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Texte et dessins de Jean BRUA

l'illustration musicale de fond est extraite de Georges Bizet : "jeux d'enfants : impromptu, la toupie" 

Dans l’univers " machissime " des 8-14 ans de nos quartiers algérois, tout lancer (de ballon, de caillou, de toupie) non conforme à l’orthodoxie était dit " à la fille ". L’expression, évoquée en note à propos de toupies dans l’écran Alger 92 (rubrique RETOURS), nous paraît mériter un complément d’information, aussi bien sur l’" ustensile " que sur les règles et codes de sa mise en œuvre.

On ne parlera pas des toupies à lanceur mécanique qui font fureur aujourd’hui, ni des pièces de collection en céramique, en verre ou en bois ouvragé, dont certaines remontent à plusieurs siècles.

L’engin qui nous intéresse est celui qu’on trouvait chez toutes les marchandes de bonbons et de petits articles de bazar, aux abords de nos écoles. Ce n’était qu’une pièce de bois grossièrement tournée en forme de cœur ou de poire inversée, à embase métallique lancéolée ou arrondie . Le plus souvent peinte de couleur vive, elle était vendue avec sa guitane , une ficelle de coton d’un peu moins d’un mètre qui, enroulée autour de la toupie et sollicitée par un lancer du genre yo-yo, entraînait la rotation.

Le must était de lancer dans un geste " piqué " verticalement ; là était la virilité. L’autre méthode (lancer parallèle au sol, dans la position accroupie du pétanquier) était plus facile et, du même coup, cataloguée " à la fille ". L’image ci-dessus , qui suggère tout le contraire, doit être comprise comme un mea culpa, une justice rendue à l’adresse injustement dépréciée de nos sœurs de quartier.

Lancée d’une manière ou d’une autre, la toupie offrait un large choix entre ses diverses applications gyroscopiques.

La plus courante jouait sur la durée de rotation. On lançait au commandement, à deux ou trois joueurs, et le gagnant était celui dont la toupie " mourait " la dernière.

Une variante consistait à entrer dans la partie en " tuant " la toupie adverse d’un lancer ciblé qui substituait une rotation à l’autre. Le jeu pouvait se poursuivre très longtemps, l’éjecté ayant la possibilité de retrouver sa place de la même manière.

Enfin, il y avait les " figures imposées " : cueillir la toupie en marche à l’aide d’une feuille de carton (une lame de couteau pour les plus habiles) ; la faire ensuite tourner dans la paume ou sur le dos de la main, sur un morceau de bois ou n’importe quel objet plat ; jongler en changeant de main ou de partenaire…J’en passe, et des meilleures.

Le chapitre des toupies, certes, est loin d’être refermé : des clubs, des expositions, des jeux électroniques et des sites Internet ont pris le relais de nos compétitions de trottoir.

Laisse qu’i fatiguent, mon frère ! Les toupies rustiques de notre jeunesse font peut-être vieux tacots à côté de leurs engins sophistiqués, mais pour le souffle, elles valaient au moins Alain Mimoun. La preuve, elles tournent toujours dans nos mémoires !


J.-P. Follacci signale que certains bricolo-salaouètches de Koléa coupaient parfois cet appendice pour le remplacer par un clou, censé donner une rotation plus " pointue ".
De l’arabe qtane (coton), qui a donné guita (ficelle) en espagnol..

J.B.

        Toupie équipée de sa " guitane "

 

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