Es'mma !
vous invite à visiter son
Musée des fonds de poche
(et aussi : de sacs à main, de tiroirs, de cabassettes, etc)


      Voilà des piétons... Regardez les qui parcourent les rues d'Alger... Ils sont de différentes époques... Des années 20, ou d'avant, des années 30, des années 40, des années 50... Ils vont, ils viennent, un peu transparents, ils se traversent sans se voir... Ils sont les fantômes d'Alger, ils sont nous, ils sont nos parents... Ils revivent leurs vies d'avant, leur ville d'avant... Ils ne savent pas encore qu'un jour, au XXIème siècle, sur Esmma, on leur fera les poches, celles de juste ce moment là, de ce jour là, pour essayer de faire ressurgir de notre lampe magique le génie de notre jeunesse... Où ils vont ? Regardez... Elle, juste après le boulanger, elle est passée chez Freyssinet, le teinturier (lequel ? celui de la rue Ballay, mais des boutiques, Freyssinet, pfff... comme ça il en avait dans Alger!), elle a rangé le ticket dans son porte-monnaie... Lui, il est allé au tabac, il a mis dans sa poche le paquet de Bastos, et la boîte d'allumettes... Celle avec le jockey dessus. Et elle, elle sort de chez le parfumeur, machin, là, rue Michelet, et elle flaire le petit calendrier parfumé qu'il lui a donné... Un parfum de Paris, ça ? Le patchouli, ça sent, oui ! Toujours il faut qu'elle critique... Cet autre qui descend du tram à l'arrêt du Jardin d'Essai, glissés sous son alliance il a encore les tickets repliés en accordéon... Vous vous souvenez ? Le receveur avec son fez rouge sombre, à la turque, son oblitérateur en sautoir, bloc métallique à manivelle, un petit tour, crac, le billet il est poinçonné; dans le tram, l'odeur virile un peu poivrée des aisselles propres, qu'on se lavait au moins deux fois par jour... Allez, on continue... Et celle-là, avec sa belle Dauphine toute neuve, au lieu de le mettre sur le pare-brise, l'horodateur, dans son sac, elle l'a oublié, alors, le PV, je vous dis pas ! Et lui, qui se promène rue Charles Péguy, clic, l'autre, là, le photographe ambulant, déjà il lui tend le carton pour aller chercher la photo, il le glisse dans la poche, mais ce costume il le portera plus, et le carton, quand on le trouvera, pour la photo ça sera trop tard... Tiens, c'est Pierre, devant le Versailles, les Vikings il voulait aller voir, punaise, la scène qu'elle lui a fait, Maryvone, alors il se retrouve avec ses deux billets, écoeuré, il les glisse dans son portefeuille... Et puis un jour, tous ces petits témoins, vous les retrouvez... Dans les pages d'un livre, dans la doublure d'une veste, dans un vieil agenda... Vous avez commencé à nous les envoyer... Comme autant de tickets pour un voyage dans le temps... Les voilà, profitez, l'entrée elle est gratuite : le billet et le voyage, c'est vous qui les avez fournis !