Cliquez pour agrandir cette annonce de 1930
Il existait, pas très loin d'Alger, entre Blida et Boufarik, un lieu-dit Béni-Méred. Ce nom arabe, qui voudrait dire "les enfants malades", annonçait un site qui aurait été, avant son assainissement par les colons français, particulièrement hostile et insalubre (sur ce point, les textes divergent : "il n'existe pas de marécages alentour" lit-on sur Geneawiki). En tout cas, la proximité des grands marécages de la Mitidja et du lac Halloula faisait de cette région très peu peuplée, le paradis des moustiques et de la malaria.
Est-ce du fait de ce lourd héritage qu'un curé de l'endroit, l'abbé Blanc, entreprit de mettre au point un, puis deux sirops faits exclusivement d'extraits de plantes, qui soignaient tous les maux d'origine respiratoire comme les coqueluches, angines et pneumonies ? "Coqueluchsirop", puis "Bronchocure" connurent un assez joli succès. L'abbé, honnête et désintéressé, ne cacha jamais ce qu'il devait à l'observation des pratiques des guérisseurs et "marabouts" locaux avec lesquels il entretenait des relations amicales et "scientifiques" (lire la page ci-dessus).
"Bronchocure" fut vite reconnu dans toute l'Algérie pour ses bienfaits. L'abbé vendit le brevet à un grand pharmacien d'Alger (le laboratoire Bourély, souvenez-vous, le siège était au 10 bd Laferrière), mais les flacons de sirop continuèrent de porter le portrait du curé de Béni-Méred. Plusieurs Es'mmaïens se rappellent de ce sirop "au goût si agréable". Tellement agréable et efficace qu'il fut ensuite commercialisé dans toute la France, et certains se souviennent des publicités qui paraissaient dans les Paris-Match au tournant des années 1940-1950.
Le Point de Vue de Consommateurs
sur le Livre d'Or d'Es'mma
Guy VERDIER (1941) ALGER-LE HAMMA (83500 LA SEYNE SUR MER)
23/03/2007 08:28
Mais à chacun ses remèdes, et particulièrement chez nous, en hiver avant de partir à l'école, mon Père nous faisait un "canard" au pétrole ! Non, nous n'avions pas d'actions à Hassi Messaoud... C'était un remède arabe qui permettait d'éviter d'avoir la gorge enrouée et les angines ! Je dois dire que je ne m'en suis toujours accommodé et ma foi cela avait du vrai... Quand à l'huile de foie de morue, alors là, je suis certainement un cas, car je l'appréciais tellement que je finissais les bouteilles de mes voisins ! Pour en rajouter une louche, lorsque que nous avions pris froid, malgré le "canard au pétrole", on avait droit aux ventouses et au fameux cataplasme à la farine de moutarde, formule qui a été reprise avec plus de facilité d'emploi par le "Papier Rigollot", que malheureusement on ne trouve plus en pharmacie. Et quand on toussait, c'était le fameux "Bronchocure" au goût si agréable que je le sifflais en cachette !
LLORENS Jean-Jean 1934 (ALGER)
25/03/2006 12:36
Pour Gil et Jean-Claude, bravo pour tous vos remèdes, mais vous oubliez les ventouses, et les flanelles, j'en ai mis jusqu'à I4 ans, et les grosses ceintures en laine bleue, de nos pépés, que les mémés tenaient le matin des deux mains pendant que les pépés tournaient pour l'enrouler autour du ventre et des reins, et le sirop Bronchocure, et les vieux trucs pour les coups de soleil, une serviette sur la tête et un verre d'eau, et il ne fallait pas se moquer de la mémé, sinon "calbote".../... JeanJean
Dessin de Jean Brua
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Voilà où c'était, Béni-Méred ! À une trentaine de kilomètres d'Alger, à 8 km et demi de Boufarik et de Blida.
Pour une vue aérienne "Visiomap" :
http://www.visomap.com/place-fr/Beni+Mered
L'abbé Blanc investit les revenus de la commercialisation de ses sirops dans la construction du clocher et des orgues de l'église de Beni-Mered. Dis, tch'i as vu combien y'a des petits clochetons un peu partout ? Au moins douze y'en a ! Même à Alger, même à Saint-Charles i z'ont pas ça !
Assez curieusement, en 2009, on retrouve sur le net un "elixir" Bronchocure fabriqué par le laboratoire IPI situé à Bagdad ! Par quels détours et caprices propres aux cessions et rachats d'entreprises et de brevets, ce sirop s'est-il retrouvé là?
Ceci ne permet-il pas de considérer sous un jour nouveau l'agression américaine de l'Irak ? Leur attaque visa t-elle à faire main basse sur les puits de pétrole ou sur le sirop Bronchocure ?
L'abbé Blanc ne fut pas le seul inventeur notable de cette commune assez modeste :
En 1900, le charron-forgeron et maire de Béni-Méred, Eugène Hoffmann, déposa le brevet d'une charrue de son invention. Je suis pas sûr que l'intérêt de cette invention saute aux yeux du lecteur peu versé dans la chose agricole quand j'aurai dit qu'il s'agissait "d'une monosoc à timon de bois porté sur 2 roues que l'on pouvait diriger par 2 mancherons à l'arrière et dont on pouvait régler la profondeur du sillon".
Cette charrue fut fabriquée à Béni-Méred, et commercialisée dès le début du XXème siècle. Quand l'inventeur cessa ses activités, René Dagassan, son neveu, en continua la fabrication.
Pour une population d'environ 600 habitants, ceci donne pour Beni-Mered un taux exceptionnel d'inventeurs au mètre carré. L'air n'y fut peut-être pas propice aux poumons sains, par contre il semble l'avoir été pour une créativité débridée.
Nous remercions les palmiers du boulevard Saint-Saëns, ainsi que les deux serpents du jardin d'Essai qui ont bien voulu tenir la pose, pour leurs aimables prestations dans la composition du "caducée colonial aux palmiers" qui figure en fond d'écran.
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