(kemias13.htm)







   À Alger, il y avait deux sortes d'équipement sportif : l'"officiel" et le "spontané". Le premier comptait plusieurs stades, piscines, salles couvertes, et de très nombreux courts de tennis et de volley ; le second utilisait le moindre espace un peu abrité de la circulation, qu'il s'agît de terrains vagues, de placettes, voire de portions de rue.



Les terrains de sport improvisés de la rue d'Est(h)onie : football (F), basket (B) et, d'après les souvenirs de notre correspondante "esthonienne" Andrée Saupagna, une aire de... jokari au bout de l'impasse (J).

(Plan Vrillon/Follacci)



   La rue d'Esthonie était l'un de ces lieux d'activité sportive parallèle, à deux pas du stade Leclerc. Sa principale "installation" était une "arrière-rue" interdite aux voitures, qui servait de mini-terrain de foot, voire de rugby. En second rang, il y avait entre cet appendice et la rue proprement dite, une aire de jeu décalée de la circulation principale et encadrée par deux immeubles. Le mur de l'un servait de fronton pour la pelote basque à main nue, car il était quasiment aveugle au rez-de-chaussée, à part les deux fenêtres du logement de l'épicier Benoît ; celui de l'autre, au contraire, comportait plusieurs ouvertures qui interdisaient la projection violente de pelote, mais se prêtaient à la pratique du basket "à panier humain". Faute de panneaux scellés ou amovibles comme on en voit aujourd'hui dans les cours des cités, il avait fallu faire preuve d'imagination pour compenser cette lacune matérielle.

   Un joueur désigné par tirage au sort grimpait (ou était hissé) sur l'appui de fenêtre (de préférence quand les volets étaient fermés) et tâchait de s'y maintenir immobile, bras arrondis et joints devant lui pour former le cercle de panier où ses camarades tentaient d'enfiler le ballon ou ce qui en tenait lieu (le plus souvent, une grosse balle en caoutchouc ou une simple boule de chiffons).





   Le système avait une faille : la fatigue ou la mauvaise foi du "panier", dont les écarts pas toujours involontaires entraînaient de fréquentes contestations ou disputes :


          - T'i'as bougé exprès pour faire rentrer (ou sortir) la balle !

          - C'est pas vrai ! Et d'abord, si t'i'es pas content, t'i'as qu'à faire panier toi-même !

   La réplique était le mot de la fin, quand le locataire, excédé par les bruyantes chikayas et les rebonds du ballon contre ses volets, ouvrait ces derniers brutalement, expulsant du même coup le panneau humain "en bas le trottoir".



J.B.



Impasse des hauteurs d'Alger (entre le Télemly et le Forum) desservie par la rue Duc-des-Cars. Connue pour son école de filles, son matelassier, son épicier Benoît et ses "barres", siège de la jeunesse est(h)onienne, avec ou sans "h".