(kemias13.htm)









15 AOÛT À VERTE-RIVE

Par Jeanjean Llorens (de Belcourt !)

Dessin de Jean Brua

Sur le Livre d'Or d'Es'mma, les 15, 18 et 19 août 2007.




    Quelle différence entre un 15 Août ici et un 15 Août là-bas, c'est incroyable, il n'y a rien de comparable, même les festivités ne sont pas les mêmes, et surtout l'ambiance, Pour ceux et celles de mon âge j'aimerais bien revenir presque 55 ans en arrière, dans les années de nos 18 à 25 ans, les plus belles pour nous tous. Pour moi c'était à Fort-de-l'eau, plus précisément à la Verte-Rive, cette journée commençait de bon matin, ma Mère, ma tante Carmen et ma soeur prévoyaient le nombre "d'invités", prévision toujours fausse car il y avait de nombreux impondérables, vers neuf heures arrivaient les premiers avec leur couffin bien garni, la veille nous avions prévu environ cinq blocs de glace, répartis dans trois grosse bassines, pour accueillir les pastèques les melons, les bouteilles de toutes sortes, vin, soda, limonade.

    Dans le frigo (que mon père avait récupéré chez un boucher), il y aurait les soubressades, boudins à la viande et à l'oignon, les formadjades, petits pâtés, et tout ce qui craint la chaleur, les bouteilles d'anisette elles seraient sur une étagère de la cuisine, il fallait aussi prévoir les tréteaux et les tables ainsi que les bancs, tout ça installé sur la véranda, qui heureusement faisait 15 mètres de long sur 4 mètres de large, et il arrivait qu'elle soit trop petite, pour certaines occasions!!!!!

    Vers dix heures, deuxième vague, arrivent les familles Manolo, Gégene, Riri, Tonton Raphaël et Tata Gaby, Chounette, les Zelasco, Kiki et Gégé, tout est bien réglé, les femmes en cuisine pour aider ma mère, les hommes rangent les nourritures, et les enfants les plus grands s'occupent des petits, direction la plage. Ma mère a décidé de faire une macaronade, chez un maraîcher de la Verte Rive on a pris une corbeille de tomates bien mûres, pour la sauce, je vous garantis que la moulinette va travailler ce matin. Donc vers une heure de l'après-midi presque tout le monde est là, résultat 48 personnes, c'est normal, c'est le 15 Août...

    .... Une fois les apéritifs avalés, tout le monde s'installe, et la rigolade commence, quand on voit ce qu'il y a sur la table, franchement ça fait peur, il y a de quoi nourrir un régiment, et vas-y que je te goûte ça et après il y a d'autres plats qui passent, et ensuite les pâtes, et les bouteilles qui se vident à une allure vertigineuse, car bien que l'on soit à l'ombre, il fait un peu chaud. Et toute cette "bataille" durera jusqu'à trois heures. Après les femmes iront dans la cuisine faire leur "petite" vaisselle, et les hommes, pour ne pas déranger leurs chères épouses, iront se taper une bonne sieste, jusqu'à cinq heures, et pour nous les jeunes interdiction de faire du bruit sinon garrrote.

    Mais pour les 18/20 ans il y a la fête au village, la plus belle de toutes, direction Fort-de-l'Eau, tous sapés comme des camionnettes, pantalons avec un beau pli, chemisettes blanches ou bleues, mocassins blancs ou noirs, et nos petites cailles, les unes plus belles que les autres, et malignes elles ont attendu d'être loin du cabanon pour se mettre du rouge, car avec les vieux, pas question de maquillage, arrivés sur la place du village, on prend nos chaises pliantes en bois, à l'entrée du bal, et direction notre coin habituel, pour être sûrs de retrouver les autres copains et copines, et il faut faire gaffe, car les grands frères surveillent les petites soeurs, il ne faut pas les serrer trop, sinon les calbotes derrière la tête pleuvent.

    C'est toujours les Passos pour commencer, et après les tangos les rumbas, les cha-cha, et de temps en temps une bonne série de valses, et quand le soleil se couche arrivent les slows, tant attendus. Et cela dure jusqu'à huit heures, après retour au cabanon, les filles ayant pris soin de s'enlever le rouge à lèvres, sauf quelques unes qui avaient perdu le rouge en cours de route !!!!!! Vous me suivez ??????????

    À peine arrivés on se change et le deuxième round commence, il faut "finir" les restes, chose impossible, vu les arrivages du matin, mais tout le monde fait de son mieux, et il y a pas mal de volontaires. Tout cela se termine ver onze heures du soir, et il faut penser à rentrer sur Alger pour certains, d'autres dormiront au cabanon, Heureusement que Chounette est venu avec son camion, il va en descendre un maximum, jusqu'aux halles, et même il va pousser jusqu'au Champ de Manoeuvre pour certains, de Fort-de-l'Eau jusqu'à Maison-Carrée les voitures se suivent à deux mètres les unes de autres, arrivés au Caroubier certains prennent la rue de Contantine à Hussein Dey, jusqu'au carrefour Polignac, puis la rue Sadi-Carnot, car la route moutonnière est bouchée.

    Et les chanceux qui sont restés au cabanon, retour à la Fête de Fort-de-l'Eau jusqu'à deux heures du matin. Hélas c'était les dernières fêtes de joie et d'insouciance, car quelques mois après devait commencer une autre vie, qui hélas ne nous permettrait plus de vivre ces bons moments et qui allait pénaliser une bonne partie de la jeunesse suivante, car même si les fêtes continuaient, l'ambiance n'était plus la même. Voilà mes chers amis ce qu'était un quinze Août chez nous, chose que nos enfants et petits enfants ne connaîtront jamais, Oh bien sur il y a des fêtes ici aussi , mais ce ne sont celles de chez nous, et même les odeurs ne sont pas pareilles. Et il y a même pas des formadjades, alors!!!!!!!!!!!!

Bonne fête à toutes les MARIE.

Jeanjean... de Belcourt

(À SUIVRE, JUSTE APRÈS LE DESSIN DE JEAN BRUA...)





Deuxième épisode...

18/08/2007 17:12

    2ème épisode, maintenant que me voilà passé dans l'anthologie, moi je dirais plutôt l'antho-gourbi, vu l'endroit ou cela se passe !!!!! Dans mon "exposé" (zarhman) je cause pointu, et oui c'est normal c'est de l'anthologie. Je vous disais "une fois les apéritifs avalés"... Mais ces apéritifs étaient accompagné de Kémias faites maison, dans des plats et des raviers bien rangés, il y avait des poivrons au sel, que ma mére avait préparés dans un grande jarre, avec du fenouil, et du gros sel, et un peu de vinaigre, puis des sardines en escabetche sauce piquante, les classiques olives vertes cassées, elles aussi maison, puis les sépias au noir sauce piquante, les fèves bouillies avec du koumoun, et des pois chiches en vinaigrette et échalote, tout ça arrosé par du Cristal, du Cinzano, ou du Martini blanc, au choix Mme Antoine !!!!! Ça c'est seulement l'apéritif.

    Après nous passions à table, les enfants d'un côté, entourés de deux ou trois grands, et les "grandes personnes" sur la véranda, et là commençait le parcours du combattant, les estomacs fragiles en prenaient un coup derrière les étiquettes !!!!!! En tête se pointaient les classiques de la cuisine PN, les cocas bien pleines, les poivrons frits, les plats de soubressade mahonnaise, et oui nous sommes à Fort-de l'Eau, ne l'oublions pas, les fromadjades, les plaques de Pizza faites par Kiko le boulanger des halles, les petits pâtés à la saucisse et à la soubressade, les boudins à la viande et aux oignons, de chez Piris les grosses Boutifars, tout ça comme hors d'oeuvre, et ensuite arrivait sous les ha !!!! les pâtes en sauce tomate, dans des grands plats bien fumants, et l'odeur devait aller jusqu'à cent mètres à la ronde. Tout ça bien arrosé de vins rosés bien frais. Là on entendait que les bruits des mâchoires, les conversations tournaient au ralenti, après une petite pause, avec les félicitations aux cuisinières et les bans comme de coutume.

    Après un léger moment de répit, arrive le dessert. Pour ouvrir le bal, quelques biscuits "de Savoie" allez savoir pourquoi ils font venir des trucs de Savoie à Verte-Rive ?????? Puis les mantecaos, deux plaques de pastissos, à cette odeur de patate douce et d'anisette, on a les yeux qui se croisent les bras, rien qu'à les regarder, ça c'est la spécialité de Monsieur Fuster.

    Et en dernier, pour couronner le tout, la fameuse corbeille d'oreillettes, spécialité de Madame Gomez et de ses filles Hélène et Pierrette, allez savoir pourquoi on en fait toujours une corbeille pleine à raz bord, avec leur sucre et leur odeur, même que vous êtes plein, vous en mangez toujours, et ça doit être une coutume, car une fois cuites les oreillettes sont posées dans cette grande corbeille d'osier, qui sert à mettre le linge quand nos mères font la lessive sur la terrasse, je pense que vous devez vous souvenir des ces corbeilles, elles servaient au départ de berceau aux nouveaux nés et après c'était pour les oreillettes, on mettait dans le fond une sorte de drap bien blanc, et une fois cuites on y déposait délicatement les oreillettes pour ne pas les casser, et on saupoudrait de sucre en poudre, et cela demandait un après midi complet pour les faire, et une grande bassine d'huile. Et je me souviens du "chant" de l'huile quand on y déposait la pâte, et vous Mesdames vous vous souvenez de ce bruit si particulier, et les odeurs, que tout l'immeuble savait que vous faisiez des oreillettes, hein ??????? Et cette corbeille restait sur la table jusqu'au soir et on aurait dit un aimant car à chaque fois que l'on passait devant, on en "piquait" une, c'était comme une drogue, ça se mangeait sans faim, hein ?????

    Voilà pour le repas d'un quinze Août ordinaire de gens simples, qui ne demandaient rien à personne, et qu'on a complètement abasourdis en les déplaçant dans un autre milieu, et surtout en les séparant...

Jeanjean... de Belcourt

Pour ceusses, les povres, qui sauraient pas où c'était Verte-Rive...
juste un peu après Fort-de-l'Eau, en allant sur le Cap Matifou...
Oubliez pas le cabasset !





(EXTRAITS DU LIVRE D'OR)

Jean-Claude (Thonon)
18/08/2007 21:37

Dis moi JeanJean, tu n'as rien a nous raconter sur le 16 Août ?? la digestion ça se passait comment ? Amitiés à tous, Jean-Claude



Llorens Jeanjean 1934 (Alger Belcourt Les Halles)
19/08/2007 09:16

Mon Jean-Claude, le 16 Août c'était "lithinés du Dr Gustin" ou un truc espagnol qu'on appelait "gracioza" il y avait un sachet bleu et un blanc, tu mettais d'abord un sachet dans un grand verre d'eau, puis le deuxième qui était super effervescent, et ça moussait, ça moussait, à déborder du verre et tu buvais ça d'un trait, après tu rotais comme un cochon, mais ça faisait du bien par ou que ça passait !!!!!!!!! Bon dimanche à tous.
Jeanjean.... de Belcourt



Anne-Marie Juan (Alger Marseille)
21/08/2007 19:34

    Bonjour à toute la grande famille esmaïenne. C'est avec un immense plaisir que je retrouve mon site préféré. C'est formidable ces souvenirs du 15 août. En vous lisant j'ai repensé à une petite photo, et je suis allée la rechercher. Au dos : 15/08/1954 - le Chenoua. J'avais 5 ans, et pourtant certaines choses m'ont marquée. Je ne me souviens pas de la journée, mais le départ pour cette journée est resté gravé. Mon Père travaillait au garage FERRANDO à EL BIAR et comme nous n'avions pas de voiture, il a emprunté le camion. Et voilà comment nous sommes partis tôt le matin, famille et amis assis sur des bancs dans la benne du camion. Allez faire ça maintenant. Ce dont je souviens c'est l'odeur particulière du matin, ma mère donnant son "cabasset" à chacun et aussi des chansons que nos aînés chantaient : "Rosemarie" et "Toi ma p'tite folie". Malheureusement ça ne s'est plus refait. Quelques pic-nics à Sidi-Ferruch que je n'ai pas reconnu lorsque j'y suis retournée. Quelques sorties au vivier et quelques après-midi à la forêt de "BAÏNEM" (excusez moi je ne connais pas l'orthographe) pour manger la mouna. Merci pour vos témoignages qui me donnent une profonde nostalgie de choses que je n'ai pas connues. Que de souvenirs, que de bon temps. Continuez, j'adore. Bonne soirée et amitiés à tous.