Clauzel, Bertrand de son prénom





     On avait donné leur nom à des rues du Alger "d'avant" : d'avant que nous partions, d'avant qu'on les remplace, d'avant qu'on les oublie, d'avant qu'ils ne meurent une seconde fois, à la mémoire. Savoir qui ils étaient, savoir ce qu'ils avaient fait : voilà un beau thème de rubrique, qui pourrait être régulièrement approvisionnée. Seulement, si nous voulions retrouver tous ces personnages qui se cachaient derrière les plaques des rues d'avant 1962, il nous faudrait des décennies pour venir à bout de la liste impressionnante de ces inconnus, ou mal-connus, auxquels rendre leur vie. Car, si pour certains il ne sera même pas nécessaire de faire les présentations, comme pour Victor Hugo (boulevard), ou Michelet (rue), ou Pasteur (avenue), ou Gouvernement (place du - ), il en est des dizaines qui valent qu'on raconte, même brièvement, leur histoire.

     Même sur certains personnages célèbres il peut être utile de revenir, parce qu'ils ont pu avoir avec Alger des liens privilégiés (comme Saint-Saëns, Horace Vernet, Delacroix et d'autres), liens que ne mentionnent pas forcément des biographies sommaires; liens qui ont pu justifier qu'on baptise de leur nom une rue d'Alger.

     Alger est aujourd'hui une ville dont les anciens noms ont été pour la plupart remplacés par ceux de martyrs de l'indépendance. Notre ville est devenue un mémorial dont chaque plaque de rue est comme une pierre tombale. Je ne critique pas... On donne rarement des noms de rues à des vivants, ou à des étrangers. Encore moins des noms de militaires qui nous ont vaincus. Il faut être anglais pour donner à des endroits comme Trafalgar Square ou Waterloo des noms de défaites!

     Premières victimes de la purge, donc : les généraux ou maréchaux qui, avec plus ou moins de bonheur, avaient contribué à la conquête de l'Algérie. Il fallait bien qu'ils laissent la place, les Bedeau, Berthezène, Bugeaud, Burdeau, Damrémont, Drouët d'Erlon, Lamoricière, Négrier, Randon, Rovigo, Vallée, Voirol, Yousouf, plein d'autres... et Clauzel !

     Dommage seulement que du fait de cette frénésie de rebaptêmes, il ne reste rien non plus, ou presque, de ces noms de rues pittoresques qui rappelaient ce que fut tel ou tel endroit d'Alger avant d'être gagné par la marée montante de l'urbanisation. Fini, la rue bleue, la rue des azalées, la rue du bain-maure, la rue de la bombe . Adieu, la femme sauvage de la route du ravin de ce nom, adieu la rue de la savonnerie et la rue de l'échelle ! Et pareil pour tant d'autres artères portant des noms de fleurs et de variétés d'arbre ! Mais il est vrai que ces substitutions n'avaient jamais cessé. Il y avait belle lurette en 1962 que "l'allée de mûriers" ou le "boulevard du bon accueil", ou le "chemin de la Solidarité", ou "le champ des navets", ne s'appelaient plus ainsi !

     Même le passage du Caravansérail (reliant la rue Warnier à la rue Charras), où habitait Jean-Pierre Djian, il s'appelle aujourd'hui "passage Yamina Demigha" !

     Dans d'autres articles, nous reviendrons une dernière fois nous promener en ces rues aux appellations bucoliques ou poétiques, avant que ne se referme le grand livre de notre histoire là-bas. Mais pour l'instant, place au général Clauzel, qui aura été l'un des premiers hommes célèbres dont nous ayons prononcé le nom. C'était celui de notre école primaire.

Notre école : l'école Clauzel

     Sise à l'angle de la rue Clauzel et de la rue Tirman. La rue et l'école portaient le nom de l'un des plus illustres militaires ayant participé à la conquête française de l'Algérie.

     Il y avait, rue Clauzel, l'un des deux marchés de notre quartier, l'autre étant le marché Meissonier (le peintre ?). Le marché Clauzel commençait à la hauteur de la rue Drouët d'Erlon, et se terminait avec la rue Clauzel elle-même, au carrefour de l'Agha. Annie Suc -Müller nous en fait par ailleurs une description étonnante de précision (la mémoire que t'yas, ma fille !). Désormais, la rue Clauzel s'appelle rue Réda-Houhou.

     "Je m'entends encore chantonner quand je remonte la rue Clauzel, et je vois encore le sourire de mon père à l'entrée du restaurant". (Roger Curel, "Eloge de la colonie", p. 135).

Sa carrière, ses faits d'armes

     CLAUSEL, ou CLAUZEL (Bertrand, Comte). Maréchal de France (Mirepoix, Ariège, 1772 - Secourrieu, Haute-Garonne, 1842). Engagé volontaire en 1791, il fut nommé général de brigade en 1799 (à 27 ans!) et participa à l'expédition de Saint-Domingue (1801). Il se distingua en Hollande, à Naples, dans les provinces illyriennes, puis au Portugal au cours des campagnes de l'Empire.

     Rallié à Louis XVIII en 1814, puis à Napoléon 1er pendant les Cent-Jours, il s'exila en Amérique après la défaite de Waterloo (juin 1815). Rentré en France en 1820, il fut élu député et siégea dans l'opposition libérale (1827). Remplaçant Bourmont en Algérie (1830), il fut promu maréchal à son retour en France (1831). Envoyé de nouveau en Algérie comme gouverneur et commandant de l'armée d'Afrique (arrivée à Alger le 10 août 1835), il dut donner sa démission après l'échec de l'expédition de Constantine (1836).

(Robert, Dictionnaire Universel des Noms Propres).

     "Il fut remplacé le 12 février 1837 par le général Damrémont, qui arriva à Alger en avril 1837".

Clauzel, père de tous les Zouaves

     "En même temps il (Clauzel constituait une force indigène qui devait nous être d'une grande utilité. C'était l'application d'une idée qu'avait eue le maréchal de Bourmont. Il existait une tribu kabyle appelée zouaoua dont les membres quittaient volontiers leur pays, au temps des turcs, pour louer leurs services militaires. Nous eûmes recours à eux, bientôt ils formèrent plusieurs compagnies dont le commandement fut confié aux capitaines Maumet et Duvivier. Du nom de leur tribu on les nomma Zouaves et, pour ne pas leur imposer un costume qu'ils n'auraient accepté qu'avec répugnance, on leur constitua le costume oriental que les Zouaves ont toujours conservé. Ces indigènes, habitués à la guerre du pays, nous rendirent les plus grands services".

("L'armée d'Afrique depuis la conquête d'Alger", par le Dr F. Quesnoy, Librairie Furne, Jouvet et Cie éditeurs, Paris, 1888).


Si c'est une rue de ce quartier-ci d'Alger
qui portait le nom de Clauzel,
ce n'est peut-être pas un hasard...

     "Le faubourg de l'Agha que nous avons appelé le grand Mustapha en 1830, n'était alors que vergers et jardins avec de belles maisons mauresques dont les dessins du capitaine de Longuemare nous ont conservé les agréments. Les officiers supérieurs de l'armée s'y installèrent, et la ferme de l'Agha, sur l'emplacement de l'actuelle église Saint-Charles, devint la résidence du général Clauzel. En cet endroit était sous les Turcs le lieu de rassemblement des janissaires qui devaient former la méhalla chargée d'appuyer la collecte de l'impôt".

("Alger et sa région", Gabriel Esquer, Arthaud éditeur, 1957, page 116)

Bertrand Clauzel

 

 

 

 

 

 

Une bonne partie de ces appellations poétiques baptisaient des artères de la vieille ville. Se reporter à la nomenclature qu'en donne le site "Vieil Alger". Où l'on découvre que ces noms eux-mêmes furent donnés par les Français en remplacement de ceux d'avant 1830. Et aussi quels avaient été les premiers noms, ceux de l'époque turque.

Clauzel par Ferrand

Une vision irrévérencieuse de Clauzel, par le dessinateur Jacques Ferrand, dans "Carnets d'Afrique", premier album d'une série passionnante

 

Z comme zouave

Comme la page d'accueil du Z de nos petits Larousse illustrés aurait été triste sans son Zouave ! (cliquez pour agrandir). Avec seulement le zébu, le zèbre, le zodiaque et quoi, déja, les trucs filandreux ? Les zoophytes !

 

Le papier à cigarette Zig-Zag le Zouave

Et le papier à cigarettes Zig-Zag ? Et le capitaine Haddock ? Alors, hein, Clauzel et ses Zouaves, c'est pas un bienfaiteur, çui là ?