En 1960, pendant que nous alternions BAC et RUA, il me vint à l'idée de créer un groupe instrumental du type "SHADOWS" (nos Maîtres !) avec 3 guitares et une batterie.
Je pouvais jouer guitare solo et rythmique, Yves Berthet se proposa à la batterie et il me fut facile de convaincre Raphaël Navarro (Ralphy), guitariste classique, de nous rejoindre.
Nos premières répétitions se passèrent chez moi, rue Davout, une rue perpendiculaire à la rue Desfontaines, elle même perpendiculaire au Bd Saint Saëns. L'appartement assez vaste, la patience de mes parents et surtout la grande tolérance de mes voisins permettaient ce genre d'activité.
Cela n'était pas facile d'arracher mes sbires aux délices du RUA, j'étais vraiment le soliste, le producteur et le technicien (tous les jeudis soirs, je transformais la guitare classique de Ralphy, après son cours chez Mr Disciabica, en basse électrique).
En Juillet 1961 je partis en Angleterre. Je pus, en dehors de mes activités linguistiques (ceux qui ont vu le film "À nous les petites anglaises" apprécieront) travailler le soir dans un WIMPY. Avec le peu d'argent gagné je pus acquérir une guitare électrique extra-plate. Ce n'était pas la Fender que je possède actuellement mais c'était la première du genre et j'eus un certain succès en rentrant à Alger auprès des membres des Black Feet Guitars.
J'avais pu voir lors de mon séjour que les Shadows avaient fait des émules, il y avait une infinité de groupes d'une grande qualité.
J'avais réalisé aussi que notre groupe devait franchir un palier. L'appartement de mes parents devenait trop réduit, les répétitions se passaient dans le garage de l'immeuble pour le grand plaisir des employés du "Travail et de la main d'oeuvre" travaillant juste au-dessus.
Nous allions aussi jouer chez les frères Berthet (Yves et Jean Pierre).
Là tous les musiciens étaient les bienvenus, il était fréquent de se retrouver avec un piano, trois guitares, deux saxos, trois clarinettes, un trombone, deux batteries etc... C'était alors le "boeuf' d'enfer".
J'étais comme je l'ai dit plus haut, entre autres le producteur, il me fallut aussi coiffer la casquette d'imprésario.
Alger avait une particularité. Pour acquérir la "notoriété" il fallait être le premier, sortir avant les autres.
Jean Christian Michel tenait le haut du pavé avec son ensemble "New Orleans", il y avait aussi des spécialistes du "Big Band" façon Ray Ventura, nous avions donc notre place à prendre.
C'est alors que l'on nous signala un groupe de guitaristes à Bab el Oued. Après les avoir écoutés, nous dûmes nous rendre à l'évidence, leur matériel était de meilleure qualité et leur technique, osons le reconnaître, supérieure à la nôtre.
Je compris qu'il nous fallait les prendre de vitesse et "sortir" avant eux.
Un ami, Jacques Varloud nous proposa d'animer les après-midi "boums" à l'École Supérieure de Commerce.
Nous acceptâmes avec enthousiasme. Nos affiches furent collées dant tout Alger et enfin un journaliste de "L'Écho d'Alger" nous fit un article avec une photo du groupe.
Nous avions gagné ! Nous n'entendïmes plus jamais parler de l'autre groupe.
Notre célébrité fut en revanche de courte durée, le groupe fut dispersé au printemps 1962 aux quatre coins de la Métropole.
Nous n'étions pas des génies, mais nous étions conscients de nos imperfections et surtout, nous nous éclations.
"Qu'est-ce que c'était bien !!!"