"Au Vieux Grenadier"
le début de la rue Bab-Azoun,
et les réclames murales au début du siècle.


En 8 cartes postales
(cliquez dessus pour les agrandir)



    Quel dommage ! La définition de ces images (à laquelle nous limite pour l'instant Internet) ne vous permettra pas de déchiffer les multiples petits panneaux et inscriptions de ce début de la rue, si commerçant et si racoleur ! Permettez-nous, en attendant l'avènement des photos Internet en haute définition, de vous les commenter. Il existe encore beaucoup d'autres cartes de cet endroit, dont au moins un couple stereoscopique pour vision en relief.

   Cette photo est semble-t-il la plus ancienne de notre série : l'immeuble que l'on verra sur d'autres cartes, à gauche, derrière celui du "Café du Vieux Grenadier" n'est pas encore là. La légende indique la rue "Bab Azoum". Alors allons-y, zoumons !

   A gauche, un "Restaurant Parisien". Sur la façade du Tunis Hôtel : "Oxygénée Cusenier... absinthe recommandée". La fée verte, très en vogue jusque vers 1900, n'est pas encore interdite, elle le sera en 1915.

   Le café s'appelle alors "Café du Vieux Grenadier". Notez que cette appellation va se modifier au fil des ans.

   Sur les arcades à droite : affiches pour le Théâtre municipal d'Alger ("Tableau de Tro???"), et aussi deux affichettes pour "Faust", une pour le chocolat Menier, d'autres pour l'"Absinthe Berger, Verte et Blanche", pour "Pippermint", "Velma Suchard", et "Le Monde ...sports". Sous les arcades, au dessus de la lanterne et des trois élégants en canotiers, une enseigne : "Articles pour fumeurs, gros et détail". L'échelle du colleur d'affiches est posée contre le mur de la première arcade.

   Réclames sur l'immeuble du café : En haut : "LA NATIONALE... sur la vie"; "L'intermédiaire - algérien et tunisien - affaires générales et publicité - entrée 38, rue de Chartres". "Oxygénée Cusenier - verte et blanche - absinthe recommandée". "BEG Marseile". "Crème de menthe Cusenier" (au centre à droite). En bas de gauche à droite, réclames pour "Peppermint", "Bec... auer "(?), et "Au bon marché". Un pannonceau accroché à l'arcade de droite du café indique un coiffeur.

Le café s'appelle encore "Café du Vieux Grenadier".

   Toujours pas d'immeuble derrière celui du café. Les réclames sont nombreuses . Au dessus du café :
      - une curieuse accroche "Crédit à tous", venant semble-t-il d'un photographe : "Agrandissements tout encadrés - payables depuis 5 francs (?) par mois".
      - "Couscous Grima Instantané - Fait à la main Pasteurisé Tout préparé - SUPERBES PRIMES". Juste au dessus, la toile supportant une vieille publicité peinte devenue illisible tombe en lambeaux.

   Sur la colonne droite de l'arche de droite du café, affiche pour le "Chocolat du Planteur".

   A droite de la rue, sous l'écriteau "Agence Chappuis" : affiches pour "Contrexeville Pavillon", les "Corsets E. Furet (?).

Le café s'appelle maintenant "Au vieux Grenadier".

   A gauche, le restaurant "Le petit Rosbif" (ou un boucher ?). Juste après, l'enseigne "A la Ménagère" a remplacé le "Restaurant Parisien". Sur le toit du "Tunis Hôtel", une publicité pour l'huile "Spidoleine" (de l'anglais speed ?), et sur la façade une réclame pour la boutique "Aux 100.000 chaussures", et une autre pour l'anisade "Andalouse". Le store de l'arche de gauche du café vante l'Anis Gras.

   Plus loin dans la rue, un pannonceau "Picon" en saillie, et sur une arcade à droite une mention "english chem...". Pour la pharmacie-parfumerie Alger Luxe qui se trouve là ? Ou pour des chemises anglaises ? En tout cas en ce début de siècle, l'anglomanie est déjà bien là !

   Sur la colonne de l'arcade à l'extrème droite, une affiche : au Régent passe un film dont le titre se termine par "chien". Juste dessous : une affichette avec le nom "Eden Plage".

Le café s'appelle "Au Vieux Grenadier".

   Sur le toit de l'immeuble à gauche, une pancarte "VICHY CÉLESTINS".

   A droite, sur l'arcade à l'angle de la rue Littré, une très jolie affiche : "Compagnie Singer, Machines à coudre".

Le café s'appelle "Au vieux grenadier".

   Rien sur cette photo qu'on n'ait pas déjà remarqué par ailleurs. Sur le toit de l'immeuble du Vieux Grenadier, toujours le grand panneau pour "Vichy Célestins".

   Mais un détail étonnant : le vieux grenadier n'est plus seul ! Il est au pluriel ! "Aux Vieux Grenadiers"! Et il ne semble pas s'agir d'une fantaisie du retoucheur de photo ! Quel besoin a saisi le patron du bistrot à vouloir ainsi cloner son grenadier ? On aura remarqué qu'ils étaient bien deux, un par cadre de chaque côté de la devanture, mais ça n'avait pas jusque là donné lieu à ce pluriel.

   A droite, placardée contre l'arcade, une affiche pour le film "Le monde perdu" (toujours au Régent), où l'on distingue les silhouettes de dinosaures : il s'agit du film américain produit en 1925 par First National, et qui connut un triomphe mondial . Un des morceaux de bravoure du film, qui fit grosse impression sur les foules de l'époque, était l'évasion du diplodocus dans les rues de Londres. Elle annonce celle de King-Kong à New-York dans le film de 1933. C'est le même Willis O'Brien qui dans les deux films aura réalisé ces séquences de trucage image par image. Il est peu probable qu'ait été tournée une version antérieure du roman éponyme écrit par Conan Doyle en 1912. Il n'y a plus qu'à aller jeter un coup d'oeil dans les collections des quotidiens algérois : les réclames pour les films qui passaient au Régent en 1925 nous apprendront quel mois ce film a été vu (peut-être un peu après, si le film est sorti plus tard à Alger). Voilà une carte postale de datée avec précision ! A vous de jouer pour les autres...

   Un pannonceau à droite indique "rue interdite aux grds (gros?) charrois". La mention "english chem..." est toujours là.

   Sur l'immeuble du café, une publicité : "habillement - Au Grand Bon Marché - 52, rue d'Isly - rien que du vêtement sans intermédiaire". Et sur le toit, un panneau "Montre Omega".

De chaque côté du café, une publicité pour "Royale".

Le Café s'appelle toujours "Au vieux Grenadier".

"Le Monde perdu" a été présenté (dans une version récemment restaurée) par le collectionneur et restaurateur de films Serge Bromberg, le jeudi 07 juin 2001 à 16 heures, lors du festival du Film d'Animation d'Annecy. Où je me trouvais. Ce qui explique la toute fraîche érudition avec laquelle je peux ici vous parler de cette affiche quelques semaines seulement après avoir mis ces cartes postales sur Es'mma !
GD.

   Si l'on en juge par l'aspect des véhicules (regardez l'arrière de la voiture qui s'éloigne dans la rue, on dirait déjà une 15 CH Citroën), c'est la plus récente de cette série de vues. Prise peut-être à la fin des années 20. Ou déjà dans les années 30 ? A gauche, le car Alger-Blida attend à son arrêt.

   Sur cette vue, la peinture de la façade du Tunis Hôtel est parcourue de lézardes et elle s'écaille par pans. Plus de pimpantes lanternes, une sous chaque arche, comme précédemment. Seule subsiste la hampe à drapeau. Il n'y a plus de réclames, ni sur la façade ni sur le toit. Seulement deux affiches identiques superposées pour "Phenix, anisette distillée", sur l'arche à droite du café, sous la mention "affiches Chappuis", Les deux grenadiers, auparavant inscrits dans des cadres, semblent, comme le nom du café, se dissoudre dans la façade. Et on n'a plus cette impression d'animation vivante.

   Du côté droit de la rue aussi, la prolifération anarchique des affiches n'est plus qu'un souvenir. De proprettes vitrines murales les ont remplacées et garnissent la face interne des arcades.

Le café s'appelle "Au Vieux Grenadier". Ç'aura sûrement été son dernier nom.