ne reverrai même pas l'emballage. Mais je ne suis pas le seul à avoir porté des munitions, heureusement, d'autres on prévu la présence des "morfalous".
Toute la "nuitée" se poursuit aux rythmes de ces airs qui nous bercent, et nous redoutons le dernier morceau, quand le Georges commence avec "ce n'est qu'un au revoir", c'est râpé, le concert et la veillée sont terminés, et pour ceux qui ne dorment pas, c'est l'heure de rentrer au cabanon. Ceux qui se sont endormis dormiront sur la plage enroulés dans leur couverture à la belle étoile avec la mer pour les bercer. Mais pour ces dormeurs, la nuit sera courte, car à quatre du matin arrivent les pêcheurs pour récupérer leur pastera, c'est l'heure de partir à la pêche, ils arrivent avec leurs couffins de lignes, plus un pour le casse croûte et un bidon pour le broumitch, ils posent tout le barda dans leur pastera, et nous les aidons à mettre le bateau à l'eau, ils partent à la rame, pour ne pas faire de bruit, ils mettront le moteur plus loin, quand ils seront au large. Et chacun rejoindra son "poste". Ils ne rentreront que vers dix heures, avant que le vent d'Est ne se lève.
Du fait que je suis réveillé, je remonte au cabanon finir ma nuit. En rentrant dans le noir je me mets une calbote au genou, et je lance un "merde" un peu fort et qu'est-ce qu'il m'arrive, je vois ma femme, "la Viviane", assise au bord du lit, qui me demande si je ne suis pas dingue. J'écarquille les yeux, et je m'aperçois que je suis dans mon lit, dans ma chambre, le plafonnier est allumé, je suis complètement dans les vaps, et "re-merde, je viens de faire un rêve, j'étais sûr d'être là-bas avec tous les autres, comme avant, et je venais d'aider mon père, tonton Joseph, Riri, et Manolo à pousser le bateau à la mer.
Je suis comme saoûl, et déçu à en pleurer. Déçu, peut-être, mais heureux d'avoir passé un petit moment chez nous comme avant.
Celà m'arrive souvent, je regarde l'heure il est quatre heures du matin, et là impossible de me rendormir, tellement je pense à un tas de choses de là-bas. Alors je me lève et je descends dans mon salon. Je mets un vieux disque d'avant, je me mets l'écouteur, et "je vais" jusqu'au matin tranquille, très contrarié mais heureux d'avoir passé ce moment superbe avec tous les vieux copains et les "vieilles" copines. Ils et elles étaient toutes et tous là, comme avant, assis en rond, bien serrés les uns contre les autres, avec plus de cinquante ans de moins, mais je les ai tous et toutes reconnus. Les Yves, Claude, Guy, Nicole, Jocelyne, Damien, Kiki, Gégé, Jeannot, Marie, Eliane, Georges, Claudette, Paula, Jeanine et Marlene, Néné, et tous les autres que je ne peux citer, la liste serait trop longue, et hélas beaucoup sont déjà partis là-haut, mais nous ne les oublions pas.
J'espère que je ne vous ai pas trop ennuyés, avec mes rêves de "vieux", mais comme j'aimerais me réveiller tous les jours de la même façon, même si ça me fait un peu mal à la pantcha, même si ça me fait pleurer, mais ce sont des larmes de bonheur, un instant passé là-bas, avec ces "frères et soeurs" d'enfance ça vaut une fortune.
J'espère que vous avez tous mangé de bonnes mounas, moi comme d'habitude je me suis régalé, Vivi est devenue une championne, il ne me reste plus qu'à récupérer mon caleçon, qu'elle avait mis pour faire monter la pâte.
Bises à tous, Jeanjean.... de Belcourt d'Es'mma, et de la Verte-Rive
