On
ne parlera pas des toupies à lanceur mécanique qui font fureur aujourd’hui,
ni des pièces de collection en céramique, en verre ou en bois
ouvragé, dont certaines remontent à plusieurs siècles.
L’engin
qui nous intéresse est celui qu’on trouvait chez toutes les
marchandes de bonbons et de petits articles de bazar, aux abords de nos
écoles. Ce n’était qu’une pièce de bois grossièrement
tournée en forme de cœur ou de poire inversée, à embase métallique
lancéolée ou arrondie
.
Le plus souvent peinte de couleur vive, elle était vendue avec sa
guitane
, une
ficelle de coton d’un peu moins d’un mètre qui, enroulée autour de
la toupie et sollicitée par un lancer du genre yo-yo, entraînait la
rotation.
Le
must était de lancer dans un geste " piqué "
verticalement ; là était la virilité. L’autre méthode (lancer
parallèle au sol, dans la position accroupie du pétanquier) était
plus facile et, du même coup, cataloguée " à la fille ". L’image
ci-dessus , qui suggère tout le contraire, doit être comprise comme un
mea culpa, une justice rendue à l’adresse injustement dépréciée de
nos sœurs de quartier.
Lancée
d’une manière ou d’une autre, la toupie offrait un large choix
entre ses diverses applications gyroscopiques.
La
plus courante jouait sur la durée de rotation. On lançait au
commandement, à deux ou trois joueurs, et le gagnant était celui dont
la toupie " mourait " la dernière.
Une
variante consistait à entrer dans la partie en " tuant " la
toupie adverse d’un lancer ciblé qui substituait une rotation à l’autre.
Le jeu pouvait se poursuivre très longtemps, l’éjecté ayant la
possibilité de retrouver sa place de la même manière.
Enfin,
il y avait les " figures imposées " : cueillir la toupie
en marche à l’aide d’une feuille de carton (une lame de couteau
pour les plus habiles) ; la faire ensuite tourner dans la paume ou
sur le dos de la main, sur un morceau de bois ou n’importe quel objet
plat ; jongler en changeant de main ou de partenaire…J’en
passe, et des meilleures.
Le
chapitre des toupies, certes, est loin d’être refermé : des
clubs, des expositions, des jeux électroniques et des sites Internet
ont pris le relais de nos compétitions de trottoir.
Laisse
qu’i fatiguent, mon frère ! Les toupies rustiques de notre
jeunesse font peut-être vieux tacots à côté de leurs engins
sophistiqués, mais pour le souffle, elles valaient au moins Alain
Mimoun. La preuve, elles tournent toujours dans nos mémoires !
J.-P. Follacci signale que certains bricolo-salaouètches de Koléa
coupaient parfois cet appendice pour le remplacer par un clou, censé
donner une rotation plus " pointue ".
De l’arabe qtane (coton), qui a donné guita (ficelle)
en espagnol..
J.B.

Toupie
équipée de sa " guitane "