(brualune.htm)
Nos coins de rue


   À peine écloses les premières photos du "Retour" d'avril, nous voilà le nez dans nos écrans, à humer l'air du pays et à flairer les réminiscences.

   Allez voir du côté de Thierry Lafond (http://lafondth.free.fr/album), si ce n'est déjà fait. Il y a de quoi faire galoper votre mémoire, si vous n'étiez déjà plus un bambin au moment où le paysage s'est effacé.

   Et à propos de paysage, justement : celui de la Casbah, dans la mosaïque des photos Lafond, nous offre, à l'ombre d'une ruelle typique, une porte plutôt délabrée, sous un arc de pierre gravée d'ornementations. Ho ! les anciens, choufez bien, sous les extrémités du linteau de bois, ces deux croissants sculptés. Qu'est-ce que ça vous dit, deux croissants ?... Le premier qui répond "un crème" sera interdit de Livre d'Or pendant un mois. Parce que tout natif de là-bas, quand il entend parler de croissant, doit penser "lune". Et qui pense "Lune", en passant par la Basse-Casbah, pense forcément à... hum ! Vous y êtes. Même s'il n'est pas certain que la porte photographiée par Thierry soit bien celle de la rue du Caftan, de gaillarde mémoire.

   Le devoir de bienséance inscrit à l'article 5 de l'Aviss nous interdit d'être plus explicites. Vous vous contenterez donc de savoir que "La Lune", très fréquentée des légionnaires étrangers, des tirailleurs algériens et des matelots de toutes nationalités faisait partie de ces lieux de notre bel Alger qu'on ne nommait qu'à mi-voix. Ce n'était certes pas le nec plus ultra du genre, mais sa renommée n'en avait pas moins franchi depuis longtemps la porte Bab Azoun. Et n'en déplaise à Marthe Richard, qui n'avait pas eu le bras assez long pour en tirer le verrou par-dessus la Méditerranée, on doit lui reconnaître un rôle éducatif non négligeable auprès de plusieurs générations de jeunes boutonneux.

   À l'enseigne de "La Lune", en effet, mais aussi à celles du "Chabanais" et du "Sphinx" de l'immortelle Madame Nana, la porte était en principe close aux mineurs. Mais le livre d'or - s'il en fut - de ces accueillants établissements nous en apprendrait de belles sur les exceptions qui confirmaient la règle.

   À l'instar du fort de l'île Sainte-Marguerite qui, au large de Cannes, retient toujours le secret du Masque de fer, la face cachée de la "Lune" recèle-t-elle une anecdote d'État ? Faut-il croire la rumeur de ruelles, relayée par les gazettes, qui chuchote depuis un demi-siècle qu'un futur grand homme de pouvoir a connu là, ou sous un baldaquin de la concurrence locale, sa première expérience ?

J.B.




La p'tite ritournelle que vous avez entendue est le refrain
de la chanson d'Émile Bessière (paroles) et Paul Marinier (musique) interprétée par Fred Gouin en 1900.
Pour être tout à fait dans le ton de la communication qui précède,
il conviendrait de remplacer "Pierrot" par un autre prénom se terminant en "ot".
Hein ? "Votre ami Jeannot" ? Non, c'est pas Jeannot... Mais vous brûlez...