Richard Fleischer est mort le 25 mars dernier à Los Angeles, Californie. Non, il n'était pas Algérois, non, il n'était pas pied-noir, mais parmi ceux qui auront contribué à rendre nos enfances plus belles, il est au tout premier rang... Avec quelques autres gens de cinéma, Disney, notre magicien en chef, Charlie Chaplin, Laurel et Hardy, George Pal, beaucoup d'auteurs de bande dessinée aussi, quelques illustrateurs, quelques écrivains... Pourtant, les films d'aventures que Fleischer fit en ce temps-là, et qui nous marquèrent de façon inoubliable (nous, c'est la "génération Pitalugue", c'est à dire ceux qui avaient autour de 10 ans vers la moitié des années 50), ils se comptent sur les doigts de la main d'un type qui en aurait perdu trois (pas de mains, de doigts !). Car ça se limite à juste deux films, mais quels films ! En 1954 ce fut "20.000 lieues sous les mers", produit par Disney (sorti à Alger en 1955), et en 1958 "Les Vikings" (sorti à Alger début 1959).

   Fleischer réalisera plus tard d'autres chefs-d'oeuvres du film d'Aventure, comme "Barabbas", "Tora! Tora! Tora!", "Le Voyage Fantastique" ou "Soleil vert"... Il avait déjà à l'époque produit d'excellents "films noirs", et il en produirait encore d'autres (allez voir sa biographie sur Internet), mais pour nous, il restera à jamais l'auteur de ces deux merveilles à rêver éveillé... Rien que de citer leurs titres, à ces deux films, et voilà leurs morceaux de bravoure (et ils n'étaient que des enfilades de morceaux de bravoure !) qui se lèvent dans nos mémoires, aussi frais que lorsque nous les avons vus pour la première fois à l'Empire (oui, moi le Nautilus, ce fut à l'Empire), au Versailles (c'est là que je vis "Les Vikings"), au Majestic, au Paris... Regardez sur les annonces qu'on vous a trouvées dans quelles autres salles ils passaient... Comme ça il vous reviendra quand et où vous les avez vus, et vous pourrez peut-être nous en parler à votre tour ! Certes, à travers le monde, ce furent des millions d'enfants qui, comme nous, s'émerveillèrent... Mais pour nous, "ce fut à Alger et nulle part ailleurs" (pour reprendre une esmmaienne expression).

   C'est pour ça qu'on vous a cherché ces annonces parues dans les "pages spectacles" de nos quotidiens... Et en prime on vous a même trouvé une image de la devanture de l'Empire quand y passait "20.000 lieues sous les mers"... Oh, elle n'est pas bonne cette image, non, elle est floue, elle se ressent de sa trame de photo imprimée, et pour tout dire le photographe l'avait, je crois, un peu loupée, à moins que ce ne soit l'imprimeur, ou le photograveur, ou les trois successivement... Et par dessus le marché, la pauvre photocopie qu'on en a fait à la Bibliothèque Nationale, ça n'a rien arrangé ! Mais c'est pour ça qu'elle est d'autant plus émouvante, cette photo, seule à avoir traversé toutes ces années, après avoir survécu à la tourmente qui nous dispersa, et avec nous, la plupart de nos traces en ces années-là. Plus d'archives, mais il nous reste nos mémoires, et de temps à autre, des témoignages imprimés comme celui-là, pour nous prouver qu'on a bien vécu tout ça. Que non, nous n'avons pas rêvé.

   Oui, c'est à Alger, notre ville, et nulle part ailleurs, que nous avons vu pour la première fois Ned riant avec son phoque et jouant de son banjo en carapace de tortue, Ned sauvant Nemo des tentacules du monstre, l'enterrement sous la mer, les sauvages des îles trépignant sur le Nautilus électrifié, les haches des Vikings coupant les tresses de l'esclave, Kirk Douglas dansant sur les rames du Drakar de retour au fjord, ou Tony Curtis jetant une épée à celui qui va mourir par les loups... et se faisant trancher la main pour son geste généreux... Vous vous souvenez ? C'était bien, non ?

   Voilà pourquoi ce soir j'avais envie de dire merci à Richard Fleischer, et que nous nous rappelions ce que nous lui devions.