Émile Hebert
1906 - 2003
Enfant de Rouïna et d'Alger


Par son fils, Jean Hébert.



    Myosotis pour mon père Émile Hebert.

 
    Émile Hebert est né le 25 août 1906 à Aïn-Antar (Rouïna), département d’Alger, région d'Orléanville.

    Il est le fils d’un garde forestier chargé de l’entretien des forêts de l’Ouarsenis dans un secteur fief du Bachaga Boualem, à proximité des mines de fer de Rouïna.

    Émile est le troisième enfant d’une famille de sept, dont 5 seulement survivront. Il commence à travailler jeune aux mines de Rouïna, fera sa communion solennelle le 2 mai 1920.

    Ma grand-mère veuve partira de la région pour Alger avec ses enfants, s’installera au 8 rue Mizon, dans le quartier de Bab-el-Oued.

    Émile doit contribuer à subvenir aux besoins de la famille. Pour aider sa maman, il ira travailler successivement chez Garros-Frères où il apprend l’électricité, ensuite à la manutention militaire, puis au Comptoir général d’applications électriques, et au Parc régional d’artillerie d’Alger. Après un bref séjour aux PTT, il prépare un concours pour entrer à la mairie d’Alger. Reçu, il sera affecté à la direction des services techniques que dirige Pierre Molbert, administrateur dont une école d'Alger porte le nom.

    Un jour, lui et Carmen Albano se rencontrèrent. Ils furent présentés l'un à l'autre par le mari d'une de mes tantes. Ils se marièrent le 31 décembre 1931. Ils eurent quatre enfants, 2 garçons et 2 filles. Mon frère René est l'aîné (88 ans en 2021), je suis le second (82 ans), Claudine la troisième (80 ans), et Geneviève la dernière, 77 ans.

    Non mobilisable en 1939 en raison d’un accident dans sa jeunesse, Émile fera partie de la défense passive à Alger. Le Directeur en est le commandant Pierre Molbert, sous les ordres du commandant Chiavérini.

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    Différentes missions lui sont confiées, entre autres lors de la nuit du bombardement qui détruisit l’orphelinat de Notre Dame d’Afrique, il assura alors avec sang-froid les différentes missions de liaison. Lors des bombardements, à chaque alerte, il devait conduire le général Meynier, depuis Miramar jusqu'à Alger. Émile Hébert sera décoré de la médaille d’Alger de la défense passive.

    Toujours chauffeur, toujours bien noté (un 19,5 sur 20 !), il sera affecté à la conduite des différentes personnalités, Maires, Adjoints, Préfets. Il sera retenu pour la conduite du président de la république Vincent Auriol lors de sa visite à Alger les 29 et 30 mai 1948. Sur les photos, on peut le reconnaître du fait que, des différents chauffeurs, il est le seul à porter une casquette blanche. Plus tard, le 6 février 1956, lors de la visite de Guy Mollet à Alger, il est présent auprès de sa voiture quand le Président du Conseil est copieusement arrosé de tomates au monument aux morts.

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Photo-souvenir des chauffeurs de la Ville d'Alger.
Émile est au premier rang à droite, le seul en casquette blanche.


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La voiture du Président. Au volant : Émile, mais ici pas visible.


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La voiture du Président, capture de film : cette fois Émile et sa casquette blanche sont bien visibles.

    Papa était un homme simple, travailleur. En 1939 avant la déclaration de guerre, il achète un terrain à Hydra, il y passera toute sa vie à construire sa maison de ses propres mains. Maman, elle, élevait leurs 4 enfants. Elle était pupille de la nation, ayant perdu son père en 1914 dans les Dardanelles, elle avait 5 ans.

    Dans sa jeunesse, Emile Hebert avait appris la trompette qu’il appelait "piston" à cause des pistons qui servent à changer le son des notes de musique. Il jouait à l’oreille, n'ayant jamais appris le solfège, les cours de musique n’existaient pas dans le village de son enfance, plutôt le bled !

   Son instrument, il y tenait beaucoup, si j’y touchais pour essayer de sortir une note, ce que je n’ai jamais réussi, je me faisais gronder. Dans notre rapatriement, il l’a emporté avec lui, pour bien plus tard terminer à la vente sur un marché à la brocante, sans doute aura t-il fait le bonheur d’un jeune musicien.

   Son passe-temps était de cultiver son jardin. Et en particulier des fleurs de lys royal. Bien qu'en quantité assez limitée, ses fleurs connaissaient un vrai succès auprès des fleuristes à qui il les vendait. Il avait le secret de ses réussites, et les gardait pour lui. Dans la culture des tomates, il aurait pu être mis au « Guinness des records » ! Une année, l'une d'entre elles pesait 1 kg ! Quant à son bougainvillier qui faisait office de clôture, il le taillait au cordeau.

   Concernant son travail, il était une vraie tombe. Il ne parlait jamais de ses missions ni des personnalités qu’il conduisait. Toujours discret.

   Il veillait à notre éducation. Lorsque son samedi était libre, il nous emmenait promener sur le boulevard front de mer. Au retour de la place du gouvernement, nous avions droit à notre récompense, un bon créponné de chez Grosoli. Quand il conduisait un camion pour entreposer les matériaux nécessaires à la construction de la maison, j’étais toujours du voyage.

   Papa, pas plus que maman d'ailleurs, n'allait pas au cinéma, par contre ils nous emmenaient au théâtre, opérette, opéra. On nous donnait la loge du Préfet ou du Maire, c'était un privilège que lui valait le fait d'être leur chauffeur. Ainsi j'ai pu voir, installé au meilleur endroit, Luis Mariano, Rudy Hyrigoyen, José Jansson, les meilleurs ténors. Des moments merveilleux pour l'enfant que j'étais, des souvenirs magnifiques aujourd'hui.

   Je suis d’autant plus fier de mon papa que j'adorais, que dans la famille tout le monde me dit que je lui ressemble.

   "Rapatrié", il prendra sa retraite bien méritée après 45 ans de travail.

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Photo de famille, de gauche à droite : moi, Jean,
derrière moi Geneviève, maman (en rouge), papa dans son fauteuil,
devant eux Claudine, et à l'extrême droite René.

   Il décédera à l’âge de 97 ans. Son souhait : ne pas être enterré à Marseille, ville qu’il avait choisie pour résider, mais qu’au fil des années il se prit à détester, tant était en lui le regret de son « pays perdu », titre d’un livre du Bachaga Boualem, et de sa ville d’Alger qu’il avait dû abandonner.

   Son voeu sera exaucé, il repose dans le petit cimetière d’Allauch face à Notre Dame de la Garde, la mer Méditerranée en fond de toile et ses souvenirs d’Alger la Blanche.

   Merci pour le bonheur que tu nous as donné.

Jean Hébert, ton fils.      
juillet 2021      





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Aïn-Antar (Rouïna) sur la carte.
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Un document superbe et rarissime : le certificat de la communion solennelle d'Émile, le 2 mai 1920, en l'église Saint Isidore de Rouïna.
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Carmen à 5 ans. Elle est avec sa soeur
Andrée, âgée de sept ans,
visible si vous cliquez sur la photo.




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Mariage de Carmen et Émile,
le 31 décembre 1931.





Émile pose pour la traditionnelle photo,
en 1940.



Le photographe est le même que pour
sa photo de mariage, neuf ans plus tôt :
Trianon Photo, avenue de la Bouzaréa.




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Autorisation de libre-circulation d'Émile en 1940.




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Le permis de circuler d'Émile au titre de la défense passive.




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Le certificat de bons services d'Émile
de la main du commandant Chiavérini.




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Le certificat signé du Maire, M. Gazagne,
attribuant à Lucien Hebert
la médaille commémorative 1939-1945,
avec barrette "Défense passive".